Ile Maurice: ReA conteste le projet du SIT au Bouchon

Le Bouchon est peut-être l'un des derniers endroits préservés du développement sauvage. Mais le gouvernement ne semble pas vouloir qu'il reste ainsi.

Sur le site du Sugar Investment Trust (SIT), la vision affichée est : «To be among the leading companies through sustainable investments in key viable economic sectors that support capital appreciation and ensure consistent income streams.» Or, le projet dans lequel se lance le SIT, qui embarque aussi ses planteurs-actionnaires, ne paraît pas sustainable. Concernant l'environnement, le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet de construire un hôtel et une Smart City sur un terrain de 150 arpents, jadis sous culture de cannes, n'a rien de durable.

Rezistans ek Alternativ (ReA) a déposé ses commentaires sur ce projet dans le cadre de la demande de certificat d'Environment Impact Assessment (EIA) du promoteur. Le groupe écologique pointe d'abord le système de drainage des eaux de pluie, probablement en béton, qui rejettera des sédiments venant de la terre ferme directement dans le lagon appelé Grand Port Fishing Reserve. Alors que ces eaux sont, pour l'instant, filtrées naturellement par le sol et les zones humides, avant d'être rejetées en mer.

Cela affectera sans nul doute la vie marine et le gagne-pain des pêcheurs. Les activistes de ReA déplorent aussi l'absence de réserves de terrain sur les rives du Ruisseau des Marres du Tabac alors que, rappellent-ils, avec le changement climatique, le volume d'eau emporté par le ruisseau tend à augmenter. Ils proposent que ces réserves soient déclarées espaces de loisirs pour le public et d'ajouter des men made wetlands.

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Pas la mer à boire

Le plus gros danger, avertit ReA, sont les zones humides se situant en amont et déjà affectées par de précédents projets et les catchment areas, qui le seront au Bouchon, feront qu'il n'y aura plus de boucliers contre la remontée d'eau de mer vers la terre ferme. L'endroit est d'ailleurs signalé comme étant très vulnérable à ces remontées d'eaux de mer. ReA prévient que ces eaux salées et saumâtres, qui s'infiltreront dans le sol, rendront beaucoup de terres moins fertiles, voire arides à terme. Ce qui affectera l'agriculture dans la région. Comme l'a expliqué David Sauvage de ReA, lors d'un point de presse, le 24 mai, l'eau de mer pourra aussi gagner les nappes phréatiques, rendant ces réserves d'eau non potables.

ReA souligne aussi qu'un Social Impact Assessment du projet a été mené en 2015 lorsque les habitants avaient été consultés. Et que ce serait malhonnête d'utiliser ces données, vieilles de neuf ans, d'autant que depuis ces consultations, l'île a subi de grands bouleversements écologiques avec le naufrage du vraquier MV Wakashio, les inondations et surtout la saturation de nos côtes par des projets fonciers. «C'est un manque de respect pour les personnes consultées!», a estimé David Sauvage, qui s'interrogeait aussi sur le sprint des autorités pour que ce projet immobilier aboutisse. «Est-ce en raison de l'imminence des élections ?» L'activiste demande aussi, au nom de ReA, l'arrêt de projets fonciers à moins d'un kilomètre de la mer.

Et enfin, ReA parle de l'aspect économique du projet, qui affectera la pêche et l'agriculture dans la région. Concernant tous ces projets immobiliers à travers l'île, David Sauvage demande : *«Est-ce que les projets fonciers de ces 20 dernières années ont éliminé la pauvreté ? Non, au contraire... C'est un mauvais modèle économique qui n'est pas durable.»*Il a parlé aussi de la souveraineté alimentaire, qui ne semble pas être un souci pour le gouvernement.

Le sugar investment trust néglige les agriculteurs

On se rappelle que plusieurs planteurs du Sud se plaignaient d'un manque de terrain pour la culture de légumes. Le SIT avait toujours trouvé des excuses pour ne pas le leur offrir. Maintenant, on sait que celui du Bouchon était réservé aux Anglais depuis 2015 à des fins de projet immobilier. «Est-ce la mission du SIT ? Quel lien avec la souveraineté alimentaire ?», se demande un écologiste.

Le communiqué émis par SIT à ses actionnaires.

En marge de la COP26...

Le 9 novembre 2021, «l'express» écrivait: «Malgré la situation catastrophique du Covid-19 à Maurice, Pravind Jugnauth, accompagné d'une forte délégation, a étendu sa visite dans le cadre de la COP26 au Royaume-Uni pour parler business à des interlocuteurs britanniques.» Parmi les «business», une rencontre avec l'Anglais Martin Brage de Curzon Investments. Trois ans après, on peut dire que cette visite, en marge de sa participation à la conférence pour l'environnement, la COP26, a été un franc succès. Pour le business, pas pour l'environnement.

Et le projet de Smart City de la MIC ?

David Sauvage a aussi évoqué, le 24 mai, le projet de Smart City à Mon Désert Mon Trésor et s'est demandé si avec le projet du Bouchon, qui était déjà en cours, celui d'Omnicane à Mon Désert Mon Trésor était justifié. Un comptable, qui connaît bien ce dossier, nous rappelle qu'Omnicane avait pu convertir cet immense terrain agricole de 282,95 arpents en terrain constructible sans payer aucune «conversion tax» car Omnicane était censé vouloir lancer un projet de Smart City pour lequel cette taxe n'est pas payable.

«Ensuite, on a appris que ce projet de Smart City n'irait pas de l'avant et la Mauritius Investment Corporation (MIC) a racheté le terrain d'Omnicane au prix élevé de terrain constructible pour Rs 4,45 milliards. Belle opération,qui a privé le fisc de rentrées d'argent en termes de 'conversion tax' mais qui a bénéficié à Omnicane !» Notre interlocuteur comptable se demande pourquoi le gouvernement n'a pas proposé le terrain de l'ex-Smart City d'Omnicane aux Anglais. «Où la MIC puisera-t-elle de l'argent et le 'knowhow' pour lancer sa propre Smart City de Plaine-Magnien ? Des contribuables probablement. En tout cas, voilà deux immenses terrains agricoles reconvertis à l'immobilier.»

Curzon prendra le contrôle

Alors que le SIT déclare qu'une de ses visions est d'«ensure consistent income streams», censés être en faveur de ses 55, 000 planteurs-actionnaires, le projet du Bouchon ne l'assurera pas vraiment en fait. Du moins pas pour ses petits actionnaires. Car en vertu du 'Shareholders' Agreement' passé entre le SIT et Curzon, ce dernier rachètera 80 % des actions du SIT et cela se fera graduellement en cinq ans. Au bout de ces cinq ans, le SIT et ses 55 000 petits actionnaires ne se partageront que 20 % des dividendes. Est-ce du «consistent income streams» ? Un actionnaire nous fait savoir qu'il a enfin reçu un dividende, cette année : Rs 240 ! Aucune information sur ce projet n'est disponible sur le site du SIT.

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