Sénégal: L'usage détourné des médicaments, un nouvel enjeu de la lutte contre la drogue (médecin)

Dakar — Le professeur Idrissa Ba, coordonnateur technique du Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (CEPIAD), s'est inquiété, mardi, à Dakar, de l'usage de médicaments à des fins de consommation de drogues, un phénomène qui, selon lui, rend complexe la lutte contre les stupéfiants.

"Les enjeux de la lutte contre la drogue, c'est également les autres substances qui font partie intégrante de notre vie : des médicaments sont détournés et constituent un grand danger au Sénégal", a alerté M. Ba, spécialiste de l'addictologie.

Il prenait part à un colloque international sur les sciences sociales et les drogues en Afrique francophone.

Cette rencontre se tient à Dakar, de mardi à jeudi, sur le thème : "Diversification des usages, transformation des approches".

Selon le coordonnateur technique du CEPIAD, le Sénégal, une plaque tournante des drogues, est devenue une "zone de consommation".

"Les antiphétamines émergents, le tramadole et le candézétamine font partie des médicaments" utilisés par les consommateurs de drogues, a précisé Idrissa Ba.

Selon lui, le colloque doit servir à établir un lien entre la prise en charge des usagers des drogues et la recherche.

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"La première et dernière recherche qui a été faite, c'est l'enquête de 2011, qui était une photographie du moment. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à d'autres enjeux, d'où l'importance [pour nous] de faire face à cette situation", a souligné M. Ba.

Abondant dans le même sens, le docteur Karim Diop, secrétaire général du Centre régional de recherche et de formation à la prise en charge clinique de Fann, à Dakar, a conformé l"'usage détourné" des médicaments.

"C'est l'exemple de certains étudiants qui, pour ne pas dormir, prennent certains médicaments, [avec le risque de] sombrer dans l'accoutumance. On a fait des tests chez des jeunes et on a constaté qu'ils utilisaient des psychotropes", a dit M. Diop.

Ce comportement favorise l'addiction, selon lui.

Le professeur Mbissane Ngom, de l'unité de formation et de recherche en sciences juridiques et politiques de l'université Gaston-Berger de Saint-Louis (nord), déclare que "beaucoup de ces médicaments viennent [...] d'Asie et traversent le désert [du Sahara] pour arriver dans nos pays".

Il signale que cette situation engendre "un enjeu de sécurité".

"Le trafic de drogue nourrit la violence et l'insécurité. En Afrique de l'Ouest, on privilégie une réponse pénale répressive. Et ce qu'on constate, c'est l'échec de la [lutte] contre la drogue, qui est devenue une [lutte] contre les drogués", a déploré M. Ngom.

"De ce point de vue, nous essayons de voir ce qui est fait au CEPIAD pour élaborer une approche santé et une approche reposant sur les droits humains", a-t-il ajouté.

La solution ne devrait pas consister seulement à "emprisonner les consommateurs de drogues, qui peuvent être des malades lorsqu'ils sont addictifs ou des consommateurs récréatifs, qui vont entrer dans ce circuit de criminalité parce qu'ils séjournent en prison", a expliqué Mbissane Ngom.

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