Afrique: Éliminatoires Mondial 2026 - Stefano Cusin et les Comores « n'osent pas encore rêver »

interview

Un peu à la dérive depuis la CAN 2022 et le départ de son emblématique sélectionneur, Amir Abdou, l'équipe des Comores a retrouvé de l'allant depuis l'arrivée de l'Italien Stefano Cusin en octobre dernier. L'ex-sélectionneur du Soudan du Sud explique à RFI comment il a redynamisé une équipe leader de sa poule des éliminatoires de la Coupe du monde, avant de rencontrer Madagascar et le Tchad pour les 3e et 4e journées. Deux matches pour grandir encore, et peut-être rêver plus grand.

Quand vous êtes arrivé aux Comores en octobre dernier, après une expérience au Soudan du Sud, vous avez trouvé une équipe qui n'était qualifiée à la CAN 2024, et dont les joueurs étaient en conflit ouvert avec la Fédération. La tâche s'annonçait visiblement compliquée ?

Non, je ne l'ai pas vu comme ça. Plutôt comme une nouvelle aventure. J'étais en fin de contrat avec le Soudan du Sud et la Fédération voulait renouveler mon contrat pour encore deux ans. En même temps, la Fédération des Comores cherchait un entraîneur capable de reconstruire une équipe. Elle était vieillissante, des joueurs étaient partis à la retraite, certains avaient dépassé la trentaine.

Donc, ils m'ont contacté par rapport au travail que j'avais fait au Soudan du Sud et on a discuté. On s'est rencontrés à Moroni (capitale des Comores) et très vite, on a trouvé un terrain d'entente et le travail a commencé. Après, concernant le conflit entre les joueurs et la fédération, j'ai eu la chance que, d'un côté comme de l'autre, le dialogue soit privilégié. Les joueurs et la fédération ont discuté, se sont écouté et cela s'est bien passé. Il y avait la volonté de tout le monde de sortir de la crise, de trouver une solution.

%

Dans la foulée, vous débutez avec deux victoires en deux journées dans les éliminatoires de la Coupe du monde ; la Centrafrique que vous battez 4-2, mais surtout le Ghana (1-0), mondialiste. Comment avez-vous construit ces succès en si peu de temps ?

À partir du moment où les Comores s'intéressent à moi, je commence à regarder les matchs pour avoir une idée des joueurs et du potentiel aussi des binationaux qui pourraient nous rejoindre. Sur le papier, je suis convaincu qu'on peut construire une belle équipe.

Au mois d'octobre, on a disputé un match amical encourageant contre le Cap-Vert (2-1) avec beaucoup de jeunes joueurs issus de la sélection U20. On a commencé dès lors à construire l'équipe avec l'ossature des joueurs qui étaient déjà là, plus des binationaux comme Rafiki Saïd de Troyes, ou Myziane Maolida de Hertha Berlin, et sept ou huit jeunes qui étaient intéressants. Donc, on est reparti sur une nouvelle dynamique.

À partir de là, les joueurs ont été exemplaires. Face à la Centrafrique, ça n'a pas été simple ; c'est une équipe qui a été à deux doigts d'aller à la CAN, car s'ils battent l'Angola chez eux, ils se qualifient. On a eu du mal à domicile et ce n'était pas évident puisqu'on a été menés au score, mais on a bien fini le match. Comme face au Ghana, c'est la qualité de nos joueurs, et surtout la fraîcheur de l'équipe qui nous a permis de remporter ces deux premiers matchs.

Il y a eu une sorte de confirmation aussi au mois de mars dernier, quand vous battez en amical l'Ouganda (4-0), et que vous faites match nul (0-0) contre l'Angola, qui a été un beau quart de finaliste à la dernière CAN...

On peut dire ça. J'ai pris mes fonctions, il n'y a pas longtemps, donc il faut un petit peu de temps pour expliquer aux joueurs comment on veut jouer, quels sont les principes de jeu, quelle est l'organisation tactique. C'est notamment au niveau de la mentalité qu'on a bien progressé. Même si on n'est pas encore une grande équipe, il faut qu'on pense comme telle.

