Rwanda: L'enquête «Rwanda Classified» accuse Kigali de répression systématique de dissidents et voix critiques

Le collectif de journalistes Forbidden Stories a publié mardi 28 mai son enquête « Rwanda Classified » sur la répression menée par les autorités rwandaises contre opposants au régime du président Paul Kagame, ainsi que contre des journalistes critiques. Les informations de 50 journalistes de 11 pays différents révèlent des intimidations, des menaces ou des tentatives d'assassinat pour faire taire toutes les voix critiques, que ce soit au Rwanda ou à l'étranger.

L'enquête du collectif Forbidden Stories a été déclenchée après la mort suspecte du journaliste rwandais John Williams Ntwali en 2023. Le journaliste de 43 ans est mort à Kigali en janvier 2023 après qu'une voiture a percuté son moto-taxi. Un accident a priori banal, mais qui contenait de nombreuses zones d'ombre.

Rédacteur en chef du journal The Chronicles, John Ntwali était connu pour ses enquêtes jugées dérangeantes pour le pouvoir.

Forbidden Stories a rencontré certains de ses confrères et proches, qui affirment que, jusqu'au soir même de sa mort, le journaliste se disait constamment suivi, et recevait des menaces au téléphone. Parmi celles-ci, certaines disant : « On va te rouler dessus quand tu seras à moto ! »

L'enquête se déplace jusqu'en Belgique. Le journal belge Le Soir, qui a participé aux investigations, révèle les intimidations que peut subir la diaspora rwandaise, voire toute personne définie par Kigali comme « négationniste du génocide » des Tutsis.

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Rien qu'en Belgique, « Rwanda Classified » décompte une vingtaine d'actions répressives et de surveillance sur la dernière décennie. Parmi ces actes, l'infection de smartphones via le logiciel espion israélien Pegasus, des campagnes de dénigrement sur le web, mais également des actes plus graves, dont quatre morts suspectes de ressortissants rwandais depuis 2004.

La journaliste britannique Michela Wrong, par exemple. Sa présentation à Bruxelles l'an dernier d'un livre sur le Rwanda a dû être annulée suite aux menaces reçues par le propriétaire du restaurant africain qui devait l'accueillir. Même histoire pour sa consoeur canadienne Judi Rever, à qui les autorités belges ont dû fournir deux gardes du corps et une voiture blindée.

Selon le site Jambo News, très critique envers le président Paul Kagame, un officier des services secrets pilote depuis l'ambassade du Rwanda à Bruxelles un groupe composé d'étudiants, de faux opposants et même de chauffeurs de taxi. Tous seraient chargés d'intimider les voix dissidentes à travers l'Europe.

Un ancien dirigeant du site d'informations relate un incident survenu au Parc royal de Bruxelles il y a 10 ans. Alors qu'il est en réunion avec son équipe, une vingtaine de personnes les encercle, armées de couteaux.

Kigali dénonce une « campagne médiatique politiquement motivée » pour « semer le trouble » à l'approche des élections

Selon le gouvernement de Kigali, l'enquête menée par Forbidden Stories est une « campagne médiatique politiquement motivée et hostile envers le Rwanda ». Dans un communiqué, les autorités dénoncent des accusations « déjà réfutées à plusieurs reprises » et destinées « à semer le trouble » à l'approche des élections présidentielle et législatives, rapporte notre correspondante à Kigali, Lucie Mouillaud.

Ces deux scrutins sont prévus le même jour, le 15 juillet prochain. Le président Paul Kagame, chef de l'État depuis 24 ans, est candidat à sa réélection et à un quatrième mandat.

Dans le même document, le gouvernement signale une tentative similaire, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC), pour protéger le groupe rebelle des FDLR. Selon les autorités rwandaises, cela aurait comme but de nuire au Rwanda et de soutenir l'appel à un changement de régime lancé par le président de la RDC. Un objectif de déstabilisation qui ne se concrétisera pas, poursuit le communiqué, en raison de « la forte unité de la population ».

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