Afrique: Tournée africaine du chef de la diplomatie russe - Sergeï Lavrov en mode séduction

analyse

Débutée le 2 juin dernier, la tournée africaine du chef de la diplomatie russe, Sergei Lavrov, s'est achevée le 5 du même mois au Tchad où il a été reçu par le président nouvellement élu, Mahamat Idriss Deby Itno.

Une visite au pays de François Tombalbaye qui vient clore trois jours d'un périple au pas de charge, qui l'aura successivement conduit en Guinée, au Congo et au Burkina Faso où l'inamovible ministre des Affaires étrangères du Kremlin était littéralement en mode séduction ; tant il se sera montré généreux dans l'effort de persuasion de ces pays, à entretenir des relations privilégiées avec le sien ; tout en ne manquant pas de lancer par moments des piques à l'Occident dans le dossier de la guerre contre l'Ukraine.

Le tout sur fond de rivalité avec la France, l'ancienne puissance coloniale aujourd'hui en perte de vitesse sur le continent noir où s'est développé, ces dernières années, un certain sentiment anti-français. C'est dire combien l'Ours russe est aussi bien dans la logique de briser son isolement sur la scène internationale depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, que dans celle de renforcer son influence sur le continent africain. Un continent où la Fédération russe est en train de tailler des croupières à la France dans ce qui passait, il n'y a pas encore si longtemps, pour son pré-carré.

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L'essentiel est que les besoins exprimés puissent répondre aux aspirations profondes du peuple tchadien

Notamment dans les pays du Sahel comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger où les troupes françaises ont été chassées parce qu'accusées de ne pas se donner à fond dans la lutte contre le terrorisme quand elles ne sont pas tout simplement soupçonnées d'être en intelligence avec l'ennemi. C'est dire si le Tchad se présente aujourd'hui comme le dernier bastion de la présence militaire française au Sahel.

Toujours est-il qu'en s'y rendant et en tenant le discours qui est le sien, il y a comme une volonté du chef de la diplomatie russe, d'enfoncer le clou du désamour grandissant entre Paris et ses anciennes colonies dans cette partie de l'Afrique. Et cela, au-delà de la guerre de communication dans le conflit en Ukraine à l'effet d'aligner ce pays et tous les autres pays visités derrière la cause de la Russie.

On est d'autant plus porté à le croire que face à la panoplie des domaines de coopération, l'émissaire du Kremlin a clairement indiqué que « c'est aux Tchadiens d'établir la liste de leurs besoins ». Une façon, comme une autre pour le diplomate russe, de rassurer son partenaire sur sa capacité à répondre à ses besoins. La question qui se pose est de savoir dans quel sens Ndjamena opérera son choix.

Et auquel des partenariats avec Moscou et Paris, les autorités tchadiennes donneront plus de poids. La question est d'autant plus fondée qu'avec cette offensive diplomatique d'une Russie décidée à gagner du terrain pour étendre son influence, c'est l'avenir de la coopération française qui semble de plus en plus en jeu sur un continent où le chant du Coq gaulois ne sonne plus en symphonie avec les aspirations des peuples africains.

La France doit savoir tirer leçon de ses déboires dans les autres pays du Sahel, pour rectifier le tir au Tchad

En un mot comme en mille, sans pour autant avoir perdu toute son influence, la France n'est plus le partenaire privilégié qu'il était pour de nombreux pays africains. Et ce changement de paradigme des dirigeants africains, de plus en plus, portés sur la diversification des partenariats et réceptifs aux propositions venues d'ailleurs, sonne comme une interpellation pour Paris à changer son fusil d'épaule.

C'est dire s'il appartient à la France de sortir de son confort d'ancienne puissance coloniale pour développer une nouvelle approche de ses relations avec l'Afrique sous peine de continuer à perdre du terrain voire de se laisser damer le pion par des puissances venues d'ailleurs avec des propositions innovantes et qui n'ont pas les mêmes liens historiques avec le continent noir.

Pour en revenir à l'opération de charme de la Russie au Tchad, l'essentiel est que les besoins exprimés puissent répondre aux aspirations profondes du peuple tchadien et servir ses intérêts. Car, s'il est une certitude qui se dégage, c'est que Moscou n'agit pas pour les beaux yeux des Tchadiens. C'est pourquoi il faut souhaiter que les nouveaux accords qui viendront renforcer les relations entre les deux pays, ne se passent pas dans l'opacité au détriment des intérêts du peuple tchadien.

Quant à la France, elle doit savoir tirer leçon de ses déboires dans les autres pays du Sahel pour rectifier le tir au Tchad si elle veut encore garder son influence dans cette partie de l'Afrique.

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