Maroc: Festival de Fès des musiques sacrées du Monde - Trois questions à Vincent Moon, réalisateur de films musicaux

Fès — En marge de ses performances de "Live cinéma" hypnotiques, le réalisateur français de films musicaux, Vincent Moon, a partagé dans un entretien avec la MAP dans le cadre du Festival de Fès des musiques sacrées du monde, sa fascination pour les états de transe induits par la musique, son processus de création en direct et sa vision de l'évolution technologique dans les arts.

Dans cet entretien, Vincent Moon, connu pour sa quête des transes rituelles à travers le monde, évoque l'expérience unique qu'il a vécue à Fès, un lieu qu'il qualifie de "source d'inspiration profonde".

1- Dans votre quête pour capturer la magie du "rite optique", qu'est-ce qui vous fascine le plus dans ces états de transe induits par la musique lors des rituels sacrés ?

- Tellement d'expériences ont jalonné mon parcours qu'il m'est difficile d'établir une comparaison. J'ai certes vécu de grands moments de transe cérémonielle à travers le monde, de magnifiques états de conscience modifiée induits par la musique. Mais nulle part ailleurs je n'ai été témoin d'une manifestation aussi directe et puissante que celle dont j'ai été le spectateur émerveillé ici-même, à Fès.

Il y a quelques années, j'avais enregistré une cérémonie de guérison avec les Hmadchas, un rituel d'une immense beauté qui m'a profondément marqué. J'y ai vraiment touché du doigt ce lien indissociable entre cérémonie, guérison, soin et communion.

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Une expérience tellement marquante que je souhaitais ardemment revenir et je suis ravi d'être de retour à l'occasion de la 27ème édition du Festival de Fès des musiques sacrées du monde.

2 -Pourriez-vous nous éclairer sur votre processus de création en direct lors de vos performances de "Live cinéma" ? Comment opérez-vous la sélection et l'assemblage des images et de la musique pour chaque spectacle unique ?

- J'ai fait plus d'un millier de films à travers le monde, constituant ainsi une vaste bibliothèque numérique à ma disposition. Mais j'aime par-dessus tout l'improvisation.

Au fil du moment présent, je me laisse inspirer par la présence d'un spectateur, le murmure du vent ou le chant d'un oiseau. Je commence alors à puiser dans mes archives filmiques, juxtaposant par exemple les gestes d'un sonneur de cloches au sommet d'une église de montagne à l'animation d'une rue de Fès où l'on distribue de l'eau fraîche. Tout est improvisé sur l'instant, dans un flux spontané d'une durée d'une heure à une heure trente environ. Je suis le pilote en quelque sorte, mais j'ignore où nous allons atterrir. Ce qui est sûr, c'est que nous atterrissons, portés par cette vague de création instinctive.

3- La technologie occupe une place prépondérante dans votre travail, notamment à travers les logiciels de montage en temps réel. Comment percevez-vous l'évolution technologique dans les arts du cinéma et de la musique, et en quoi influence-t-elle votre approche artistique ?

- Je dirais que nous sommes aujourd'hui submergés par la technologie. Dès lors, la question est de savoir si nous voulons poursuivre cette course en avant qui nous dépasse inévitablement.

L'intelligence artificielle, pour ne citer qu'elle, nous permettra de réaliser dès demain des films insoupçonnés. Ce qui m'intéresse, c'est de revenir aux technologies ancestrales. C'est-à-dire, retrouver une technologie du vivre-ensemble. Voilà ce qui me passionne vraiment. Je ne renierai pas pour autant mes outils modernes - ordinateur, caméra, micros. Mais je pense que je peux déjà réaliser tant de choses avec eux, qu'il est intéressant de se demander comment ces technologies peuvent nous rapprocher à nouveau, nous rassembler en communauté, créer des moments de partage au lieu de nous isoler derrière nos écrans.

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