Sud-Soudan: Un recueil de poésie en Bari pour mettre en lumière des langues locales

Lancement du recueil de poésie «'Doko Nikan Ko Kare» de David Lukan, à l'Institut français de Juba, le 31 mai 2024.

Au Soudan du Sud, l'urgence de promouvoir le patrimoine linguistique du pays était à l'honneur ce vendredi 31 mai. À l'Institut français de Juba, à l'occasion du Derik Cultural Festival, c'était le lancement d'un livre de poésie en langue bari, la langue autochtone de la région de Juba. Son auteur, David Lukan, était accompagné d'autres écrivains et experts sud-soudanais.

Le lancement de ce livre a été l'occasion d'une réflexion critique sur le statut des langues locales dans le pays. Le Soudan du Sud en compterait 71, selon un rapport de l'Unicef de 2016. Des langues que la Constitution transitoire adoptée à l'indépendance du Soudan du Sud, en 2011, considère toutes comme des langues nationales, à égalité.

Mais pour celles dont les locuteurs se raréfient et qui n'ont pas développé de système orthographique, face à la domination de l'anglais et de l'arabe, langues importées durant la colonisation, la menace d'une extinction à court terme est réelle.

Vêtu d'un boubou flamboyant, David Lukan a lu des extraits de son recueil de poésie, « 'Doko Nikan Ko Kare », qui veut dire « Emportés par la rivière » en langue bari. Cette langue qu'il a apprise « dans le ventre de sa mère », dit-il, il ne l'a jamais perdue, même pendant son long exil à Khartoum. Il a mis 23 ans pour parvenir à publier ce premier recueil. Un acte presque militant.

« L'impact du colonialisme a perduré de façon psychologique »

« L'impact du colonialisme a perduré de façon psychologique, sur notre façon de penser, dit-il. Quand ils nous disaient que nos langues ne sont pas des langues, que ce ne sont que des dialectes, de façon inconsciente ou subliminale, nous avons commencé à y croire ! Donc cela prend du temps et des efforts d'éducation, pour transformer cette façon de penser et promouvoir nos langues autochtones », estime-t-il.

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L'écrivain sud-soudanais Victor Lugala s'adresse ensuite au public : « Êtes-vous capables d'écrire une lettre, là maintenant, à votre mère, au village, dans votre langue maternelle ? Vous ne l'êtes pas ! Voilà notre dilemme aujourd'hui. Je suis content que David Lukan ait fait ce livre, c'est un défi qu'il nous lance. Car certaines de nos langues autochtones sont en danger, et risquent de disparaître. »

Le Ministère de l'Éducation sud-soudanais a introduit l'enseignement en langues locales à l'école primaire. Mais au-delà, et jusqu'à l'université, aucune formation spécialisée n'existe.

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