Ile Maurice: Dépouillement le jour du scrutin - Une proposition vouée à l'échec

Le nouveau registre électoral entre en vigueur dès la dissolution du Parlement

C'est une des rares fois - si ce n'est pas la première - que la commission électorale consulte les différents partis politiques, qu'ils soient représentés au Parlement ou qu'ils soient extraparlementaires. Ces réunions ont pour but d'effectuer un constat : voir si le dépouillement des bulletins de vote le même jour que le scrutin est chose possible.

À deux reprises, la commission l'a fait. Une première fois en novembre 2020, lors des élections villageoises et la seconde fois en février 2022, pour des élections à l'Assemblée régionale de Rodrigues. Cette fois, c'est pour des élections plus importantes, soit les législatives, que la commission électorale procède à des consultations avec les politiciens de tous bords. Et même avec les syndicats de la fonction publique.

Après avoir rencontré le commissaire électoral et son équipe, des porte-parole des partis politiques ont brièvement fait état de ce dont ils ont discuté, tout en affirmant que les réunions ont été franches et cordiales et que la commission a été à leur écoute. Ces jours-ci, les débats se poursuivent. On peut affirmer qu'ils ne sont pas tous sur la même longueur d'onde et on peut avancer sans hésitation que cette proposition concernant le dépouillement juste après la fermeture des bureaux de vote est vouée à l'échec. Le fait est que la balle n'est pas tout à fait dans le camp de la commission électorale, mais dans celui du gouvernement.

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L'alliance Parti travailliste- Mouvement militant mauricien-Nouveaux Démocrates (PTr-MMMND) ne souhaite pas que les urnes soient déplacées dans d'autres centres de vote. Ajay Gunness, présent lors de la rencontre avec la commission électorale, soutient que l'alliance rougemauve a émis le souhait que toutes les boîtes soient conservées dans le même centre de vote. Lors du dépouillement, tous les bulletins de ce centre de vote seraient alors mélangés et ensuite comptabilisés. Cela, afin d'éviter de pouvoir identifier dans quelle salle de vote les électeurs dont les noms sont affichés ont voté pour tel ou tel parti.

Mais est-ce que le dépouillement des votes dans un centre ne peut-il pas permettre d'identifier pour qui les électeurs d'une quelconque région ont voté majoritairement ? Ajay Gunness affirme que cela est possible dans certains cas, quand il y a un grand écart entre le nombre de voix, mais soutient que généralement, les candidats savent bien en avance quelle région leur est favorable. «Qu'il soit élu ou pas, le candidat sait bien quels sont les endroits où il a été plébiscité.»

 Krishna Pather

En revanche, l'alliance PTr-MMM-ND tient compte des défis auxquels la commission électorale doit faire face si le décompte des voix se fait le même jour. «Avec la difficulté de trouver des fonctionnaires, il est problématique d'effectuer l'exercice de dépouillement le même jour. Dans ce cas, nous n'avons pas de problème avec cela, mais les urnes ne doivent pas être déplacées et le dépouillement doit avoir lieu le lendemain dans un seul centre.»

«Entorse à la démocratie»

Le leader du Parti mauricien social-démocrate, Xavier-Luc Duval, ne souhaite pas pour sa part que le dépouillement se fasse dans les différents centres de vote. «La raison c'est qu'on saura quelle région a voté pour quel parti. Ce sera une entorse à la démocratie, à l'unité nationale et une transgression par rapport à l'égalité des chances. Tous les partis peuvent sceller les urnes. Les agents sont libres de suivre les véhicules transportant les urnes, donc pour moi, il n'y a pas de risque de tampering. Mais dans ma circonscription, celle de Belle- Rose-Quatre-Bornes, soit le n° 18, il y a 16 centres de vote. Comment mes deux colistiers et moi pourrons-nous suivre le déroulement du dépouillement ? Donc oui, je souhaite que le dépouillement se fasse le même jour que le scrutin, et dans un seul centre.»

