Congo-Kinshasa: Les enjeux du secteur foncier au pays - Feuille de route pour Mme Acacia Bandubola Mbongo, Ministre d'Etat, Ministre des Affaires Foncières

tribune

Introduction

Les enjeux fonciers en RDC sont d'une extraordinaire complexité. Les incertitudes qui résultent de cette complexité génèrent des conflits fonciers liés à des questions de propriété. Un seul chiffre : 60 à 80 % des populations africaines, selon les pays, ne possèdent aucun titre de propriété ou acte justifiant l'attribution des terres sur lesquelles elles vivent ou qu'elles exploitent.

La première urgence est celle d'une clarification des droits fonciers, la régularisation et la délivrance des titres fonciers nécessitant une simplification des procédures et une amélioration des services. Un renforcement des lois et la surveillance par un « Observatoire foncier », un outil de gouvernance des territoires, permettent d'éviter un accaparement des terres par des entités puissantes (une multinationale, une puissance étrangère). La déforestation et la dégradation environnementale, causées par l'exploitation illégale, demandent des politiques strictes de gestion et des pratiques durables. Les faibles capacités institutionnelles nécessitent un renforcement des compétences, la modernisation des infrastructures et la digitalisation des processus.

En abordant ces enjeux, la RDC peut améliorer la sécurité foncière, promouvoir un développement économique durable et réduire les conflits qui, en Afrique, possèdent une forte dimension agraire et foncière trop souvent sous-estimée, notamment, des conflits entre agriculteurs et éleveurs ou des groupes socio-ethniques. Le contrôle de la terre et de l'accès aux ressources naturelles suscitent des tensions et des violences, entre plusieurs types d'acteurs pour l'appropriation des terres, la défense et reconnaissance des droits, l'accès à des ressources stratégiques. On constate aujourd'hui un phénomène d'« accaparement des terres » par des multinationales ou des puissances étrangères.

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Mme Acacia Bandubola Mbongo, ministre d'Etat, ministre des Affaires foncières, devra mettre en oeuvre et conduire des chantiers qui permettront de répondre aux défis suivants :

1. Incertitudes et conflits fonciers :

Les conflits entre communautés, entreprises et l'État sont fréquents en raison des incertitudes liées à la propriété foncière. Pour faire baisser les tensions, les solutions à mettre en oeuvre sont les suivantes :

1.1. Clarification des droits fonciers

  • Inventaire et cartographie : Réaliser un inventaire complet et une cartographie précise des terres pour identifier les propriétés et les usages actuels.
  • Révision et mise à jour des cadastres : Moderniser et mettre à jour les registres fonciers et cadastraux pour refléter les véritables détenteurs des droits fonciers.

1.2. Réformes législatives et réglementaires

  • Réforme des lois foncières : Mettre en place des réformes législatives pour clarifier les droits de propriété et simplifier les procédures de délivrance de titres fonciers.
  • Harmonisation des régulations : Harmoniser les régulations foncières entre les différentes autorités (locales, provinciales et nationales) pour réduire les conflits de compétence.

1.3. Renforcement des capacités Institutionnelles

  • Formation et capacitation : Former et équiper les agents fonciers pour améliorer leur efficacité et leur transparence.
  • Décentralisation des services fonciers : Renforcer les capacités des services fonciers au niveau local pour une gestion plus proche des réalités des communautés.

1.4. Médiation et résolution des conflits

  • Création de mécanismes de médiation : Mettre en place des structures de médiation et de résolution des conflits fonciers accessibles à toutes les parties prenantes.
  • Sensibilisation et dialogue : Organiser des campagnes de sensibilisation et des forums de dialogue pour favoriser la compréhension et la coopération entre les communautés, les entreprises et l'État.

1.5. Participation et transparence

  • Consultation publique : Impliquer les communautés locales et les parties prenantes dans le processus de clarification des droits fonciers et de résolution des conflits.
  • Accès à l'information : Assurer la transparence et l'accès public à l'information foncière pour prévenir les malentendus et les litiges.

2. Problèmes de régularisation et de titres fonciers :

Il y a une faible délivrance de titres fonciers et une bureaucratie complexe, ce qui empêche de nombreux citoyens d'obtenir des documents officiels pour leurs terres. Les solutions à mettre en oeuvre sont :

2.1. Réforme des lois foncières

  • Moderniser les lois foncières pour simplifier et clarifier les procédures de délivrance de titres fonciers.
  • Introduire des dispositions légales pour reconnaître et formaliser les droits fonciers coutumiers.

