L'adoption et l'application des lois sur la santé de la reproduction et de la planification familiale en Afrique de l'Ouest et du centre demeurent un véritable grand défi.
Selon les experts en santé sexuelle et reproductive, bien des pays d'Afrique de l'Ouest et du centre n'ont pas des lois en la matière. Ceux qui en ont souffrent de l'absence des mesures d'application. D'où l'importance de sensibiliser les communautés et de mener des plaidoyers en direction des décideurs pour que cette problématique soit une priorité conformément à l'objectif durable du développement (ODD) N°3. C'est dans ce cadre que le Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l'environnement (Remapsen) a organisé récemment un webinaire sur le thème « L'adoption et l'application des lois sur la santé reproductive et la planification familiale en Afrique de l'Ouest et du centre : où en sommes-nous ? »
Trois experts en santé reproductive et planification familiale ont animé cette conférence virtuelle sous la direction du président du conseil d'administration de Remapsen, Bamba Youssouf, et de Boureima Sanga, membre du conseil d'administration du réseau et responsable de la santé reproductive et de la planification familiale. Il s'agit du conseiller régional chargé des programmes et des politiques de planification familiale au Bureau régional du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), Dr Chilanga Asmani, de la responsable Plaidoyer à l'Unité de coordination du partenariat de Ouagadougou (UCPO), Dr. Djénébou Diallo et de la présidente de l'ONG Women in Global Health de la Côte d'Ivoire, le Prof. Tia Mélanie.
À ce webinaire, on a noté aussi la participation de près d'une cinquantaine de journalistes africains spécialisés dans les questions de la santé et de l'environnement dont ceux de la RDC. Durant près de deux heures d'échange, les panelistes ont décortiqué cette problématique tout en démontrant l'importance pour les pays d'Afrique de l'Ouest et du centre de disposer non seulement des lois mais aussi des décrets d'application parce qu'il a été établi que l'applicabilité de ces lois est un véritable écueil à la promotion de la santé sexuelle et reproductive.
Prenant la parole en premier, et ce, après avoir défini la santé sexuelle et reproductive, selon l'OMS, comme étant un état de bien-être physique, émotionnel, mental, social, lié à tous les états de la sexualité et de la reproduction, Dr Chilanga Asmani a plaidé pour la mise en place d'un cadre légal sur la santé sexuelle et reproductive (SSR) et l'application effective des lois à travers les mesures d'application. "Sur les 44 pays qui ont adopté le Protocole de Maputo relatif aux droits de l'homme et des peuples, certains n'ont pas encore adopté des lois dans le cadre de la santé sexuelle et reproductive, tandis que d'autres disposent des lois mais n'ont pas encore pris des décrets d'application", a-t-il révélé. Quand on regarde les neuf pays du Partenariat de Ouagadougou, a-t-il renchéri, on voit qu'en termes d'existence des lois de santé sexuelle et reproductive, huit pays en ont, excepté la Côte d'Ivoire. "On peut avoir les lois mais c'est très important d'en avoir les décrets d'application. Ce qui veut dire qu'il y a toujours des efforts à déployer", a -t-il conclu.
Vers l'accélération de l'utilisation des services de planification familiale
Tout en soulignant que l'application et la vulgarisation des lois sur la santé sexuelle et reproductive constitue un goulot d'étranglement pour les pays d'Afrique de l'Ouest et du centre pour atteindre les objectifs dans la sous-région, Dr Djénébou Diallo a, néanmoins, affirmé que "les efforts sont déployés pour augmenter le nombre d'utilisatrices additionnelles de la planification familiale (PF) dans les neuf pays membres de l'Afrique de l'Ouest, à savoir le Burkina Faso, le Togo, le Bénin, le Mali, le Sénégal, le Niger, la Guinée, la Côte d'Ivoire et la Mauritanie". Elle a, par ailleurs, reconnu que les financements posent problème pour accélérer l'utilisation des services de planification familiale dans les pays participant au partenariat de Ouagadougou et atteindre les objectifs de 2030.
La Côte d'Ivoire n'a pas de loi sur la santé sexuelle
La Côte d'Ivoire est le seul pays du partenariat de Ouagadougou à ne pas disposer d'une loi sur la santé reproductive et la planification familiale. La présidente de l'ONG Women in global health, Pre Mélanie Tia, a déploré ce vide juridique. Cependant, elle a soutenu que plusieurs points du projet de loi freinent sa finalisation en Côte d'Ivoire. Parmi ces points, elle a cité l'avortement sécurisé, des violences basées sur le genre, et l'âge minimum pour bénéficier de la planification familiale.
Pour elle, il est plus que temps que son pays puisse combler ce vide juridique parce que les statistiques sur la mortalité maternelle qui s'élèvent à 347 décès sur 100 000 naissances militent en faveur de l'adoption d'une loi sur la santé reproductive et planification familiale. Melanie Tia a invité le gouvernement ivoirien " à se hâter à adopter cette loi. Et pour cela, l'accent doit être mis sur la sensibilisation des acteurs impliqués dans l'adoption de cette loi".
Il faut également, a-t-elle indiqué, renforcer la mutualisation des acquis, car il ressort que cela s'explique par la méconnaissance de cette loi. Elle croit dur comme fer que dans l'adoption de cette loi, tous les acteurs doivent être impliqués, notamment les guides religieux, les coutumiers, la population. "Cela ne peut se faire sans l'implication des médias qui vont nous aider à promouvoir et diffuser cette loi", a-t-elle martelé.