Burkina Faso: Mobilité urbaine - La croix et la bannière des étudiants pour rallier les universités

Certains étudiants de la ville de Ouagadougou se rendent dans les universités avec la Société de transport en commun de Ouagadougou (SOTRACO). Cependant, l'insuffisance du parc de bus constitue une énorme difficulté pour ces jeunes qui, au-delà de leurs études, doivent subir le stress de manquer leurs évaluations ou leurs cours. Constat !

Il est 5h30, ce jour 3 avril 2024 sur la place du Mémorial Thomas-Sankara à Ouagadougou. Déjà, une multitude d'étudiants de la ville sont alignés en file indienne, dans un rang bien serrés, attendant avec impatience le bus de la Société de transport en commun de Ouagadougou (SOTRACO). A peine le véhicule s'est immobilisé qu'une bousculade atroce commence, laissant place à la loi du plus fort. Karidia Traoré, étudiante en 2e année en assistanat de direction à l'Institut supérieur privé polytechnique (ISPP) se débat, mais vainement, pour avoir accès au bus. Les plus forts l'ont devancée.

Toute essoufflée et sur les nerfs, elle explique que les retards et les pannes du bus constituent une énorme difficulté pour l'ensemble des étudiants. Conséquence, elle dit être parfois contrainte de continuer son trajet à taxi au prix de 400 F CFA afin d'éviter les retards lors de ses cours et évaluations. Karidia Traoré dit être desservie par le bus ordinaire n°17 (Boassa-Terminus Mémorial Thomas- Sankara) lors de sa descente qui met environ 2h de temps avant d'arriver, car, il est le seul sur sa ligne.

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« Lorsque je fais un retard après la fin des cours, je prends le n°4 (Sandogo- Terminus Mémorial Thomas-Sankara) qui est assez loin de chez moi, car des fois, le n°17 ne revient plus. Ainsi, arrivée au terminus, je suis obligée de parcourir environ 2 km à pied pour rentrer à la maison », explique-t-elle.

Tout comme Karidia Traoré, ils sont nombreux ces étudiants qui sont obligés de rejoindre leurs universités en bus. L'étudiante Ruth Ouédraogo de l'ISPP de dénoncer également les récurrentes pannes. Dans la matinée, elle emprunte le bus qui va de Pissy à 5h30 pour arriver au Mémorial Thomas-Sankara aux environs de 6h20. De là, elle continue avec le bus de la Patte d'oie, car ses cours sont programmées le plus souvent à 7h30. Selon elle,

ce programme est souvent bouleversé pour cause d'absence de bus.

« Les bus de 18 h, 19 h et 20 h sont toujours bourré de monde au point que certaines personnes se sentent obligés de s'accrocher aux portières. Dans de telles circonstances, des personnes se retrouvent sans leurs téléphones portables, leur argent ou même leur portefeuille à la descente, parce qu'on les a volés dans le bus », déplore l'étudiante Nafissatou Guinko de l'Institut supérieur de technologie (IST). Elle évoque les longues heures d'attente que subissent les usagers parfois sous le soleil. A cela, Mlle Guinko ajoute l'absence de toilettes aux arrêts de bus, pour soulager les usagers en cas de besoins pressants.

Obligés de s'accrocher aux portières

Certains étudiants de l'Université Thomas-Sankara (UTS) située à la sortie est de la ville de Ouagadougou (route de Fada N'Gourma) doivent parcourir au moins 50 km par jour avec le bus pour s'y rendre. L'étudiant en Licence 3 de l'Unité de formation et de recherche (UFR) en Sciences juridique et politique (SJP) à l'UTS, Joël Poda, confie que les bus scolaires quittent les arrêts de départ (cités universitaires) déjà débordant de monde.

Ainsi, ceux n'habitant pas dans les cités et qui attendent aux différents arrêts de l'itinéraire doivent patienter pour qu'un autre bus de la ligne spéciale étudiant viennent les conduire à l'UTS. Du coup, explique-t-il, ces étudiants ne parviennent pas toujours à arriver à temps pour les débuts des cours.

« Nous ne parvenons pas à suivre le rythme de l'enseignement et les devoirs sont de fois repousser jusqu'à ce que tout le monde soit présent pour la composition », souligne Joël Poda. Il déplore également les surcharges dans les bus.

« Pour un bus d'environ 50 places, on se retrouve avec plus du double des passagers à bord. Et d'autres sont obligés de s'accrocher aux portières afin d'arriver à l'heure aux cours », fait-il savoir.

Quant à l'étudiant en Licence 1, Clément Ouédraogo, de la même faculté, il fait savoir qu'il y a beaucoup à faire en matière de transport des étudiants. Habitant le quartier Cissin, il affirme quitter la maison à vélo aux environs de 5h pour se rendre au SIAO afin d'être conduit à l'UTS par le bus à partir de 5h30. « Malgré ma ponctualité, il arrive que je sois en retard parce que le circuit est long et un grand nombre d'étudiants emprunte le bus », dit-il.

Et au délégué général, représentant des étudiants au conseil d'administration de l'UTS, Bitiou Olivier Nignan, de poursuivre que bon nombre d'étudiants quitte les classes avant la fin des cours, espérant arriver à temps en ville pour avoir le bus ordinaire de son itinéraire. Il affirme que le plus souvent, à l'arrivée du bus universitaire en centre-ville, les derniers bus ordinaires n'y sont plus. Il s'agit là d'une situation difficile pour les étudiants qui font des auto-stop (suivre des inconnus qui prennent souvent le même chemin qu'eux) pour espérer raccourcir leur temps de marche.

