CONAKRY, Guinée — « J'étais à l'hôpital quand je me suis rendu compte que j'avais des fuites urinaires », a déclaré Kadiatou Bah, une survivante de la fistule, à l'UNFPA, l'agence des Nations Unies chargée de la santé sexuelle et reproductive.
Mme Bah est tombée enceinte pour la première fois il y a plus de 40 ans, alors qu'elle en avait 17. Avec peu de centres de santé disponibles dans son village de Labé, dans les montagnes de Guinée, il lui était difficile de bénéficier d'une prise en charge médicale durant sa grossesse. En outre, elle n'avait pas prévu d'accoucher dans un établissement de santé.
Mais ses plans ont changé après deux jours de travail. « Lorsque nous avons décidé d'aller au centre médical, j'ai accouché en chemin », témoigne-t-elle. « L'enfant était déjà mort. »
Mme Bah ne le savait pas à l'époque, mais elle a souffert d'une fistule obstétricale, une lésion dramatique liée à l'accouchement, pouvant être fatale aux femmes et menacer leur grossesse. Environ neuf femmes sur dix développant une fistule obstétricale accouchent d'un enfant mort-né, tandis que d'après les études, les dystocies sont à l'origine de 6 % des décès maternels.
Les conséquences de la fistule sont également graves pour les survivantes : nombre d'entre elles souffrent d'incontinence, de maladies mentales et physiques et d'exclusion sociale. L'infirmité de Mme Bah a creusé un fossé entre elle et son mari, qui l'a très peu soutenue.
« Je ne pouvais plus me montrer en public », explique-t-elle. « Les gens m'évitaient, j'ai énormément souffert. »
Le chemin de la guérison
On estime à un demi-million le nombre de femmes et de filles à travers les États arabes, l'Asie, l'Amérique latine et les Caraïbes ainsi que l'Afrique subsaharienne à avoir survécu à une fistule obstétricale. Nombre d'entre elles sont des filles et de jeunes femmes qui, comme Mme Bah, ont été mariées lorsqu'elles étaient enfants et sont probablement tombées enceintes avant que leur corps n'ait terminé son développement.
D'après des données de 2018, environ 124 000 femmes en Guinée sont touchées par la fistule obstétricale, soit plus de 4 % des femmes en âge de procréer dans le pays.
Malgré la prévalence de la lésion, les survivantes de la fistule obstétricale font encore l'objet d'une forte stigmatisation. « Parmi les complications liées à la grossesse, la fistule obstétricale est l'une des plus graves, car elle engendre également l'exclusion sociale », explique le Dr Sékou Diallo, gynécologue à Mamou.
D'après les expert·e·s, soigner les survivantes de la fistule nécessite de tenir compte de leurs besoins médicaux, psychosociaux et socio-économiques. La plupart des fistules peuvent être réparées grâce à la chirurgie, bien que ce traitement soit difficilement accessible en raison du manque global de chirurgien·ne·s formé·e·s à cette intervention. En Guinée, par exemple, seul un hôpital situé dans le nord-est du pays propose régulièrement des chirurgies réparatrices de la fistule.
Malgré ces difficultés, plus de 500 femmes ont pu bénéficier d'un traitement gratuit de leur fistule entre 2018 et 2023.
Plus qu'un mauvais souvenir
Mme Bah a vécu avec sa fistule obstétricale pendant près de 20 ans avant sa première chirurgie réparatrice. « J'ai bénéficié d'une première opération, puis [d'une deuxième], mais j'avais toujours des fuites urinaires », rapporte-t-elle.
En 2019, sa troisième chirurgie lui a cependant permis de se rétablir complètement.
Avec le soutien de l'UNFPA, le gouvernement de Guinée a élaboré une stratégie nationale pour lutter contre la fistule obstétricale, en créant des unités de gestion de la fistule à travers sept régions du pays. Au sein de ces unités, des équipes de chirurgien·ne·s, d'infirmier·e·s et d'anesthésistes sont formé·e·s à la chirurgie réparatrice de la fistule pour aider les femmes comme Mme Bah à en guérir.
« La fistule obstétricale est le résultat tragique de notre échec à protéger les droits reproductifs des femmes et des filles les plus vulnérables et les plus exclues », a déclaré la Directrice exécutive de l'UNFPA, Dr Natalia Kanem.
« En luttant contre des inégalités très enracinées, en aidant celles qui sont les plus démunies, et en investissant dans un accès universel à des services de santé maternelle rapidement disponibles et de qualité, nous pouvons et devons éliminer la fistule définitivement. »
Cette histoire fait partie d'une série d'articles illustrant les progrès réalisés depuis la Conférence internationale sur la population et le développement de 1994, lors de laquelle la communauté internationale s'est engagée à garantir l'égalité des sexes et le droit à la santé sexuelle et reproductive pour tous. En savoir plus.