Dakar — Le journaliste, économiste et enseignant Abdou Diaw propose, dans un article publié par la Revue africaine de communication (RAC), une collaboration soutenue de la communauté scientifique avec les médias en vue d'une bonne diffusion de l'information à caractère scientifique, même s'il constate "une percée du journalisme scientifique au Sénégal".
"La collaboration entre journalistes et scientifiques est vitale pour diffuser les résultats de recherche avec la rigueur que cela impose", suggère Diaw.
"Diffusion des résultats de la recherche par les journalistes scientifiques : la voie du salut ?" est le titre du texte publié par la RAC.
Docteur en sciences de l'information et de la communication, l'auteur pense qu"'il est aussi de la responsabilité des scientifiques de créer des ponts de partenariat avec les journalistes".
"Les scientifiques doivent sortir de leurs bulles pour que les résultats de leurs travaux soient mis à la portée de tous. C'est ainsi qu'ils se rendront davantage utiles", recommande Abdou Diaw.
Le journaliste diplômé du Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti) évoque "la nécessité" d'une "étroite collaboration [entre] les scientifiques et les instituts ou centres de recherche", ce qui devrait permettre aux journalistes en général, aux journalistes scientifiques surtout, "de suivre régulièrement et de mieux comprendre les sujets auxquels ils s'intéressent".
L'information scientifique apparaît comme le parent pauvre des médias sénégalais
Il relève, parmi les obstacles à la bonne diffusion des résultats de la recherche au Sénégal, "l'indisponibilité des chercheurs" quand il s'agit de "s'ouvrir aux journalistes, la complexité des sujets scientifiques, les faibles opportunités de formation, la non-familiarisation [des professionnels des médias] avec certains concepts scientifiques, le manque d'ouverture des centres et instituts aux médias".
Abdou Diaw, titulaire également d'un master en médias et communication du Cesti, l'institut de journalisme et de communication de l'université Cheikh-Anta-Diop (UCAD) de Dakar, dit avoir observé "une percée du journalisme scientifique au Sénégal", malgré les écueils soulevés dans ce domaine.
En dépit des avancées, signale-t-il, "l'information scientifique livrée dans la majorité des médias [sénégalais] n'est pas fouillée".
Diaw estime, par ailleurs, que "le journaliste scientifique a pour mission de simplifier la compréhension des sujets scientifiques qui peuvent souvent être difficiles à comprendre pour le commun des mortels". "C'est une tâche délicate, qui exige une mise à jour régulière et une certaine rigueur intellectuelle."
L'économiste diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de l'UCAD, formateur en économie générale et en économie des médias au Cesti et à l'Institut supérieur des sciences de l'information et de la communication de Dakar, rappelle que la plupart des journalistes scientifiques ne sont pas des scientifiques à proprement parler.
Il signale que "la majorité des rédactions n'accorde pas beaucoup d'intérêt à l'information scientifique", la priorité étant souvent donnée, en télévision, en radio comme en presse écrite, à la politique, aux faits divers, à la musique ou au sport, "ce qui fait que l'information scientifique apparaît comme le parent pauvre des médias sénégalais".
"Le journalisme scientifique ne semble pas intéresser les dirigeants des rédactions, car il n'est pas aussi traité que les autres thématiques comme la politique, la culture, la santé, etc. Le manque de moyens constitue un obstacle majeur au développement de la presse scientifique", observe l'ancien journaliste économique du quotidien Le Soleil et fondateur du nouveau mensuel économique et financier Le Marché.
Une "barrière linguistique"
La non-formation de nombreux journalistes au traitement de l'information scientifique serait le résultat, de l'avis de l'économiste, de "l'absence de filières de formation dans les écoles et instituts de journalisme".
Diaw cite aussi "la barrière linguistique" parmi les obstacles à la diffusion de l'information scientifique au Sénégal, pays francophone, tandis qu"'une bonne partie des documents (rapports, enquêtes, études, etc.)" est d'expression anglaise.
Le "faible budget alloué à la recherche scientifique", au Sénégal comme dans de nombreux pays africains, "est également de nature à "limiter la production des savoirs, l'une des matières premières du journaliste scientifique", signale-t-il.
"La promotion du journalisme scientifique passe nécessairement par la mise en oeuvre de plusieurs actions coordonnées [...] Elles sont de plusieurs ordres. D'abord pour relever le défi de la formation, la spécialisation des journalistes dans le traitement de l'information scientifique est essentiel pour valoriser les résultats de la recherche à travers les médias", soutient l'enseignant.
"Cela passe, enchaîne-t-il, par une meilleure formation des journalistes aux concepts scientifiques, ce qui peut se traduire par l'organisation de sessions de formation au profit des professionnels de l'information et de concours pour les encourager et les motiver à s'intéresser à l'information scientifique."
Abdou Diaw propose que "des cours d'introduction au journalisme scientifique [soient] intégrés aux modules de formation des écoles de journalisme". "Parallèlement, il est nécessaire de mettre en place des modules de vulgarisation scientifique dans les laboratoires et instituts de recherche, pour permettre aux chercheurs de se familiariser avec la vulgarisation."