Ile Maurice: Questions à... Me Nabiil Shamtally - «Il faut arrêter de baser une enquête uniquement sur des aveux»

interview

Dans un rapport daté du 29 mars 2024, la National Human Rights Commission (NHRC) préconise la création d'un tribunal spécialisé pour les affaires de drogue.

La NHRC a transmis cette recommandation au président de la République et l'Attorney General, Maneesh Gobin, souligne que des consultations avec toutes les parties prenantes et les membres du judiciaire sont nécessaires avant d'entreprendre quoi que ce soit. Nous avons sollicité l'avis de Me Nabiil Shamtally, pour un éclairage sur cet éventuel tribunal séparé.

Quels sont les principaux avantages et inconvénients d'établir un tribunal spécialisé pour les délits de drogue par rapport au système judiciaire traditionnel ?

Il faut d'abord évaluer le système judiciaire dans son ensemble, y compris la détection et l'enquête sur les délits liés à la drogue, avant de pouvoir arriver à une conclusion concrète. Un tribunal spécialisé comporte certes de nombreux avantages car il réunit des personnes censées être formées dans la spécialité du tribunal. Avec le temps, on arrive à développer des procédures propres au tribunal, qui sont mieux adaptées. On peut aussi envisager ici une collaboration étroite avec la Drug Users Administrative Panel. Pour rappel, on dispose déjà de tribunaux spécialisés comme la Children's Court, la Financial Crime Division et la Cour industrielle. Donnent-ils les résultats escomptés ?

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Cependant, réaliser toutes les attentes peut être assez difficile dans notre système judiciaire pénal actuel. Créer un tribunal spécialisé et procéder de la même manière que devant un tribunal traditionnel est voué à l'échec. Je préconise qu'on évalue immédiatement le système judiciaire pénal dans son ensemble.

Il faut revoir la façon dont on détecte, enquête et poursuit les suspects de délits liés à la drogue, surtout dans le cas d'un trafiquant. Il est incompréhensible qu'en 2024, dans notre pays et dans de nombreux cas, on n'arrive toujours pas à monter un dossier de poursuite solide, à l'exception d'obtenir une confession du suspect. Nous accusons un retard considérable en termes de technologie.

Par exemple, dans le système actuel, il faut plusieurs années pour qu'une personne arrêtée sous une accusation provisoire de possession de drogue, soit finalement condamnée. Il faut une refonte totale dans la façon de procéder et il faut certainement allouer plus de ressources aux autorités. Pour cela, il faut une véritable volonté politique. Une personne soupçonnée de délit de drogue doit absolument faire face à des sanctions pénales dans les plus brefs délais.

Comment le processus de mise en place d'un tribunal séparé pour les stupéfiants pourrait-il affecter les droits des accusés et le principe de l'équité procédurale ?

Les droits des accusés figurant principalement dans la Constitution seront certes toujours préservés.

Quels sont les défis juridiques et pratiques potentiels associés à la création et au fonctionnement d'un tribunal spécialisé pour les délits de drogue, notamment en ce qui concerne la compétence, la procédure et les ressources nécessaires ?

La formation de tous les acteurs est primordiale. Nous disposons de personnes compétentes à Maurice et nous pouvons faire appel à des experts étrangers lorsque cela s'avère nécessaire. Il faut à tout prix cesser de baser une enquête uniquement sur des aveux. Il faut éviter de créer des doutes dans les enquêtes et contrer toute accusation de partialité à ce niveau. Je parle, par exemple, de l'utilisation de la technologie comme les caméras corporelles. Les ressources devront évoluer et être augmentées. Cela a un coût élevé mais c'est nécessaire. L'évaluation du système judiciaire pénal doit être envisagée sous tous les angles.

Le tribunal séparé aurait-il les mêmes fonctions qu'une commission d'enquête sur la drogue ?

Une commission d'enquête sur la drogue est certainement différente d'un tribunal chargé de juger et de sanctionner les délits liés à la drogue. Une commission d'enquête vise à enquêter sur la situation des stupéfiants à Maurice et à proposer des changements mais pas plus.

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