Les bureaux de vote à Madagascar ont fermé leurs portes, avec plus de 11 millions d'électeurs appelés mercredi 29 mai à élire leurs 163 députés sur toute l'île. À Antananarivo, la capitale, les électeurs ont semblé se déplacer en nombre tout au long de la journée, a contrario de la dernière élection présidentielle. Mais la journée est déjà marquée par l'opposition qui a pointé des fraudes, et des tensions qui ont également éclaté dans des bureaux de vote.
À quelques minutes de l'heure de la fermeture des bureaux de vote, un incident éclate dans la cour sablonneuse de ce centre électoral d'Andavamamba, bas quartier de la capitale. Un chef fokontany, l'autorité du quartier, interdit avec véhémence un observateur électoral d'accéder aux bureaux de vote.
Ce dernier, tremblant, raconte à notre correspondante à Antananarivo, Pauline Le Troquier avoir dénoncé une irrégularité : « Il me menace parce que j'ai été témoin d'une irrégularité. J'étais dans un bureau de vote et la personne qui est en charge de distribuer le bulletin unique indique à chaque fois aux électeurs la case n°4. Elle correspond à celle du candidat du pouvoir. »
En dehors d'Antananarivo, la tension est aussi montée d'un cran lorsque l'opposition, par la voix de ses candidats, a dénoncé sur les réseaux sociaux des fraudes, comme des procès-verbaux signés avant même le dépouillement.
Dans cet autre bureau de vote d'un bas quartier de la capitale, la journée se termine au contraire dans une ambiance très calme, assure ce chef adjoint du fokontany : « Jusqu'à maintenant, ici, il n'y a pas eu de tentatives de fraudes ni de signes d'une menace de fraude. Il y a du monde par rapport à l'élection présidentielle. Et c'est ça qu'on souhaite, que ça se passe calmement. »
À 17h passées, les bureaux doivent fermer. Mais des électeurs se pressent encore pour voter. Quelques minutes de tolérance, mais pas pour cette électrice, déçue : « On est arrivé à 17h05 et on a refusé de nous laisser voter. Il y a au moins une quarantaine de personnes dans notre cas ici. On est vraiment triste parce qu'on a perdu le droit de nous exprimer. »
Dans ces seuls bureaux de vote des quartiers populaires de la ville, le taux de participation s'élevait en moyenne à 33 % en fin de journée. Aucune estimation nationale n'est encore connue à cette heure, les premières tendances devraient être annoncées par la Commission électorale nationale indépendante (Céni) à partir du 4 juin.
Tous les camps persuadés de pouvoir marquer le pas à l'Assemblée nationale
Après la fin du vote aux législatives, l'acheminement des bulletins de vote vers les sections de recensement des matériels de vote (SRMV) a démarré, pour le décompte des voix. En marge de l'élection, les candidats ont exprimé leurs réflexions sur ce à quoi pourrait ressembler la future Assemblée nationale.
Lors de cette élection législative, le parti présidentiel IMRAR a réussi à présenter un candidat dans chacun des 120 districts de l'île pour tenter de rafler un maximum de sièges et conserver la majorité à l'Assemblée nationale. Une stratégie à laquelle a adhéré Augustin Andriamananoro, ministre de la Communication : il a démissionné il y a un mois, pour concourir à Antananarivo, explique-t-il à notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud.
En ligne de mire, l'ex-ministre a un objectif : « Il appartient à la majorité de présenter le nom de la personne qui va assumer la fonction de Premier ministre. En étant issus de la majorité présidentielle, l'enjeu est là : nous devons conserver cette position de majorité au niveau de l'hémicycle. On n'est pas contre la cohabitation, mais on sait ce que ça a donné. »
Pour l'opposition, l'heure était à la revanche, après le boycott instauré à la présidentielle. Rina Randriamasinoro - originellement le poulain de l'ex-président Marc Ravalomanana - se présentait aussi pour la toute première fois à la députation, dans la capitale :
« Si on arrive à avoir une opposition forte à l'Assemblée nationale, ça va changer l'avenir du pays. Parce que c'est l'opposition qui va voter la loi de Finances, qui va contrôler l'exécutif et la politique de développement du pays, qui va aligner les priorités du pays et les besoins du peuple. C'est vraiment indispensable pour le développement de notre pays. »
Ceux qui finalement auront sans doute un rôle déterminant sont bel et bien les candidats élus sous l'étiquette « Indépendant ». Le député Paul-Bert Rossy Rahasimanana, l'électron libre du parti présidentiel, a claqué la porte des Oranges pour se présenter seul, cette fois.
« Les candidats indépendants seront à l'Assemblée. Il y aura une coalition, forcément, puisque pour constituer un groupe parlementaire, il faut que les Indépendants se mettent entre eux et respectent ce qu'ils ont promis aux gens : qu'ils resteront indépendants et dire les choses telles qu'elles sont, sans concession », espère-t-il.