Le Ghana est-il le cimetière de la fast-fashion des pays du Nord ? La question est source de débats intenses dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, l'un des plus gros importateurs de vêtements de seconde main au monde. Un nouveau rapport revient mettre une pièce dans la machine. Commandée par une association de commerçants, l'étude affirme que seulement 5% des vêtements importés par millions de tonnes seraient, en effet, des déchets.
Le commerce de vêtements seconde-main est bénéfique pour le Ghana. Voici, en quelques mots, l'esprit du nouveau rapport publié par la Ghana used clothes dealer association.
« Tellement de foyers dépendent de ce marché, c'est une économie générationnelle. C'est un des commerces qui ne discrimine pas : les personnes à faibles revenus y participent, comme les personnes à moyen, et haut revenu », constate Marvin Awosu, membre de l'association et importateur de vêtements usagés.
Quelle définition pour un déchet ?
5% de déchets, c'est très peu. Pour arriver à ce chiffre, les auteurs ont travaillé sur la définition même de ce qu'est, un déchet, lorsqu'il s'agit de vêtement.
« Notre définition du déchet, c'est un vêtement qui ne peut être vendu. Donc si les vendeurs ne sont pas capables de le vendre, ils disent que ce vêtement est un déchet. Mais même ces vêtements qui ne peuvent être vendus, les vendeurs nous disent que parfois, ils les recyclent en d'autres choses, comme des serpillères, dépoussiérants, etc », explique Stephen Odonkor, auteur principal du rapport.
Le rapport est motivé par un but principal : décourager les pays du Nord dans leur volonté d'interdire les exportations de vêtements de seconde main vers le continent africain. Une interdiction notamment proposée à l'Union européenne en mars par le gouvernement français.
« Le problème, c'est la fast fashion », estime une ONG
Également opposé à l'interdiction des exportations, la fondation Or, autrice d'un autre rapport sur les vêtements de seconde main, se veut moins optimiste. L'ONG, basée depuis 2011 à Accra, a vu la qualité des vêtements importés se dégrader d'année en année, les rendant de plus en plus difficile à vendre et augmentant, de fait, la quantité de textile qui finissent par être jeté : 40% au marché de Katamanto, le plus important du pays, selon la fondation.
« Il est très important de pouvoir prendre en compte ces deux réalités en même temps : on peut reconnaître le marché de Katamanto comme étant un exemple d'économie circulaire, tout en reconnaissant que ce n'est pas une utopie du commerce de seconde main. Le problème, c'est la fast fashion. Leur modèle économique, c'est le volume qui prime sur la valeur, et c'est comme ça que l'on peut définir la fast fashion. La conséquence, c'est que les vêtements qui arrivent ici ne sont plus d'assez bonne qualité pour permettre aux vendeurs de les réutiliser, de les réparer et de les recycler, et donc de gagner leur vie avec. C'est pour cela que tant de vêtements finissent en tant que déchets », dit Liz Ricketts, directrice exécutive de la fondation Or.
« Donc, ce que nous voulons, c'est que les grandes marques, à travers la politique de Responsabilité élargie du producteur, paie des taxes, dont l'argent sera ensuite utilisé et redistribué dans des marchés comme Katamanto, pour soutenir les gens dans leur travail. Ces taxes serviront également à créer de nouvelles infrastructures, et donc de nouvelles possibilités de recyclage, ici au Ghana, mais aussi à améliorer les infrastructures du marché en lui-même, pour que les personnes puissent travailler dans un cadre sûr et digne », poursuit-elle.