Dans son récent rapport « Sovereign 2023 transition and default study », l'agence de notation Fitch-Ratings dresse un bilan détaillé des défauts souverains survenus ces dernières années.
Si les pays africains peinent à juguler leur déficit budgétaire et leur endettement, leur situation appelle une analyse nuancée. La prudence restera de mise pour leurs créanciers, qu'ils soient publics ou privés. Tour d'horizon des pays africains et la notation souveraine.
L'étude de Fitch Ratings sur les transitions et défauts souverains fait état des défis auxquels font face les pays africains en matière de gestion de la dette et des finances publiques. L'activité de notation globale des dettes souveraines est restée certes stable en 2023, mais les pays émergents, dont de nombreux pays africains, ont connu une majorité des transitions de notation. Sur les vingt-cinq mouvements de notation nette enregistrés en 2023, dix-huit concernaient des marchés émergents, avec autant de dégradations que de revalorisations. Cette situation reflète les difficultés rencontrées par de nombreux pays africains pour assainir leurs finances publiques et maîtriser leur endettement. Parmi les pays africains ayant connu des dégradations de notation en 2023, on peut citer l'Éthiopie et le Ghana, qui ont été placés en situation de défaut par Fitch. Ces deux pays lourdement endettés ont fait défaut sur leurs obligations en 2023.
La gouvernance, clé de la maîtrise des déficits
Au-delà des chiffres bruts de la dette, l'étude met en lumière l'importance cruciale de la gouvernance et des cadres budgétaires pour assurer la viabilité des finances publiques. Les pays disposant de mécanismes solides de gestion des déficits et de la dette parviennent à maintenir des notations relativement élevées malgré des niveaux d'endettement importants. À l'inverse, les pays aux institutions fragiles et aux processus budgétaires opaques peinent à rassurer les investisseurs et subissent des dégradations de notation. Un autre facteur clé est la capacité des gouvernements à mettre en oeuvre des réformes structurelles pour stimuler la croissance économique et améliorer la collecte des recettes fiscales. Les pays comme le Ghana et l'Éthiopie, qui ont tardé à s'attaquer aux déséquilibres budgétaires, ont fini par faire défaut.
Défauts en série, dégradations à tour de bras
Au total, sur les vingt-trois épisodes de défaut souverain recensés par Fitch depuis 2009, cinq concernent des pays africains, contre six pays d'Amérique, quatre d'Europe, un du Proche-Orient et un autre d'Asie. Les cinq pays africains sont les suivants : le Congo, le Mozambique, la Zambie, l'Éthiopie et le Ghana. Le Congo a connu deux épisodes de défaut, en 2016 et 2017, liés au non-paiement des intérêts sur ses obligations en dollars émises dans le cadre de la restructuration de sa dette du Club de Londres en 2007. Le Mozambique, quant à lui, a défailli en 2016 suite au non-paiement d'un prêt garanti par l'État à l'entreprise publique Mozambique Asset Management. La Zambie a défailli en 2020 : pour cause, un coupon n'a pas été payé sur une euro-obligation d'un milliard de dollars arrivant à échéance en 2024. Les causes sont multiples : dépendance aux exportations de matières premières, niveaux d'endettement élevés, fragilité des systèmes de mobilisation des recettes intérieures, ou encore chocs exogènes comme la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine. Face à ces défis, une gestion rigoureuse des finances publiques et une diversification des sources de croissance s'imposent.
Par ailleurs, l'analyse de Fitch souligne l'importance de distinguer les défauts sur la dette extérieure ( en devises étrangères) de ceux sur la dette intérieure (en monnaie locale). Si les premiers peuvent gravement entamer la crédibilité d'un pays sur les marchés financiers internationaux, les seconds témoignent surtout des tensions budgétaires internes. Enfin, au-delà des chiffres, l'étude rappelle que les défauts souverains ne sont pas des événements binaires, mais s'inscrivent dans un continuum de difficultés de paiement plus ou moins graves. Les «distressed debt exchanges» ou rééchelonnements forcés de dette en sont l'illustration, à mi-chemin entre le service normal de la dette et le défaut pur et simple.