Burkina Faso: Patate douce à chair orange - Une trouvaille des laboratoires burkinabè riche en éléments nutritifs

Trouvailles des chercheurs burkinabè, la Patate douce à chair orange (PDCO) se cultive en trois mois et s'adapte aux changements climatiques. Riche en vitamine A, en fer, en zinc, en iode et bien d'autres éléments nutritifs, elle joue un grand rôle dans l'alimentation, notamment des enfants et des femmes enceintes. En plus d'être consommée frais, la patate douce à chair orange est transformée en chips, en biscuits, en farine infantile, en pain, en confiture, etc.

Il est 8 heures 30 minutes ce mardi 26 mars 2024 à Orodara, chef-lieu de la province du Kénédougou dans la région des Hauts-Bassins. Le ciel, couvert de nuages, laisse transparaître à peine les rayons du soleil. Une chaleur suffocante annonciatrice de pluie se fait sentir en ce début de journée. C'est dans ce climat lourd que Orokia Traoré, transformatrice de produits locaux et ses 14 employés, dans une cour au secteur 6 de la cité du Verger, sont à la tâche pour fabriquer de la farine Mizola à base de soja, de petit mil et de patte d'arachide. Par ailleurs présidente de l'Association « Miriya Gnouma », dame Traoré transforme les produits locaux, notamment les oléagineux, depuis 1995.

« J'ai commencé la transformation des produits locaux avec le fonio en 1995. Aujourd'hui, je transforme tout ce qui est céréale oléagineuse comme le sésame », détaille Orokia Traoré. Aux oléagineux, la présidente de Miriya Gnouma a ajouté la Patate douce à chair orange (PDCO) dans sa gamme de produits locaux. « En plus des oléagineux, je fais de la transformation de la patate douce à chair orange depuis 2007 », dit-elle. Mme Traoré fabrique de la farine, du dêguê (ndlr: du lait accompagné de petit mil), de la farine infantile, des croquettes (chips), du couscous, du jus, des gâteaux, de la confiture avec la PDCO.

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Une patate méconnue des consommateurs

A Koloko, à une dizaine de kilomètres de la frontière du Mali au nord-ouest de Orodara, Yolande Sanou, depuis un an, est dans la transformation de la PDCO. Elle fait des gâteaux, du jus, du pain et du dêguê. Si le dêguê et les jus sont prisés par les consommateurs du Mali où elle s'y rend pour vendre le pain et les biscuits, laisse-t-elle entendre avec un air de découragement, s'achètent difficilement. « Le marché de pain et de gâteau est morose. Nous vendons difficilement. Par exemple pour 5 000 F CFA de pain ou de gâteau, il faut mettre deux à trois jours pour écouler. Alors que les jus ou le dêguê sont vendus le même jour, souvent avant la fin de la journée », confie Yolande Sanou.

« Le peu que nous transformons sort difficilement parce que la PDCO n'est pas connue des consommateurs », renchérit Mme Traoré. La patate douce à chair orange, selon la présidente de l'Association Miriya gnouma, n'est pas connue des consommateurs. Pour une meilleure visibilité, elle suggère des activités de sensibilisation sur les valeurs et les qualités de ce tubercule, trouvaille des chercheurs burkinabè et ses produits transformés. « Notre problème majeur, c'est la visibilité.

On organise des foires dans ce sens, mais il nous faut d'autres actions de communication et de sensibilisation pour mieux faire connaitre nos produits », souhaite-t-elle. Souleymane Traoré est un friand du dêguê de Orokia Traoré. Comme la plupart des Orodaralais, il ne croyait pas que l'on pouvait transformer la PDCO en dêguê « aussi savoureux » à la dégustation. « Je ne pouvais pas imaginer qu'on pouvait transformer la PDCO en dêguê si fait que cela ne me disait rien. Mais depuis le jour où, par curiosité, j'ai goûté, je ne peux pas m'en passer. Chaque fois que l'envie me prend de boire du dêguê, j'accours m'en procurer », raconte Souleymane.

Depuis lors, il dit être devenu « un agent publicitaire » du dêguê de dame Traoré. Le mardi 26 mars 2024 à 17 heures, il est venu à la boutique des produits faits à base de la PDCO de Orokia Traoré en acheté pour un ami qu'il a convaincu de goûter à ce « délicieux » dêguê. « J'avoue que le dêguê de la PDCO est très bon. J'étais septique mais après l'avoir goûté je puis vous dire que c'est plus sucré que le dêguê ordinaire », confie l'ami de Souleymane sous anonymat. Même appréciation que Rodrigue Xavier Sanon, cet autre citoyen qui a dégusté pour la première fois le déguê fait à base de la PDCO. « En plus d'être très sucré, ce dêguê est appétissant », dit-il.

Des rendements élevés à l'hectare

D'un cycle de trois mois et adaptée aux changements climatiques, la PDCO a un rendement de 20 tonnes à l'hectare. « Si vous mettez les moyens, vous pouvez avoir un rendement de 20 tonnes à l'hectare de patate douce à chair orange contrairement au maïs qui donne de 3 à 12 tonnes au maximum à l'hectare. Ce qui signifie que la patate douce à chair orange joue un rôle important dans la sécurité alimentaire », détaille le chercheur à l'Institut de l'environnement et de recherche agricole (INERA), Dr Koussao Somé, par ailleurs directeur général de l'Agence nationale de biosécurité. En plus de son rendement à l'hectare, la PDCO, poursuit le chercheur, est « très riche » en éléments nutritifs.

