Et revoilà notre ami Lavrov !
En effet, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a entamé depuis hier lundi 3 juin 2024 une nouvelle tournée africaine.
Il faut dire que depuis l'éclatement de la guerre russo-ukrainienne, en février 2022, qui a conduit à l'isolement de Moscou en Europe, Sergueï Lavrov a dû améliorer sa géographie du continent noir, tant il en a multiplié les séjours.
En 2022, par exemple, il s'était rendu successivement en Egypte, en Ouganda puis en RDC. Une année après, l'émule d'Alexandre Gortchakov (1) a repris son bâton de pèlerin pour l'Afrique du Sud, l'Angola, l'Erythrée, le Mali, la Mauritanie et le Soudan.
Pour cette nouvelle saison du Lavrov Trip, l'actuel locataire de la « troisième soeur » des gratte-ciel staliniens a choisi de se rendre en Guinée puis le même jour au Congo-Brazzaville pour terminer par le Tchad le 5 juin et peut-être, bien avant, en effectuant un détour au Burkina Faso, selon plusieurs sources.
Reçu en audience à Conakry par le chef de l'Etat, Mamadi Doumbouya, le ministre Sergueï Lavrov a rencontré des dirigeants politiques au moment où le processus de retour à l'ordre constitutionnel normal connaît de nombreux blocages dans sa mise en oeuvre.
Sans nul doute que le dossier économique a été à l'ordre du jour de cette visite quand on sait que la Russie est présente dans le secteur minier du pays et qu'un contentieux oppose le groupe Nordgold à l'Etat guinéen, qui lui réclame des dizaines de millions de dollars.
A Brazzaville où il est arrivé dans la soirée de ce lundi, il sera beaucoup question de la crise libyenne. Après un premier séjour en juillet 2022, le chef de la diplomatie devra s'entretenir avec le président Denis Sassou-N'Guesso, nommé à la tête du comité de haut niveau de l'Union africaine pour la Libye.
Moscou, qui soutient les forces combattantes du maréchal Kalifa Haftar, parviendra-t-il à sortir ledit comité de son impotence dans une guerre civile où sa voix est inaudible face aux puissances régionales et internationales dont les rivalités économiques et géostratégiques sont à l'origine des malheurs du pays de Kadhafi ? Rien n'est moins sûr.
Mais l'étape la plus importante de cette tournée sera sans nul doute celle du Tchad.
Présenté comme le dernier bastion de la France dans le Sahel, le pays de François Tombalbaye nourrit les convoitises de l'Ours russe qui ne cesse de faire son trou dans l'ancienne basse-cour du Coq gaulois, notamment du Mali, du Burkina Faso et du Niger.
Il faut dire que l'actuel homme fort du Tchad, Mahamat Idriss Deby, ne cache pas son tropisme moscovite, contrairement à son géniteur de président, feu Idriss Deby Itno, dont le gouvernement avait condamné l'invasion russe en Ukraine.
En janvier 2024, Deby-fils a effectué une visite officielle à Moscou où il a été reçu avec tous les honneurs dus à un chef de l'Etat d'un « pays frère », selon Vladimir Poutine. Les deux hommes ont évoqué des questions liées à la coopération agricole et minière mais aussi à la situation sécuritaire de la sous-région. Le maître du Kremlin a rassuré son hôte de son engagement à oeuvrer à la stabilisation de la zone.
Si Moscou parvenait à placer le Tchad dans son giron, il aurait par la même occasion étendu son influence sur l'ex-G5 Sahel (excepté la Mauritanie), porté à bout de bras par les Occidentaux, particulièrement la France.
Et le Kremlin n'entend pas lâcher prise. Après le Sommet Russie-Afrique de juillet 2023 à Saint-Pétersbourg qui a réuni plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement du continent noir, il est prévu cette fois-ci un Sommet des ministres africains des Affaires étrangères à Sotchi courant dernier trimestre de cette année.
---------------------------------------------------------
(1) Ministre des Affaires étrangères de l'empereur russe Alexandre II qui, après la défaite de la guerre de Crimée, avait restauré la position de son pays face aux puissances européennes.