Congo-Brazzaville: Sarah Nsana - « Faire de longues études n'a jamais été un obstacle pour une vie de famille »

interview

Calme et posée, Sarah Nsana, la vingtaine, élève avocate à l'École nationale d'administration et de magistrature (Enam), où elle est majore de sa promotion, n'a pas fini de nous surprendre. Son slogan : « Excellence et détermination » l'a emmenée à obtenir avec brio ses diplômes de juriste en droit des affaires et en droit privé des contrats, personnes et familles. Actuellement en formation à l'Enam, elle compte bien arracher son diplôme de barreau après ces deux ans de formation.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Coup de foudre pour le droit, passion ou simplement un héritage familial ?

Sarah Nsana (S.N.) : Dans ma famille, je suis la première à faire les études de droit, malgré la présence de plusieurs diplômés dans divers domaines. C'est une relation plutôt passionnelle qui n'a rien à avoir avec un héritage familial du métier. Pour preuve, mon père fût artiste sculpteur sur bois et monumentaliste et ma mère à fait carrière en qualité d'hôtesse de l'air et s'est reconvertie en artiste peintre.

L.D.B.C. : Pourquoi le droit ? Vous auriez pu faire autre chose ?

S.N. : C'était le souhait de ma mère car, toute petite, elle disait à qui voulait l'entendre que « ma fille serai une grande avocate ». J'étais brillante et j'avais une aisance de m'exprimer et à déceler les injustices. Ces paroles de ma mère ont fait naître en moi, depuis toute petite, cette passion pour le droit. À l'obtention de mon baccalauréat, c'était une évidence d'entrer à la faculté de droit. Faire autre chose n'était pas possible et je n'y ai jamais pensé. À ce jour, je dirai que ma mère avait vu juste !

L.D.B.C. : Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Et qu'est-ce qui vous a motivée à aller aussi loin ?

S.N. : Mon parcours est assez normal et s'est enrichi par un désir croissant d'apprentissage. Après mon bac A4, je quitte Pointe-Noire pour intégrer la faculté de droit de l'université Marien Ngouabi à Brazzaville. Mon cursus universitaire a connu un succès grâce à la discipline, le travail, la rigueur et la détermination, qui ont été mes maîtres mots pour franchir chaque étape. J'ai donc mis un terme à ce cursus avec une licence en droit privé, option carrière judiciaire et une maitrise en droit privé fondamental. En 2017, je me suis présentée en binôme au concours de plaidoirie organisé par la délégation de l'Union européenne (UE) en République du Congo, où nous avons remporté, mon collègue et moi, le premier prix. Une distinction qui m'a value la qualité de lauréate, ouvrant la voie à plusieurs opportunités tant professionnelles qu'académiques.

En 2018, je réalise un stage à la Délégation de l'UE dans la section politique, sans compter différentes expériences que j'ai pu acquérir en entreprises et au sein des cabinets d'avocats. Au sortir de ce parcours, j'intègre en 2020 l'Université de Bordeaux en France, dans le cadre d'un diplôme universitaire en droit des affaires Ohada et de l'intégration régionale. S'en est suivie une deuxième maîtrise en droit privé approfondi sanctionnée par la soutenance d'un mémoire en droit des contrats. De retour à Brazzaville en 2023, je me présente au concours de barreau à l'Enam, que j'ai satisfait en sortant à la tête de liste des admis, ce qui m'a valu le titre honorifique de « Majore de promotion ». Ça n'a pas été facile, il fallait faire preuve d'abnégation et je suis fière de ce que j'ai accompli à ce jour. De nos jours, les femmes ont les mêmes chances de réussite que les hommes et arrivent même à se distinguer dans une certaine mesure plus que les hommes. La femme est en mesure de s'épanouir en dehors de son foyer, en accédant à des postes de responsabilité.

L.D.B.C. : Dans notre société, les femmes qui font de longues études font souvent l'objet de plusieurs remarques. Comment réagissez-vous face à ces remarques ?

S.N. : Les remarques, les avis et les critiques, je n'y accorde aucun intérêt. C'est une question de désir et de vouloir. Faire de longues études pour moi n'a jamais été un obstacle pour une vie de famille. Il faut juste créer l'équilibre. Je pense sincèrement que nos sociétés africaines devraient arrêter de pointer du doigt et apprendre à respecter la liberté de chacun en évitant des questions embarrassantes et désobligeantes. Il faut bannir ces stéréotypes sur les femmes intellectuelles, qui empêchent nos sociétés d'avancer.

L.D.B.C. : Cela vous est-il déjà arrivé de vouloir tout balancer au regard des critiques et remarques désobligeantes de votre entourage ?

S.N. : Non, les remarques désobligeantes viennent de la part des gens qui ont peur de notre personnalité forte et cherche des moyens pour nous déstabiliser. Il ne faut surtout pas se laisser affaiblir. Être une femme aux atouts divers ne devrait pas être considéré comme une faiblesse. Au contraire, c'est une force. Pour ce qui me concerne, Il faut retenir une chose, c'était un choix personnel de faire des études de droit et cela demande beaucoup de discipline et nous forge un caractère.

L.D.B.C. : Et quel serait votre message pour les femmes ?

S.N. : Mon message à la jeune fille et à la femme en général est un message d'espoir. Les femmes ont la capacité de se déployer et s'épanouir dans divers secteurs d'activité. Elles ont du potentiel et le pouvoir de faire ce qu'elles veulent. Il faut juste susciter l'envie car leur détermination peut renverser les barrières qu'elles se dressent. La législation congolaise permet aux femmes d'aller plus loin dans leur cursus et prône l'égalité entre les hommes et femmes. Alors elles devraient en profiter !

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