Nigeria: À Kano, deux émirs pour un trône

Dans la grande ville de Kano, la capitale du nord du Nigeria, l'ancien émir Lamido Sanusi a retrouvé son trône ce dimanche 26 mai, quatre ans après en avoir été chassé (en 2020) par le précédent gouverneur de la région. Lamido Sanusi est considéré comme une voix critique au Nigeria, loin de la réserve habituelle des chefs traditionnels.

Une quarantaine de chefs coutumiers et chefs de district ont participé dimanche dernier au conseil marquant le retour de Lamido Sanusi sur le trône de l'émir de Kano. Pendant ce temps, le monarque déchu, Ado Bayero, menait ses propres consultations depuis un autre palais de la ville de Kano, en attendant que la situation soit clarifiée.

Cette « crise du trône » a débuté jeudi 23 au soir, lorsque le gouverneur de l'État de Kano, Abba Kabir Yusuf, a pris des mesures pour amender la loi ayant permis de chasser Lamido Sanusi du palais de l'émir il y a quatre ans par le précédent gouverneur, Abdullahi Umar Ganduje - aujourd'hui président national du parti APC au pouvoir.

Lamido Sanusi, qui se décrit lui-même comme « un amoureux de la controverse » avait été accusé « d'insubordination », après avoir critiqué la gestion des finances publiques dans l'État de Kano. En 2014, il avait déjà été limogé de son poste de gouverneur de la Banque centrale du Nigeria par l'ancien président Goodluck Jonathan, après avoir accusé les responsables de la compagnie pétrolière nationale de malversations.

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Retour en grâce

Son retour en grâce, Lamido Sanusi le doit surtout à son ancien protecteur, Rabiu Kwankwaso, le fondateur du parti d'opposition Nouveau Parti du peuple nigérian (NNPP) qui l'avait nommé au poste d'émir lorsqu'il était lui-même gouverneur de la région de Kano, qui a ensuite été dirigée par l'APC au pouvoir. Mais le retour de l'opposition aux commandes après les élections locales de mars 2023 a ouvert la voie à la réintégration de Lamido Sanusi. Ces dernières années, celui-ci était relativement en retrait de la vie publique, même s'il avait été nommé chef de la branche Tijaniiyya de la communauté soufie du Nigeria.

« Lamido Sanusi est apprécié des élites, parce qu'il est vu comme quelqu'un d'éduqué », assure l'analyste Kabiru Said Sufi. « Il a aussi la réputation de pouvoir apporter une touche de modernité à la fonction d'émir. » Mais une frange de la population se méfie d'un émir trop flamboyant, et préfèreraient que « l'institution conserve son côté austère », estime le chercheur.

La justice nigériane a maintenant été saisie pour trancher sur l'identité de celui qui doit siéger sur le trône de l'émir de Kano - en principe jusqu'à sa mort. Une première décision émise par une cour de justice fédérale dans le week-end était censée stopper la réinstallation de Lamido Sanusi, mais elle n'a pas été suivie d'effet. Un nouveau jugement doit être rendu début juin, alors que le sujet a également été présenté devant un tribunal local, à Kano. Malgré des sollicitations publiques dans sa direction, le président nigérian Bola Tinubu ne s'est pas exprimé pour l'instant sur cette affaire.

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