Gabon: Les partis politiques sont en principe suspendus depuis le 30 Août 2023

Le dialogue national inclusif débuté le 02 avril 2023, s'est achevé le 30 du même mois, avec la cérémonie de remise du rapport final au Président de la Transition, Chef de l'État. Environ 1000 recommandations ont été formulées par les 580 commissaires retenus pour la validation du rapport de synthèse des 38000 contributions citoyennes. Parmi ces recommandations, figure en bonne place la suspension de l'activité des partis politiques jusqu'à droit connu sur les nouvelles conditions de création de ces personnes morales à vocation politique. Cette recommandation défonce en réalité une porte entrouverte, car les partis politiques sont en principe suspendus depuis le 30 Août 2023.

En effet, depuis cette date, le Gabon est passé d'une République souveraine et démocratique, à un régime militaire d'exception appelé « Transition militaire » ou simplement « Transition ». La « Transition » est une période d'exception, qui sépare deux ordres constitutionnels. Elle est le moment de passage d'un ordre constitutionnel ancien (constitution du 26 mars 1991 et ses différentes modifications), à un nouvel ordre constitutionnel (la constitution en cours d'élaboration). Elle est alors une période de rupture constitutionnelle ou d'absence de constitution. Il ne peut avoir de constitution qui vaille en période de transition, sinon nous ne serions plus en régime d'exception. La seule constitution de la transition est la « Charte de la transition ».

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Le peuple gabonais et les institutions internationales sont conscients que notre pays traverse une période de rupture de son ordre constitutionnel ou d'absence de constitution, d'où les appels répétés d'un retour rapide à l'ordre constitutionnel. Le communiqué militaire du 30 Août 2023, dissolvant toutes les institutions de la République, avait de facto suspendu la constitution du 26 mars 1991 et ses modifications, dont la dernière en date fut celle de Janvier 2018.

Suivant le principe de l'accessoire qui suit le principal, la suspension de la constitution du 26 mars 1991 et ses modifications, entrainait par voie de conséquence la suspension des lois créées sous son empire, dont le code électoral et de la loi sur les partis politiques. Il n'y a donc pas d'activités des partis politiques qui tiennent en régime d'exception militaire. Les partis politiques n'ont d'essence qu'en République monolithique ou en régime de pluralisme politique, où ils concourent à l'expression du suffrage universel.

Dans un régime transitionnel d'exception, il n'y a pas d'élections, et par conséquent, des partis politiques. Il faut attendre la nouvelle constitution pour s'assurer que celle-ci s'inscrive dans l'approche monolithique ou pluraliste, qui donnerait lieu à nouveau à l'activité des partis politiques, car elle peut tout aussi opter pour un régime monarchique, qui enterrerait définitivement l'activité des partis politiques au Gabon.

En régime d'exception militaire, les partis politiques sont donc en principe déchus de leur droit d'existence, et donc de leur liberté d'exercice. Or, le législateur de la transition a lui-même créé la cacophonie juridique dans la charte de la transition, en ressuscitant la constitution du 26 mars 1991, pourtant suspendue par le communiqué militaire du 30 Août 2023, et en reconnaissant dans la même charte, le rôle des partis politiques, qui concourent à l'exercice du suffrage universel, une manière manifeste de reconnaître leur existence en cette période de transition. Dans ces circonstances, il est difficile de suspendre leurs activités sans tenir compte des dispositions légales en la matière.

Si le pouvoir militaire souhaite suspendre légalement l'activité des partis politiques, conformément au principe de la transition et la recommandation du dialogue national inclusif, il doit préalablement supprimer les incongruités juridiques contenues dans la Charte de la Transition, car il n'y a pas de constitution du 26 mars 1991 qui vaille en période transition, comme il n'y a pas de partis politiques qui concourent à l'exercice du suffrage universel dans cette période d'exception. A partir de cet instant, l'activité des partis politiques tomberait de facto avec la constitution du 26 mars et les textes subséquents.

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