Rwanda: Rêsultats de la présidentielle rwandaise - Bienvenu au pays de l'unanimisme !

Les présidentielles, depuis que l'homme mince de Kigali, Paul Kagame pour ne pas le nommer, s'est accaparé des rênes du pouvoir en 1994, se suivent et se ressemblent comme deux gouttes d'eau du point de vue de leurs résultats.

En effet, en 2003, Paul Kagame avait engrangé 95% des voix. En 2010, il était à 93%. Cette fois-ci, il a mis dans sa besace 98% des voix. Ses adversaires, si l'on peut les appeler ainsi, le candidat indépendant Philippe Mpayimana et Frank Habineza, le président de la seule formation d'opposition tolérée du pays, le Parti démocratique vert, ont tous deux recueilli moins de 1% des voix.

Comme on peut le constater, les chiffres parlent d'eux-mêmes et ils sont de nature à accréditer l'idée selon laquelle le Rwanda de Paul Kagame est en passe de réussir l'exploit d'être le pays de l'unanimisme. Tous les habitants des mille collines sont d'avis pour reprendre en choeur et ce, sans murmure ni plainte, le seul évangile qui vaille, c'est-à-dire celui de saint Paul Kagame. Et il est fort probable qu'ils l'ânonnent encore jusqu'en 2034, puisque la Constitution relookée en 2015, autorise l'homme mince de Kigali à rester aux affaires jusqu'à cette date.

La démocratie s'accommode mal de la pensée unique

Et au rythme où vont les choses et à moins que la nature n'en décide autrement, Paul Kagame a la certitude de porter la tunique présidentielle jusqu'en 2034. Et comme dans des pays du Gondwana, et le Rwanda en est un, on ne se rassasie jamais du pouvoir, il n'est pas exclu que Paul Kagame revisite entre-temps la constitution pour lever définitivement la clause de la limitation du nombre des mandats présidentiels pour s'accrocher à son fauteuil.

Et cette perspective n'est pas de nature à gêner outre mesure tous ceux qui ont érigé un piédestal éternel pour Kagame au prétexte que celui-ci est un don de Dieu pour le Rwanda. Certes, Paul Kagame peut se vanter d'avoir mis fin au génocide. Il peut revendiquer le fait d'avoir arrimé le Rwanda à la croissance et au développement économique et social.

Il a su soustraire son pays à la chienlit généralisée qui sévit chez bon nombre de ses voisins, mais de là à le diviniser au point de croire que personne n'a le droit de critiquer son oeuvre, il y a un pas que ses laudateurs indécrottables ont malheureusement franchi. Car le résultat d'un tel culte de la personnalité est qu'au plan politique, tout le pays pratiquement respire d'une seule narine.

Et cela ne peut qu'aboutir à des scores staliniens sur fond de paranoïa ambiante. L'on avait eu donc tort de croire que l'Afrique avait définitivement tourné la page de ce genre de scores avec la fin des partis uniques et des pères fondateurs. Près de 60 ans après les indépendances, le Rwanda de Paul Kagame est en train de marcher avec fierté sur leurs pas.

C'est pourquoi l'on peut se permettre de rappeler à Paul Kagame que la démocratie telle que l'ont pensée les philosophes du siècle des lumières, s'accommode mal de la pensée unique et de l'unanimisme. Pour imager les choses, l'on peut dire que le système démocratique repose sur deux pieds. L'un est la majorité et l'autre l'opposition. Or, l'on peut faire le constat que chez Paul Kagame, la démocratie, si on peut l'appeler ainsi, est un parfait estropié. L'opposition, en effet, y est quasi-absente.

L'autre nom de l'unanimisme politique est le totalitarisme

Tous les Rwandais et Rwandaises qui ont tenté d'apporter la contradiction à Paul Kagame dans l'espace public en créant un parti politique, ont connu des fortunes diverses. Les plus chanceux d'entre eux ont pu traverser la frontière pour s'exiler. Quant aux autres, ils sont soit en prison soit dans l'au-delà. Et l'argument massue que l'homme mince a toujours avancé pour les réduire au silence, est qu'ils sont des nostalgiques du régime génocidaire de Juvénal Habyarimana.

Ce disque-là commence à être rayé, mais Paul Kagame sait qu'il peut toujours le jouer sans que personne n'ose lever le petit doigt pour chercher à le contredire. Surtout pas la communauté internationale ; elle dont on sait qu'elle a joué un rôle trouble avant et pendant le génocide de 1994. Et au plan domestique, Paul Kagame sévit, accusant tous ceux qui pensent autrement que lui de révisionnistes et de négationnistes.

L'un dans l'autre, Paul Kagame a pu bénéficier d'une omerta, peut- on dire, sur les travers de sa gouvernance politique. L'on ne doit pas s'étonner que toutes les présidentielles qu'il organise soient sanctionnées par des scores-fleuves à propos desquels on ne sait pas si l'on doit en rire ou en pleurer. C'est sûr que les tenants de la thèse selon laquelle la démocratie est un luxe pour les Africains, sont en train d'en rire.

Mais tous ceux qui croient que la démocratie n'a ni couleur ni race, doivent écraser une larme face à la mascarade qui se joue au Rwanda. Car, l'autre nom de l'unanimisme politique est, n'ayons pas peur d'appeler le chat par son nom, le totalitarisme. Et l'histoire du monde nous a suffisamment édifié sur les drames de ce type de régime.

De tout ce qui précède, l'on peut suggérer à Paul Kagame de travailler à relever le niveau de la démocratie dans son pays. Car, non seulement, les scores qu'il réalise aux élections sont indécents, politiquement parlant, mais aussi ils peuvent traduire le fait qu'il est tout simplement craint. Ben Ali en Tunisie et Hosni Moubarak en Egypte aussi réalisaient à peu près les mêmes scores.

Mais cela ne les a pas empêchés, contre toute attente, d'être débarqués un beau matin par leur peuple. Le principal enseignement que l'on peut tirer de cela est le suivant : l'unanimisme ne signifie pas forcément l'adhésion collective et consciente d'un peuple à un projet de société.

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