Avoir la bonne mentalité. On joue à domicile contre le Ghana, c'est un choc et l'objectif, ce sont les trois points. Il faut qu'on pense comme ça. Après, on verra ce qui se passera sur le terrain, mais c'est la mentalité qu'on veut et c'est ce que j'ai beaucoup apprécié chez mes joueurs. Ce sont des battants qui ont envie de gagner, qui ont de l'ambition. Donc, ça n'a pas été très difficile pour moi de les motiver.

QUALIFIERSCM2026#FIFA-FFCStefano Cusin le sélectionneur des Comores sont arrivés à Johannesburg pour affronter#Madagascar pour le compte de la 3e journée des éliminatoires de la Coupe du Monde 2026, le 7 juin à 18h, heure d'Afrique du Sud.#FIFACAFQualifiersCM2026#FFCVeriPiya pic.twitter.com/SNWeqiCKbZ-- FFC 🇰🇲 (@fedcomfootball) May 30, 2024

Les Comores sont leaders d'une poule I devant le Mali et le Ghana. Vous allez rencontrer Madagascar (7 juin) et le Tchad pour les deux prochaines journées, la pression risque d'être désormais sur vous ?

Il faut être honnête, je pense qu'avant le début des qualifications, si on avait donné des cotes de qualification, personne n'aurait parié sur les Comores. Le Ghana, le Mali, et même Madagascar, ce n'est pas n'importe quelle équipe. Notre place logique dans ce groupe, c'est la 5e place sur les 6 équipes. Donc, on va jouer sans aucun stress, sans aucune pression.

Nous sommes en reconstruction, on utilise les matchs officiels pour juger notre niveau, pour s'améliorer constamment, essayer de renforcer l'équipe. Maintenant, si d'ici à 5 ou 6 matchs, on est encore dans les premiers, là, je changerai mon discours. Mais pour l'instant, il faut avoir les pieds sur terre et être réaliste. Notre vrai objectif, c'est la qualification à la CAN 2025 au Maroc. C'est notre priorité.

Vous n'osez pas, pour le moment, rêver d'une qualification à la Coupe du monde donc ?

Je répète, il faut être réaliste. Que les supporters rêvent, que les joueurs rêvent, mais l'entraîneur que je suis dois avoir les pieds sur terre. Il faut énormément de travail pour accomplir un rêve. Sur le papier, le Ghana, le Mali, Madagascar sont des équipes qui sont expérimentées, des équipes qui ont de très bons joueurs. Si vous voulez vous qualifier à une Coupe du monde, il faut être meilleur que toutes ces équipes-là.

On avance match après match et puis on verra d'ici 5 ou 6 matchs où on se situe au classement. Je pense que c'est l'approche la plus réaliste par rapport à la situation dans laquelle on est actuellement. Cela dit, on est premiers et on va jouer les matchs à fond parce qu'on a de l'ambition.

Quand on regarde votre parcours, vous êtes arrivé en Afrique, au Cameroun en 2003, pour entraîner les U 20. Plus de 20 ans après, les Comores ne sont que la deuxième sélection africaine que vous dirigez après le Soudan du Sud. Comment expliquez-vous cette longue attente avant d'avoir votre chance ?

Depuis le début de ma carrière, mon objectif a toujours été d'entraîner une équipe nationale africaine. Quand j'ai commencé mon travail, il y a 20 ans au Cameroun, c'était avec l'idée de finir avec une sélection.

Après, je suis allé au Congo (sélection olympique), en Afrique du Sud, j'ai gagné le championnat en Libye avec Al-Ittihad. En fait, en Afrique, j'ai travaillé un peu à l'ouest, à l'est, au nord et sud, ce sont un peu les aléas pour un entraîneur comme moi. Après, disons que je n'ai pas eu la bonne opportunité. J'attendais vraiment d'avoir un vrai projet, des gens qui font confiance et pas seulement une sélection qui vous dit : « Bah, venez et on verra ».

C'est pour ça que cela a pris un peu du temps. Par contre, quand j'ai eu l'offre du Soudan du Sud, le président de la Fédération, tout de suite m'a fait comprendre que c'était moi le patron. À partir de là, ça s'est bien passé dans le sens où on a fait un bon travail. Avec une petite équipe comme le Soudan du Sud, on a quand même gagné presque 50% de nos matchs officiels ; on a battu le Congo-Brazzaville, le Kenya à Nairobi. On a qualifié les U17 et U20 à la CAN, ce qui est un exploit considérable puisqu'il n'y pas de championnat dans ces catégories dans le pays.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.