Les bureaux de vote ont ouvert à 6h heure locale ce mercredi 29 mai partout à Madagascar. Les électeurs sont appelés à choisir leurs 163 députés qui viendront entièrement renouveler l'Assemblée nationale dès la mi-juin. Si la chambre basse était jusqu'alors acquise au pouvoir, cette nouvelle élection a peu de chance de rebattre les cartes. L'opposition, qui avait boycotté le scrutin présidentiel de novembre, a cette fois-ci choisi d'aller au bout de la campagne : elle se présente désunie, mais dont les revendications restent communes.
On note une différence par rapport à la précédente élection, raconte Sarah Tétaud, notre correspondante à Madagascar. Contrairement à la présidentielle, il y avait du monde ce matin dès l'ouverture des centres de vote. Pour de nombreuses personnes, l'élection législative est plus importante que l'élection précédente parce que, selon les termes d'un électeur, « les députés touchent la même terre que la population ». Autrement dit, ils sont plus proches du peuple, et comprennent mieux les enjeux et leurs besoins.
Certains des votants disaient qu'ils n'avaient pas voté à la présidentielle parce qu'ils n'avaient pas obtenu leur carte électorale à temps, ou parce qu'ils avaient tout simplement refusé de participer à une élection qu'ils considéraient comme non fiable, non transparente. Alors aujourd'hui, c'est un peu une revanche, pour ces personnes-là.
Les attentes sont assez différentes, finalement. Certains sont venus clairement pour soutenir le président de la République et lui permettre d'avoir des députés en accord avec sa vision et avec lesquels - disent des électeurs - Andry Rajoelina pourra « bien collaborer ». Donc pour assurer une continuité, en fait, et faire en sorte que son second mandat ne soit pas entravé pas des lois allant à l'encontre des objectifs de son gouvernement.
D'autres, eux, espèrent clairement une rupture avec la législature précédente. Ils ont voté pour avoir des voix dissidentes à l'Assemblée nationale, des députés qui tiennent un autre discours que celui de la majorité présidentielle, qui défendent une population aujourd'hui qui fait face à des problèmes disent-ils, totalement occultés. Des infrastructures fonctionnelles, de l'eau, de l'électricité. Tout ce que beaucoup, estiment ne pas avoir aujourd'hui.
Quels enjeux ?
L'enjeu de ces législatives pour le président Andry Rajoelina - réélu en novembre dernier pour son second mandat - est d'avoir une Assemblée nationale acquise à sa cause. Tout comme l'est déjà le Sénat. Objectif : avoir les coudées franches pour diriger le pays comme il l'entend.
Pour cela, la coalition présidentielle Irmar s'est donné les moyens de créer la vague orange voulue : le parti présidentiel est la seule force politique présentant un candidat dans chacune des 120 circonscriptions que compte l'île, dont trois sans aucun opposant face à elle.
Elle s'est structurée autour de personnalités de taille : sept ministres à peine nommés au gouvernement en ont démissionné pour battre campagne. La formation compte également les candidatures de six anciens ministres, rapporte notre correspondant à Antananarivo, Pauline Le Troquier.
L'opposition en partie divisée, mais avec des revendications communes
L'opposition, en revanche, n'a pas réussi ce tour de force : 40 % des districts de l'île sont dépourvus de concurrents officiels contre le pouvoir.
De son côté, l'ex-collectif des 11 candidats à la présidentielle, quoique désormais scindé en deux plateformes distinctes, maintient des revendications communes. En premier lieu, « empêcher le pouvoir de poursuivre sur sa lancée illégale », puis « mettre fin à la mauvaise gouvernance », assure à RFI une source proche du mouvement.
La première plateforme, le Firaisankina, est porté par le Tim. Il s'agit du principal parti d'opposition de l'ancien président Marc Ravalomanana, mais aussi par la figure d'Hery Rajaonarimampianina, également ancien chef d'État. Elle s'appuie par ailleurs sur une autre figure de proue de l'opposition, le député du Sud Siteny Randrianasoloniaiko (Pro-Tsiteny), unique candidat à s'être présenté aux urnes face à Andry Rajoelina lors de l'élection présidentielle de novembre.
L'autre plateforme, le kolektif an'ny malagasy bénéficie, elle, d'assises locales solides de ses leaders. L'actuel député et ancien maire de Tamatave Roland Ratsiraka, ou encore Hajo Andrianainarivelo, dont le parti MMM dispose d'une dizaine de parlementaires.
Les très nombreux indépendants en faiseurs de roi ?
Autre force en place, les candidats indépendants. Particulièrement nombreux cette année, ils apparaissent comme les faiseurs de roi de cette élection, selon les alliances tactiques faites avec les camps traditionnels.
La vraie inconnue dans ce scrutin reste sans nul doute le taux de participation. Un déplacement massif de la population aux urnes pourrait asseoir la légitimité du parti présidentiel et de son chef d'État. À l'inverse, une faible participation marquerait une nouvelle fois le désintérêt et le manque de confiance de la population envers la politique et ceux qui la façonnent.
L'élection présidentielle de novembre avait déjà offert un aperçu notable de la situation : 54% des électeurs avaient boudé le scrutin.