Le délégué général révèle, par ailleurs, la vétusté de certains bus d'où les pannes récurrentes. « Une fois un de nos bus, aux environs de l'université Joseph Ki-Zerbo, a dégagé une énorme fumée. Cet incident a semé la panique dans le bus. Heureusement, le pire a été évité », raconte-t-il. Le vice-président de l'UTS, Wendpayangdé Dominique Sawadogo, pour sa part soutien que l'UTS mène des actions de coordination avec la SOTRACO afin de lui permettre de rationaliser l'utilisation du bus parce que la demande en transport varie en fonction du programme estudiantin.

« Plus du tiers des bus de la SOTRACO desservent l'UTS au regard de sa distance excentré (environ 25 km du centre-ville). A cet effet, nous lui accordons une grande importance, car, sans elle, il n'y a pas de cours chez nous », explique-t-il. Il se réjouit de la construction des abris-bus par la SOTRACO en attendant l'arrivée du car estudiantin.

Actions en faveur des étudiants

Le transport public urbain du Burkina est assuré par la compagnie de transport SOTRACO. Son Directeur général, Issiaka Ouédraogo, explique que la société dispose de plusieurs réseaux de transport dans le pays dont le principal est celui de Ouagadougou. En moyenne, détaille-t-il, 52 bus suivant 26 lignes sont exploités par ce réseau principal depuis 2023 pour desservir l'ensemble des secteurs de la ville. Il fait savoir qu'ainsi, 2 613 656 personnes ont été transportées par la SOTRACO en 2023.

Concernant le cas spécifique des étudiants, précise le DG/SOTRACO, des actions sont entreprises par la société pour leur permettre de se déplacer librement. « Il s'agit de la mise en place des lignes spéciales étudiants dites LSE qui sont au nombre de huit. Ce sont des lignes de transport spéciales étudiants avec des horaires bien déterminés », dit M. Ouédraogo. Ces lignes sont réparties comme suit : trois lignes qui desservent les trois grandes cités universitaires à savoir les cités de Kossodo, de la Patte d'oie et de l'Institut des sciences (IDS).

Ensuite, quatre axes desservent l'UTS en provenance de l'université Joseph-Ki-Zerbo, du SIAO, du Mémorial Thomas-Sankara (MTS) et de l'ONEA Bendogo. Puis, une ligne mise en place pour le Centre universitaire de Ziniaré (CUZ). « Environ une vingtaine de bus sont mis sur ces différents axes de l'UTS pour transporter les étudiants. En plus de cela, l'abonnement mensuel en faveur d'un étudiant s'élève à 3 000 F CFA, toute chose lui permettant de bénéficier des services du bus à chaque fois qu'il aura besoin », déclare le DG.

Il précise également qu'un chronogramme pour le transport des étudiants de l'UTS a été établi de commun accord avec la SOTRACO, les responsables de l'UTS ainsi que les délégués des étudiants. Cela, estime-t-il, leur permet de suivre au mieux les cours et d'être desservis par les bus ordinaires dans leur quartiers respectifs après les cours. Aussi, le DG de la SOTRACO explique que des rencontres périodiques sont tenues en fonction de la demande et des réaménagements sont également possibles.

Et de faire savoir aux usagers que la société dispose d'un « call center » qui leur permet d'entrer en contact avec elle au cas où le besoin se présente. Selon lui, un terminus a été aménagé à Balkuy avec des commodités d'attentes (parking, cafétéria ...) pour permettre aux usagers d'attendre convenablement le bus. Ainsi, Issiaka Ouédraogo soutient que ces projets d'aménagement de terminus péri- phériques sont envisagés

et que la société prévoit également un réseau de rabattement au bout duquel, les populations éloignées seront conduites vers les terminus par des minibus. A ce titre, il informe que les autorités sont à pied d'oeuvre pour trouver des solutions idoines à cette question de transport urbain.

Eviter de risquer sa vie

Issiaka Ouédraogo soutient que sa société est confrontée à « d'énormes difficultés » qui entravent son fonctionnement, notamment le nombre limité de bus dans la ville et leur vétusté. Cela, regrette-t-il, occasionne des décalages d'horaires du fait des pannes récurrentes.

« Nous fonctionnons avec deux équipes de vacations suivant la règlementation nationale en matière de travail. A cet effet, le volume horaire du travail est fixé à 8 heures par jour. Pour répondre aux exigences des usagers, il nous faut instaurer une troisième équipe de vacation, toute chose qui nécessite des moyens financier, matériel et humain », dit M. Ouédraogo. Tout en reconnaissant les difficultés que rencontrent les usagers et particulièrement les étudiants, le DG/SOTRACO exhorte ceux qui ne parviennent pas avoir de la place dans le bus présent, à attendre le prochain, car ils risquent leur vie en s'accrochant aux portières des bus en déplacement.

L'étudiant Clément Ouédraogo demande à ses camarades de faire preuve de solidarité et de tolérance au moment de l'embarquement. « Pour rentrer dans le bus, il faut être un gros bras ou être rusé au regard des bousculades. Souvent, je passe tout un mois sans avoir de la place dans le bus. Il serait important de faire des relais pour permettre aux plus vulnérables d'occuper les sièges. Ce serait des actes nobles de citoyenneté », souligne-t-il.

Les étudiants demandent donc aux autorités de se pencher davantage sur la question de leur transport afin de garantir leur sécurité et d'améliorer leurs conditions d'études. Déjà, le DG de la SOTRACO affirme que des réformes sont envisagées pour résoudre les difficultés de sa société. De ce fait, il salue l'engagement des autorités qui sont à pied d'oeuvre pour la mise en place d'un système de transport urbain durable au Burkina.

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