Mali: Les malentendus du Dialogue

31 Mai 2024
tribune

Le « dialogue inter-maliens » qui s’est terminé le 10 mai 2024 avait tout à fait l’air d’une grande messe pour acter la prolongation de la transition, avec le boycott marqué de l’opposition, qui hier encore, était dans la mouvance qui a porté au pouvoir le Colonel Assimi Goita en 2020.  

Le constat qu’on peut faire est qu’il a creusé le fossé qui sépare aujourd’hui, la junte au pouvoir et ses alliés, et particulièrement les partisans du partenariat stratégique entre civiles et militaires, conclu à Kati le 24 Mai 2021, qui a conduit à la composition du gouvernement que dirige le premier ministre Choguel Maiga.

En vérité on sentait que « le vers était déjà dans le fruit ». Le malaise était perceptible à travers la décision prise par le gouvernement de suspendre les activités politiques (dissolution de « l’Appel du 20 Février ») mais aussi l’interdiction faite aux médias de couvrir les activités desdits partis et mouvements politiques.

Que s’est-il passé entretemps pour qu’on assiste à une sorte de « glaciation » notée depuis un moment, alors qu’il était attendu de « l’entente civilo-militaire » un retour progressif à la « normalité » démocratique, avec un agenda précis pour aller aux élections le 26 mars 2024?

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Le Mémorandum du M5-RFP dit de « l’AN III de la rectification de la trajectoire de la transition » rendu public le 24 Mai 2024 révèle en effet quelques pans de la réponse.

Au fonds il y a un grand malentendu sur la perspective de la transition, entre partenaires d’hier.  En effet pour les militaires, l’objectif à terme est de faire de la transition une étape réussie pour asseoir une réputation et un leadership, afin de conserver le pouvoir, y compris pourquoi pas, via un retour à la vie civile. Qui ne se souvient du parcours du défunt président ATT ?

Par conséquent, il faut faire le vide de potentiels prétendants au palais de Koulouba qui pourrait contrarier cette ambition.  L’imam Mahmoud Dicko a été le premier à en faire les frais. Les partisans  du 1er Ministre Choguel Maiga, membre éminent des alliés politiques, viennent de signer un Mémorandum extrêmement virulent contre le régime, qui a, selon eux, des velléités de se maintenir en repoussant le délai de transition de 2 à 5 ans, donc en 2027, comme le stipule une des résolutions du  dialogue inter-maliens.

Si on met bout à bout, l’éviction des membres du M5RFP du gouvernement lors du dernier remaniement, et la mise à l’écart supposée du 1er ministre sur les dossiers importants, y compris ceux qui concernent la nouvelle Alliance des Etats du Sahel ( AES), on se rend compte évidemment  que l’attelage connait de sérieuses tensions.

L’arrestation il y a 4 jours de Bouba  Karamoko Traoré, un membre du cabinet  du 1er ministre Choguel Maiga, poursuivi, selon certaines sources, « d’atteinte au crédit de l’Etat, outrage à magistrat, et diffusion de propos mensongers » au motif qu’il a signé le mémorandum du M5-RFP, n’est pas pour procurer un apaisement à la tension politique actuelle.

Si on n’y prend garde, cela risque de conduire irrémédiablement à une crise gouvernementale, dont le Mali se passerait volontiers, car les urgences sont ailleurs.

 

 

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