Satish Ramruttun, de Linion Moris, a lui été candidat aux élections villageoises. «Cela s'est bien passé, mais je reconnais que l'ampleur de l'exercice ne sera pas la même pour les élections générales.» L'alliance qu'il défend est sur la même longueur d'onde que le PTr-MMMND, c'est-à-dire contre le déplacement des urnes. «J'ai entendu dire qu'il y a des risques de débordements dans des centres de vote tôt le lendemain matin et ce sera un peu partout car il y aura plusieurs centres de dépouillement. Au niveau de Linion Moris, nous pensons que les autorités policières pourraient émettre un couvre-feu pendant certaines heures le soir, disons de 22 heures à 10 heures le matin. Ceux qui en ont la permission peuvent toujours rester dans les centres, munis de leurs insignes émis par la commission électorale. Comme cela, la sécurité sera assurée.»

2 200 salles de vote

Il y a en moyenne 2 200 salles de vote dans les 21 circonscriptions. Le jour du scrutin, chaque parti ou alliance a le droit de placer un agent dans une salle de vote. Pour le dépouillement, le nombre d'agents passe à quatre. Donc pour un parti ou une alliance, il faut quelque 4 400 agents le jour du décompte des voix. Dans chaque centre de vote, il y a un «senior presiding officer». Il est épaulé par un ou plusieurs «presiding officers», dépendant du nombre de salles de vote. Dans chaque salle de vote, il y a un «ballot box clerk». À l'entrée de chaque salle de vote, il y a un «direction clerk». Il y en a aussi dans la cour des centres de vote. Il y a également un bon nombre de remplaçants qui assurent la relève de ceux qui prenne leur pause déjeuner ou ont besoin d'un peu de repos. L'heure de vote est de 7 heures à 18 heures et il n'y a pas d'interruption. Chaque circonscription a un «returning officer». Aux dernières élections générales, le cachet pour les «senior presiding officers» et les «direction clerks» variaient entre Rs 16 000 et Rs 10 000. Il faut souligner que ces fonctionnaires qui sont appelés à travailler doivent être présents lors d'une ou deux réunions et, à la veille du scrutin, ils doivent aussi être dans leurs centres de vote respectifs en vue des préparatifs pour les élections.

Le syndicaliste sadien parle de manque de personnel

Radhakrishna Sadien, de la State Employees Federation, soutient que la commission électorale fera face à un manque de personnel si le dépouillement a lieu le même jour. «Il faudrait au moins 15 000 fonctionnaires pour travailler le jour du scrutin. Si le dépouillement est prévu juste après, je pense que la commission électorale doit avoir recours au shift system. Ce qui fait qu'elle doit trouver environ 7 000 paires de bras. Je sais déjà que la commission peine à trouver les quelque 15 000 fonctionnaires, d'autant que les cachets proposés ne sont pas intéressants, et en trouver encore 7 000 serait difficile à mon avis.» Le syndicaliste met également en avant la sécurité des fonctionnaires, parmi bon nombre de femmes, si le décompte des voix a lieu le jour même. «Travailler tard la nuit et même jusqu'aux petites heures du matin lors des élections comporte beaucoup de risques.»

La nouvelle liste électorale en vigueur dès la dissolution

La commission électorale nous l'a confirmé hier. Une fois le Parlement dissout, la nouvelle liste électorale entrera en vigueur. Donc, il n'est pas obligatoire d'attendre le 15 août pour que de nouveaux électeurs puissent voter. L'avocat parlementaire, Ritish Ramful, explique que la «Representation of People's Act» fait provision pour cela, connu comme un «variation order». Normalement, la commission électorale a entre le 15 juillet et le 14 août pour rendre publique la nouvelle liste électorale. Cela se fait généralement à partir du 15 août. Pour ce qui est du dépouillement le même jour, la commission électorale avise l'Electoral Supevisory Commission (ESC). Qui à son tour avise le bureau du Premier ministre, qui amène la proposition au Cabinet. C'est par voie de règlements que le dépouillement le même jour sera rendu possible. À noter que les prochaines élections générales seront organisées avec de nouveaux changements dans certaines circonscriptions.

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