Burkina Faso: Assises nationales - Un rendez-vous manqué ?

Assises nationales à Ouagadougou (photo d'archives)

Le week-end dernier, ont eu lieu les assises nationales à l'effet de donner une suite à la transition en cours. Prévues pour durer deux jours, elles ont finalement été évacuées en cinq heures. Si fait que les questions touchant à la vie de la Nation ont été occultées. Pour l'essentiel, je retiens que la transition a été prolongée de 5 ans. Et le président, Ibrahim Traoré, bénéficie désormais du statut de président du Faso.

Et ce n'est pas tout. Si élection, il y a au bout des cinq ans, Ibrahim Traoré, le président de l'Assemblée législative de transition (ALT) et le Premier ministre sont tous autorisés à candidater. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces assises nationales, plutôt que de rassembler les Burkinabè, ont contribué à les diviser davantage. J'ai envie de dire que ce fut un rendez-vous manqué ; tant la catharsis sociale attendue n'a pas eu lieu.

En effet, pendant que les uns applaudissent, d'autres qui estiment qu'Ibrahim Traoré a tout eu, dénoncent une « confiscation » du pouvoir. Chacun y va de ses arguments. Moi fou, je reconnais avec les uns et les autres que l'on ne saurait parler d'élections dans un pays comme le nôtre où une bonne partie du territoire est sous contrôle des groupes armés terroristes. Donc, pour l'heure, la priorité des priorités reste la reconquête du territoire national. Et sur ce plan, je me dois de reconnaitre que les lignes bougent. Car, en un peu plus d'un an, le constat est que l'armée a été réorganisée et a vu ses capacités opérationnelles renforcées avec l'acquisition des équipements de pointe. Tant et si bien que nombreuses sont les localités qui ont été reconquises et des populations réinstallées. Je ne citerai pas de nom.

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IB doit travailler à décrisper l'atmosphère

Mais des cas, il en existe aussi bien à l'Est, au Nord, au Centre-Nord que dans d'autres régions à travers le pays. Et ce n'est pas tout. Car, par-endroits, des écoles ont aussi été rouvertes, permettant ainsi à certains élèves de poursuivre leurs études. Voyez-vous ? Il serait donc injuste et très subjectif de ne pas reconnaître les efforts fournis par les autorités de la Transition qui, en plus du front anti-terroriste, ont pris des mesures hardies là où un régime politique se serait gardé de franchir le pas. Et là, je parle de la dénonciation de certains accords avec l'ancienne puissance coloniale qu'est la France dont les soldats ont été sommés de plier bagages du Burkina. Si bien que la « souveraineté retrouvée », le pays des Hommes intègres a travaillé à diversifier ses partenaires au plan international. Toutefois, l'arbre ne doit pas cacher la forêt.

Car, s'il est vrai qu'il y a de bons points à mettre à l'actif de la transition, force est de reconnaître que de mauvais signaux, il y en a aussi. A preuve, en moins de deux ans, les tensions se sont exacerbées dans notre pays. En effet, des Burkinabè, parce qu'ils sont très critiques, ont été enrôlés de force et envoyés au front. D'autres, accusés de tentative de déstabilisation, ont été enlevés et sont jusque-là portés disparus. Les exemples sont si légion que l'on ne se risquerait pas à vouloir les citer exhaustivement au risque d'en perdre l'haleine. En clair, il y a une chape de plomb qui s'abat sur le Burkina où les médias critiques sont désormais considérés comme des ennemis. Si bien qu'il ne fait pas bon être journaliste sous la transition en cours. Pendant ce temps, des leaders syndicaux sont traqués, humiliés et traités de tous les noms d'oiseaux.

Quand certains ne sont tout simplement pas licenciés de la Fonction publique. Quant aux partis politiques et organisations de la société civile, ils vivent la diète depuis qu'ils ont vu leurs activités suspendues au moment où les pro-transition se répandent presque chaque week-end dans la rue pour réitérer leur soutien à Ibrahim Traoré. Du coup, on se retrouve avec deux catégories de citoyens : ceux qui ont le droit de manifester que l'on appelle « patriotes » et ceux qui n'en ont pas le droit que l'on appelle « apatrides ». En tout cas, moi fou, je pense que quand on dirige un pays, on doit faire l'effort d'éviter les comportements et discours clivants. C'est pourquoi je demande au président Ibrahim Traoré de changer son fusil d'épaule. Surtout qu'il vient d'obtenir une prolongation de son mandant. Il doit travailler à décrisper l'atmosphère en lâchant un peu de lest. Et cela passe par la libération de tous les prisonniers du régime et l'ouverture des espaces politiques et démocratiques.

Je conviens que l'on ne saurait être libre dans un pays qui ne l'est pas, mais je pense qu'il faut savoir toujours manier le bâton et la carotte. En tout cas, Ibrahim Traoré, au-delà de toute considération, doit avoir constamment à l'esprit qu'il a une image à laisser à la postérité. Pour cela, il faudra éviter de retomber dans les mêmes travers que commettaient ceux qui ont été chassés du pouvoir. Une chose est sûre, qui prend les dimensions d'une vérité universelle : ceux qui vous applaudissent ne sont pas tous vos amis ; ceux qui vous critiquent ne sont pas tous vos ennemis.

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