« A chaque fois que vous consommez la patate douce à chair orange, sachez que vous consommez un aliment qui contient de la provitamine A qui se transforme en vitamine A pendant sa bio accumulation en bêtacarotène », dévoile Dr Somé. La PDCO, poursuit-il, accumule en même temps de l'iode, du fer et du zinc qui sont « très importants » pour les enfants de 0 à 6 ans. « Cette patate est aussi bonne pour les femmes en âge de procréer ou les femmes enceintes », fait-il savoir. La couleur de la PDCO est due à son taux élevé en bêtacarotène qui est un curseur des vitamines A, foi du chercheur. La PDCO, renseigne le nutritionniste expert en sécurité alimentaire et nutritionnel concepteur de projet et programme, Mohamed Ouédraogo, contient également les vitamines B, C et E ainsi que des minéraux, du potassium, du fer, du magnésium, du phosphore, du calcium, du cuivre et du Zinc.

Lutter pour la sécurité alimentaire

C'est au regard de ces valeurs et qualités nutritives que les chercheurs burkinabè, selon le chercheur à l'INERA, ont mis en place de nombreuses variétés de la PDCO pour, dit-il, contribuer à la sécurité alimentaire et améliorer la nutrition des populations. « Nous avons pu développer jusqu'à huit variétés des espèces agricoles inscrites dans les catalogues de l'UEMOA (ndlr, l'Union économique et monétaire ouest africaine) et de la CEDEAO (ndlr, Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) », explique Dr Somé. La PDCO est beaucoup cultivée dans la province du Kénédougou, une zone traditionnelle de production de la patate.

« Nous avons cinq communes/départements qui sont de grands producteurs de la patate douce à chair orange. Ce sont les départements de Orodara, Koloko, Samorogouan, Kangalaba et Kourigon », indique le directeur provincial de l'Agriculture, des Ressources animales et halieutiques du Kénédougou, Gassi Lougué. La PDCO, poursuit-il, connait un essor dans le Kénédougou avec des superficies cultivées estimées entre 2 000 et 2 600 hectares (ha) chaque année pour une production de 25 000 à 34 000 tonnes (t). Selon les chiffres de la direction provinciale en charge de l'agriculture du Kénédougou, la campagne 2023-2024, les producteurs ont mis en valeur 2 280 ha avec des récoltes de 25 080 t de PDCO. Pendant la campagne 2022-2023, ce sont 2 478 ha qui ont été cultivées pour une production de 32 214 t.

La mévente, la grosse épine aux pieds des producteurs

Daouda Traoré, la cinquantaine révolue, est un producteur de la patate depuis son enfance. « Je suis né dans la culture de la patate et aujourd'hui j'en ai fait mon activité principale, notamment la patate douce à chair orange », fait savoir le producteur Daouda Traoré. Grand producteur de la PDCO, M. Traoré a du mal à écouler sa production. « Je cultive en grande quantité mais nous n'avons pas d'acheteurs. Cette année, je n'ai pas pu écouler même la moitié de ma production », raconte-t-il avec amertume.

Producteur-pisteur, Moussa Traoré confirme la mévente de la PDCO. « Je joue le rôle d'intermédiaire entre les producteurs et les commerçants et transformateurs de la PDCO. Ces dernières années nous avons du mal à avoir des preneurs avec la PDCO. Souvent, nous nous retrouvons avec des tonnes de PDCO sans acheteurs », confirme Moussa Traoré. Ces producteurs confient donc perdre des tonnes de patate douce à chair orange chaque année qui est difficile à conserver. « Présentement, ce sont des tonnes de PDCO que j'ai en ma possession et sans preneur. Avec cette chaleur, je risque de perdre cette grande quantité comme il est de coutume ces dernières années », indique avec désolation Abou Traoré, producteur de la PDCO à Samorogouan.

Orokia Traoré, la plus grande transformatrice de Orodara de la PDCO, est sa meilleure cliente comme la plupart des autres producteurs d'ailleurs. Malheureusement, dit-il la voix nouée, à elle seule, elle ne peut pas acheter toute la production de la province. Pour minimiser les pertes et conserver le plus longtemps possible la patate douce à chair orange qui contient moins de matières sèches que la patate douce à chair blanche, le chercheur à l'INERA propose une technique aux producteurs. Il s'agit de faire un récipient (une fosse ou des grosses caisses) dans lequel il faut mettre une couche de sables fins (sable grossier mais sec), puis on met deux couches de patates que l'on couvre entièrement avec du sable.

« Quand on conserve la patate ainsi, elle peut faire sept mois sans que la qualité et les formes ne soient altérées », indique le chercheur. Cette méthode est connue de Daouda Traoré, mais il avoue qu'elle est difficile à l'application. « Vous vous imaginez la quantité de sable qu'il faut mettre sur la patate si vous avez des tonnes à conserver ? Et quand vous en aurez besoin, il faut encore revenir la déterrer. C'est vraiment fatigant », martèle le producteur. Outre la mévente, le directeur provincial estime que la filière est peu organisée.

« La plupart des producteurs sont individuels néanmoins on en dénombre sept Sociétés coopératives simplifiées (SCOOPS) dans la province. Au-delà des SCOOPS, il existe des clusters PDCO qui incluent les acteurs des différents maillons de la production à la commercialisation », fait savoir Gassi Lougué. La pauvreté des sols, le coût élevé des intrants agricoles, les maladies virales, les dégâts des ravageurs, en l'occurrence, les charançons (les plus dominants), les chenilles et les rongeurs, constituent autant de difficultés à la production de la PDCO dans la province du Kénédougou, aux dires du chef provincial du département de l'agriculture.

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