Quatre chercheurs de Human Rights Watch ont été interdits d'entrée en 16 ans
La décision du gouvernement du Rwanda d'empêcher Clémentine de Montjoye, chercheuse senior à Human Rights Watch, d'entrer dans le pays ce mois-ci n'était pas réellement une surprise. Malheureusement, les allégations vagues et infondées portées contre elle sont le reflet de l'intolérance caractéristique et bien ancrée du gouvernement à l'égard de ceux qui examinent son bilan en matière de droits humains.
Pour justifier son interdiction d'entrée sur le territoire, les autorités l'ont accusée de « travestir la raison de sa visite ». Clémentine de Montjoye avait pourtant écrit aux autorités pour demander à les rencontrer et a informé des agents de l'aéroport international de Kigali qu'elle souhaitait s'entretenir avec des diplomates étrangers. Dans sa déclaration, le gouvernement a indiqué sans équivoque qu'il n'autorisera pas Human Rights Watch à se rendre au Rwanda en raison de nos enquêtes.
En 2008, Alison Des Forges, conseillère principale à Human Rights Watch et lauréate du prestigieux prix MacArthur pour ses recherches sur le génocide rwandais de 1994, s'est vu refuser l'entrée dans le pays. Alison Des Forges, qui a oeuvré sans relâche pour que justice soit rendue au nom des victimes du génocide, a également cherché à ce que les auteurs de crimes au sein des forces du Front patriotique rwandais (FPR) au pouvoir soient tenus responsables de leurs actes. À l'époque, Human Rights Watch avait appris officieusement qu'Alison Des Forges avait été bloquée en raison de ses critiques à l'encontre du FPR.
Deux ans plus tard, la chercheuse senior Carina Tertsakian s'est vu refuser un visa de travail et a été obligée de quitter le pays. Le gouvernement a invoqué des anomalies dans sa demande de visa, malgré les éléments de preuve fournis par Human Rights Watch pour confirmer l'authenticité des documents.
J'ai succédé à Carina Tertsakian et étais basé au Rwanda de 2011 à 2015. Au bout de deux ans, mon visa est resté « en cours de traitement » pour le reste de mon séjour sur place. En 2014, le gouvernement a publié une « évaluation » de notre travail, nous désignant, Carina Tertsakian et moi-même, comme des porte-paroles d'organisations criminelles. La raison ? Un rapport de Human Rights Watch sur une vague de disparitions forcées dans le pays.
En 2018, l'entrée m'a été refusée après que Human Rights Watch a documenté des exécutions extrajudiciaires et des détentions militaires illégales. Plus tard, les autorités ont placé en détention un consultant rwandais six jours durant et l'ont menacé de mort.
Clémentine De Montjoye s'est quant à elle vu refuser l'entrée sur le territoire à la suite de la publication d'un rapport de Human Rights Watch sur les mesures répressives prises par le Rwanda au-delà de ses frontières qui a déclenché des réactions hostiles des autorités. De plus, tout comme Carina Tertsakian, Clémentine De Montjoye s'est vu refuser l'accès peu avant les élections générales.
La liste grandissante des journalistes et chercheurs exclus du Rwanda devrait être une source de préoccupation pour les partenaires internationaux du pays. Ils devraient également s'inquiéter des risques bien plus importants que prennent les défenseurs des droits humains et les journalistes rwandais, dont beaucoup paient leur courage de leur vie ou de leur liberté.
Les interdictions successives faites aux équipes de Human Rights Watch d'entrer au Rwanda au cours des 16 dernières années n'ont pas mis fin à notre travail. Que ce soit depuis l'intérieur ou l'extérieur du pays, nous continuerons de rendre compte du bilan du gouvernement en matière de droits humains.
Lewis Mudge, Directeur, Afrique centrale