Tout laisse croire, du moins pour les plus optimistes que la transition est devenue, du moins en Afrique de l’Ouest une notion à géométrie variable. Elle sert en effet de repoussoir à toutes les velléités de maintien au pouvoir pour une durée indéterminée.
La notion de transition telle qu’elle est perçus et vécue par les tenants des pouvoirs en place, issus des coup d’état militaires, rappelle à bien des égards, une certaine jurisprudence du « flagrant délit continu », concept qui naguère avait été utilisé pour mettre des opposants sous l’éteignoir.
C’est l’impression de déjà-vu qui se dégage après le « dialogue national » organisée il y a deux semaines au Mali par le régime militaire du président Assimi Goita, pour justement discuter des perspectives et de la durée de la transition, après deux reports successifs.
L’acte majeur qui en est ressorti, comme certains s’y attendaient, est le report de la durée de la transition de 24 mois cette fois-ci, contre les 5 ans initialement décidés, en dépit des protestations de l’opposition réunie autour du M5-RFP, du mouvement Mali Kura et de Yéléma.
Le fait inédit est que cette décision intervient, comme certains observateurs le présentent, comme une réponse à la position adopté par le sommet de la CEDEAO tenu 2 jours auparavant, et qui avait acté le maintien des sanctions contre le Mali.
Aussitôt fait, son homologue du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir depuis septembre 2022 , lui emboite le pas, par le même procédé, comme s’ils s’étaient passés le mot, « ensemble mettre en place un dispositif de conservation du pouvoir ». L’un comme l’autre a chacun, à sa manière, entériné la prolongation de la transition dont ils avaient initialement fixé le terme.
Le Capitaine de Ouagadougou reproduisant « la bonne pratique » de son voisin du Mali, a convoqué lui aussi des Assises nationales pour entériner la prolongation de la durée de la transition à 5 ans, alors qu’elle devait se terminer ce 1er juillet. Cerise sur le gâteau, il se rend désormais éligible à la future présidentiel, dont il est candidat et en fait de même pour le président du parlement de la transition, notamment pour la députation.
Le plus cocasse c’est qu’il interdit les partis politiques, ses potentiels concurrents, et dans la foulée supprime les quotas qui leur étaient alloués en ce qui concerne les postes de députés durant la période de transition. C’est comme qui disait un retour à la chape de plomb, en promettant une nouvel Charte laissé à sa discrétion, dont on peut deviner qu’elle sera taillée sur mesure.
Bref, la machine démocratique semble absolument grippée au Burkina Faso, et ne laisse entrevoir du moins à court terme aucune issue heureuse, démocratiquement parlant.
Le prétexte choisi, avec un populisme qu’on a du mal à définir, est que le pays est « agressé », les impératifs de sécurité et de redressement national appellent à une mise entre parenthèse des libertés démocratiques le temps de rétablir l’ordre et la sécurité. De ce point de vue la marche populaire initiée ce samedi 25 mai 2024 à Ouagadougou, « à la gloire » du capitaine Traoré, et pour un mandat (oui un mandat) à vie, fait froid dans le dos. C’est comme si on faisait une pression insidieuse sur les conclusions des Assises, qui d’ailleurs semblent aller dans le sens de la clameur populaire.
Cela rappelle de triste mémoire d’africain les fameuses thèses développementalistes des années 60-70, qui légitimaient les partis uniques. Une autre manière d’infantiliser les pays africains qui aspiraient à la démocratie, en prétendant qu’ils ne sont pas encore murs. Ainsi, les impératifs de sécurité justifient ici, le bâillonnement des libertés démocratiques. Qui sera le prochain sur la liste ?
Pourtant on croyait bel et bien être sorti de cet impasse. A qui profite ce recul démocratique ?