2.2. Digitalisation et modernisation des registres fonciers

  • Mettre en place un système de cadastre digitalisé pour améliorer la transparence et l'efficacité du processus de régularisation.
  • Utiliser la technologie pour créer une base de données nationale des terres.

2.3. Campagnes de sensibilisation et d'éducation

  • Organiser des campagnes de sensibilisation pour informer les citoyens sur leurs droits fonciers et les procédures de régularisation.
  • Former les agents fonciers pour améliorer leurs compétences et leur connaissance des nouvelles réglementations.

2.4. Décentralisation des services fonciers

  • Renforcer les bureaux fonciers locaux pour rendre les services plus accessibles aux populations rurales.
  • Mettre en place des guichets uniques pour simplifier et accélérer les démarches administratives liées à la régularisation foncière.

2.5. Partenariats Public-Privé et international

  • Collaborer avec des organisations internationales et des entreprises privées pour mobiliser les ressources nécessaires à la modernisation des infrastructures foncières.
  • Tirer parti des meilleures pratiques internationales en matière de gestion foncière.

2.6. Mise en place de mécanismes de résolution des conflits :

  • Établir des commissions de médiation et de résolution des conflits fonciers pour traiter les litiges rapidement et équitablement.
  • Assurer la participation des communautés locales dans les processus de résolution de conflits.

2.7. Suivi et évaluation :

  • Mettre en place des systèmes de suivi et d'évaluation pour mesurer l'efficacité des réformes et des procédures de régularisation.
  • Ajuster les stratégies en fonction des retours et des résultats obtenus.

3. Accaparement des Terres

L'acquisition massive de terres par des entreprises nationales et internationales pour des projets miniers, agricoles et forestiers souvent au détriment des communautés locales et autochtones, est un problème majeur. Les mesures suivantes doivent être prises :

3.1. Renforcement des cadres juridiques et réglementaires

  • Révision des lois foncières : Moderniser et renforcer les lois foncières pour protéger les droits des propriétaires fonciers et des communautés locales contre les acquisitions abusives.
  • Réglementations sur les acquisitions : Introduire des réglementations strictes sur les acquisitions de terres par les entreprises, y compris des procédures de vérification rigoureuses et des exigences de transparence.

3.2. Transparence et accès à l'information

  • Cadastre numérique : Mettre en place un cadastre numérique accessible au public pour fournir des informations claires et transparentes sur la propriété des terres.
  • Portails d'information : Créer des portails en ligne où les transactions foncières peuvent être publiées et vérifiées par toutes les parties prenantes.

3.3. Renforcement des droits communautaires

  • Reconnaissance des droits coutumiers : Légaliser et protéger les droits fonciers coutumiers pour les communautés locales et autochtones.
  • Consultations communautaires : Exiger des consultations approfondies avec les communautés locales avant toute acquisition de terres par des entreprises ou des investisseurs.

3.4. Mécanismes de surveillance et de répression

  • Surveillance des transactions : Établir des organes de surveillance pour contrôler les transactions foncières et détecter les cas d'accaparement.
  • Sanctions : Imposer des sanctions sévères contre les entreprises et les individus impliqués dans l'accaparement illégal de terres.

3.5. Soutien aux communautés locales

  • Assistance légale : Fournir une assistance légale aux communautés locales pour les aider à défendre leurs droits fonciers.
  • Programmes de sensibilisation : Mettre en place des programmes de sensibilisation pour informer les communautés de leurs droits et des procédures à suivre en cas de conflit foncier.

3.6. Promotion de l'agriculture durable

  • Incitations pour l'agriculture locale : Créer des incitations pour promouvoir l'agriculture locale et durable, réduisant ainsi la pression sur les terres communautaires.
  • Projets communautaires : Encourager les projets agricoles et de développement menés par les communautés, avec un soutien technique et financier du gouvernement.

3.7. Collaboration avec les organisations internationales

  • Partenariats internationaux : Travailler avec des organisations internationales pour mettre en place des projets de sécurisation foncière et de développement rural.
  • Meilleures pratiques : Adopter et adapter les meilleures pratiques internationales en matière de gestion et de sécurisation foncière.

