Burkina Faso: «On voulait prolonger la transition sans faire son bilan», dénonce la société civile

Capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition au Burkina Faso

Le Burkina Faso a adopté le 25 mai une charte permettant au régime militaire du capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir en septembre 2022 par un coup d'État, de rester cinq ans de plus à la tête de ce pays miné par les violences jihadistes.

Au sein de la société civile, le journaliste et ancien Président de la Commission électorale, Newton Ahmed Barry, dénonce les conclusions de ces Assises nationales. « On voulait prolonger la transition, sans faire de bilan de cette transition », affirme de son côté Yoporeka Somet, Secrétaire national du mouvement Servir et non se servir (Sens).

Au Burkina Faso, la période de transition a été prolongée le 25 mai 2024 de 5 ans à compter du 2 juillet 2024, à l'issue des Assises nationales menées au pas de charge samedi, autorisant le capitaine Ibrahim Traoré à rester à la tête du Burkina Faso jusqu'en 2029. Selon la nouvelle charte, ce dernier n'est plus « Président de transition » mais « Président du Faso » et il pourra se porter candidat à l'élection présidentielle à la fin de la transition.

« À partir du moment où la prolongation a été obtenue, le reste était sans objet »

Une seule journée d'Assises nationales a suffi à l'adoption de cette nouvelle charte, alors que deux journées étaient initialement prévues. Pour Newton Ahmed Barry, journaliste, ancien Président de la Commission électorale, ces Assises n'avaient qu'un seul objectif, explique-t-il au micro de Guilhem Fabry : « Ce n'était pas évidemment de réfléchir sur quoi que ce soit. C'était de faire la prolongation. À partir du moment où la prolongation a été obtenue, le reste était sans objet. On est dans un pouvoir militaire, et donc on n'est plus dans une transition. »

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Pour le ministre de l'Administration du territoire, Émile Zerbo, les Burkinabè amorcent un « tournant décisif » de leur histoire, nécessitant un sursaut patriotique pour reconquérir le territoire face aux groupes jihadistes. Mais Newton Ahmed Barry ne croit pas aux raisons sécuritaires avancées par le régime : « Le terrorisme n'est plus qu'un prétexte, mais évidemment un bon prétexte pour ne pas quitter le pouvoir. Je pensais que nous, Burkinabè, nous étions prémunis contre des choses aussi grotesques, mais vraiment je me rends compte qu'on peut aussi bien monter haut que descendre dans les fanges. C'est là où nous en sommes aujourd'hui, hélas. »

Le régime d'Ibrahim Traoré est accusé de réduire au silence les voix critiques. Ces derniers mois, plusieurs personnalités ont été arrêtées ou envoyées au front pour combattre les groupes jihadistes.

Ils ont opéré un coup d'État, tout simplement, avec un autre mode opératoire qui consiste à s'installer pour une longue durée. On aurait souhaité des Assises nationales, c'est-à-dire que la nation se retrouve et que les débats aient lieu. Ce n'est pas ce que nous avons eu. Notre mouvement, bien sûr, n'a pas été invité et je pense qu'on n'était pas les bienvenus. Les autres organisations de la société civile, comme le Balai citoyen, les organisations syndicales, etc. n'y étaient pas représentées. Donc, on voulait prolonger la transition, sans faire de bilan de cette transition. Je pense que c'est pour cette raison que la nation n'a pas été associée. Alors que, dans un moment comme ça, on n'a jamais vécu de moment aussi critique, c'était une occasion de rassembler tout le monde, d'avoir des avis divergents. Non, moi je ne vois pas tellement quel va être l'avenir de ce pays avec de telles divisions.

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