Les autorités ivoiriennes ont procédé mercredi 5 juin à la remise de quatorze corps de victimes de la crise postélectorale de 2010-2011 à leurs familles. Une cérémonie très sobre s'est tenue dans la principale morgue d'Abidjan pour restituer une partie des corps des personnes tuées lors de violences dans les communes d'Abobo et Yopougon.
Au milieu d'une salle trônent deux cercueils. L'imam de la mosquée de Marcory y prie pour le repos de ces âmes, au milieu d'une centaine de personnes réunies. Celles de ces personnes qui ont perdu la vie lors des violences de la crise post-électorale en Côte d'Ivoire en 2010 et 2011, lorsque la victoire à la présidentielle d'Alassane Ouattara, toujours au pouvoir, contestée par le sortant Laurent Gbagbo, avait débouché sur plusieurs mois de violences. Crise au cours de laquelle près de 3 000 personnes avaient perdu la vie. Ce mercredi 5 juin, les autorités ivoiriennes ont pu restituer une partie corps de personnes tuées, 14 au total, à leurs familles endeuillées.
Pour les familles, l'attente a été longue. Niogé Ouattara a perdu sa fille au cours de la marche des femmes le 3 mars 2011, dans la commune d'Abobo : « Quand vous perdez quelqu'un et que vous ne savez même pas où vous l'avez enterré... elle était enterrée dans une fosse commune. Ils sont allés faire des tests ADN, ils l'ont retrouvée et restituée aujourd'hui, c'est une bonne chose que je puisse l'enterrer dignement », souffle le père de famille.
Une longue attente, douloureuse, qui apporte enfin un peu d'apaisement. Au nom des familles, Youssouf Diabaté, frère d'une des quatorze victimes et porte-parole des familles présentes, évoque la difficulté à faire le deuil : « Ces victimes sont aujourd'hui des martyrs pour notre pays. Mais quatorze années de deuil, c'est beaucoup ».
Une attente due aux procédures juridiques
En 2013, le gouvernement a lancé une campagne d'exhumation à Abidjan. Mais les corps identifiés par les familles ont été retenus en raison de procédures juridiques, selon le gouvernement. « Ces quatorze corps ont été conservés après la crise post-électorale de 2010-2011, pour nécessité d'enquête et l'identification, a expliqué Myss Belmonde Dogo, la ministre de la Cohésion nationale. Cette phase administrative et judiciaire ayant connu son dénouement, l'État de Côte d'Ivoire a décidé de procéder à la remise de ces corps aux familles endeuillées. »
Un montant de 1 500 000 francs CFA (environ 2 200 euros) a été remis par le gouvernement à chaque famille par chèque à la fin de la cérémonie. L'aide de l'État ne « pourra pas effacer votre peine », a dit la ministre, mais « je vous demande de pardonner », pour « faire de notre pays un havre de paix », a tenté d'apaiser la ministre.
À ce stade, 47 corps ont été restitués dans le Cavally, dans l'ouest du pays. Selon la ministre de la Cohésion nationale, six autres corps doivent encore être remis à leurs familles dans la ville de Duékué, dans les semaines à venir. Des corps ont été récupérés par les familles en dehors de l'initiative de l'État et d'autres n'ont pas encore été identifiés. La ministre n'a pas souhaité donner de chiffres à ce propos.