4. Déforestation et dégradation Environnementale :

L'exploitation illégale des terres forestières entraîne une déforestation massive et une perte de biodiversité, exacerbée par la mauvaise gestion foncière. Pour résoudre les problèmes de déforestation et de dégradation environnementale, la ministre en charge du foncier pourrait prendre les mesures suivantes :

4.1. Renforcement des Politiques et des Réglementations

  • Législation environnementale : Mettre en place et renforcer des lois spécifiques pour protéger les forêts et les écosystèmes, incluant des sanctions strictes contre la déforestation illégale.
  • Zonage écologique : Définir des zones protégées et restreindre les activités industrielles et agricoles dans ces zones sensibles.

4.2. Gestion durable des forêts

  • Plans de gestion durable : Développer et mettre en oeuvre des plans de gestion durable des forêts, en partenariat avec les communautés locales et les experts environnementaux.
  • Réduction de l'exploitation forestière : Limiter les concessions forestières et promouvoir des pratiques d'exploitation durable des ressources forestières.

4.3. Reforestation et restauration des écosystèmes

  • Programmes de reforestation : Lancer des campagnes de reforestation avec des espèces locales adaptées, impliquant les communautés locales dans ces initiatives.
  • Restauration des zones dégradées : Mettre en oeuvre des projets de restauration des terres dégradées pour réhabiliter les écosystèmes endommagés.

4.4. Promotion de l'agriculture durable

  • Agriculture agroforestière : Promouvoir des pratiques agricoles qui intègrent la conservation des forêts, comme l'agroforesterie, qui combine la production agricole et la préservation forestière.
  • Soutien aux agriculteurs : Fournir des incitations et un soutien technique aux agriculteurs pour adopter des pratiques agricoles durables et réduire la pression sur les forêts.

4.5. Renforcement des Capacités et Sensibilisation

  • Formation et éducation : Former les responsables locaux, les agents forestiers et les communautés sur les pratiques de gestion durable des forêts et la conservation environnementale.
  • Sensibilisation publique : Lancer des campagnes de sensibilisation pour informer le public sur les dangers de la déforestation et les avantages de la conservation des forêts.

4.6. Surveillance et application de la loi

  • Technologie de surveillance : Utiliser des technologies modernes, comme les satellites et les drones, pour surveiller les forêts et détecter les activités illégales de déforestation.
  • Renforcement des capacités de surveillance : Augmenter les ressources et les capacités des agences de protection de l'environnement pour faire appliquer les lois et poursuivre les infractions.

4.7. Collaboration internationale

  • Partenariats internationaux : Collaborer avec des organisations internationales et des pays partenaires pour obtenir un soutien technique et financier pour les initiatives de conservation.
  • Financements climatiques : Accéder aux fonds internationaux dédiés à la lutte contre le changement climatique pour financer des projets de reforestation et de conservation.

4.8. Développement d'énergies alternatives

  • Énergies renouvelables : Promouvoir l'utilisation des énergies renouvelables (solaire, éolienne) pour réduire la dépendance au bois comme source d'énergie.
  • Solutions alternatives : Développer et distribuer des solutions alternatives de cuisson et de chauffage pour réduire la consommation de bois de chauffage.

5. Renforcement des capacités Institutionnelles :

Les institutions en charge de la gestion foncière manquent souvent de ressources et de capacités pour administrer efficacement les terres. Pour résoudre les problèmes de faibles capacités institutionnelles, les mesures suivantes devraient être prises :

5.1. Renforcement des capacités humaines

  • Formation continue : Mettre en place des programmes de formation continue pour les agents du secteur foncier afin de renforcer leurs compétences techniques et administratives.
  • Recrutement de personnel qualifié : Engager des professionnels qualifiés avec des compétences spécialisées en gestion foncière, droit foncier et géomatique.

5.2. Modernisation des infrastructures et des outils

  • Digitalisation des données foncières : Investir dans la digitalisation des archives et des documents fonciers pour améliorer l'efficacité et la transparence des processus fonciers. (Où en est le Plan national numérique « Horizon 2025 » dans le domaine du foncier ?)
  • Systèmes d'information géographique (SIG) : Développer et mettre en oeuvre des systèmes d'information géographique pour une gestion plus précise et efficace des terres.

5.3. Renforcement institutionnel

  • Élaboration de politiques claires : Développer et mettre en place des politiques foncières claires et cohérentes pour guider les activités du secteur.
  • Coordination interinstitutionnelle : Établir des mécanismes de coordination entre les différentes institutions impliquées dans la gestion foncière pour améliorer la collaboration et réduire les conflits.

5.4. Amélioration de la gouvernance

  • Transparence et responsabilité : Promouvoir la transparence dans les transactions foncières et renforcer la responsabilité des agents fonciers pour réduire la corruption.
  • Surveillance et audit : Mettre en place des systèmes de surveillance et d'audit pour vérifier la conformité aux réglementations et améliorer la performance institutionnelle.

5.5. Engagement des parties prenantes

  • Participation des communautés : Impliquer les communautés locales dans la gestion foncière pour s'assurer que leurs intérêts et leurs droits sont protégés.
  • Partenariats Public-Privé : Établir des partenariats avec le secteur privé et les organisations non gouvernementales pour bénéficier de leur expertise et de leurs ressources.

5.6. Accès aux ressources financières

  • Mobilisation de fonds : Chercher des financements auprès des partenaires internationaux et des bailleurs de fonds pour soutenir les réformes institutionnelles et les projets de modernisation.
  • Gestion efficace des ressources : Assurer une gestion transparente et efficace des ressources allouées au secteur foncier.

5.7. Renforcement législatif

  • Réformes législatives : Actualiser et renforcer les lois foncières pour les adapter aux réalités actuelles et améliorer la sécurité des droits fonciers.
  • Application rigoureuse des lois : Assurer une application stricte et équitable des lois foncières pour réduire les conflits et les incertitudes.

Conclusion

La réussite de Mme Acacia Bandubola Mbongo, Ministre d'Etat, Ministre des Affaires foncières, repose sur une approche intégrée et systématique des enjeux fonciers. Les mesures proposées visent à résoudre les incertitudes et conflits fonciers par la clarification des droits de propriété et la mise à jour des cadastres. La simplification des procédures de régularisation et la digitalisation des registres fonciers amélioreront l'accès aux titres fonciers, tandis que des lois renforcées et des mécanismes de surveillance stricte lutteront contre l'accaparement des terres. Pour adresser la déforestation et la dégradation environnementale, des politiques strictes de gestion des forêts sont nécessaires, ainsi que des programmes de reforestation.

Enfin, le renforcement des capacités institutionnelles, à travers la formation continue, la modernisation des infrastructures et la promotion de la transparence, est crucial pour une administration foncière efficace.

En mettant en oeuvre ces mesures, la RDC pourra non seulement améliorer la sécurité foncière mais aussi favoriser un développement économique durable et réduire les conflits sociaux, socio-ethniques et/ou politiques. La participation active des communautés locales et des parties prenantes, ainsi que des partenariats avec les organisations internationales, seront déterminants pour le succès de cette feuille de route.

Ainsi, Mme Acacia Bandubola Mbongon pourra établir un cadre solide pour une gestion foncière transparente, équitable et durable, contribuant à la stabilité et à la prospérité du pays.

Il existe un projet de loi, adopté en 2023 par les députés, visant à modifier et compléter la loi régissant le secteur foncier et immobilier dans le pays. Toute réforme foncière doit corriger les faiblesses qui entravent la sécurité des transactions foncières et favorisent les conflits : vide juridique, manque de protection des terres occupées par les communautés locales et l'ineffectivité de certaines dispositions. Mais, une réforme foncière ne se limite pas à des aspects juridiques. Elle doit prévoir des mesures visant à maximiser les recettes publiques et promouvoir un accès équitable à la terre pour tous, en particulier les femmes et les jeunes.

Le Président de l'assemblée nationale, Vital Kamerhe, devra mobiliser la représentation parlementaire pour accompagner Mme Acacia Bandubola Mbongo dans la mise en oeuvre et la promotion d'une gestion transparente et équitable du foncier. L'objectif est de mettre fin à l'insécurité juridique et en favorisant la participation de tous les acteurs concernés.

La question foncière est enjeu crucial pour la protection des droits fonciers, en particulier ceux des communautés locales, afin de prévenir les conflits, et repenser son rapport à la terre, afin d'assurer le développement du pays.

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