Togo: Progrès et défis de la valorisation de la recherche au pays

7 Juin 2024

LOME — Le projet Valorising Research Results and Innovation in West Africa (VaRRIWA) a créé une nouvelle dynamique dans la valorisation des résultats de la recherche et de l'innovation (R&I) au Togo.

Trois ans après sa mise en oeuvre, il a permis d'enregistrer plusieurs avancées notables telles que la formation à la valorisation des résultats de la recherche et de l'innovation au Togo (For-VaRRITO), l'un des quatre projets financés par le projet VaRRIWA.

« Le projet vise à former les acteurs de la recherche aux mécanismes de mise en oeuvre de la recherche et de l'innovation, de protection, d'adoption et de valorisation des résultats de la R&I ; à construire des dispositifs d'accompagnement à la valorisation des résultats de recherche et d'innovation », explique Edwige Akouete, coordinatrice du projet VaRRIWA au Togo.

Selon cette dernière, il est aussi question de mettre en réseau tous les acteurs de la R&I pour faciliter la coopération entre eux et permettre une systématisation du transfert de technologie.

"Le Système national de la recherche et innovation est composé d'éléments disjoints, fonctionnant souvent de manière indépendante, sans coordination et sans objectifs communs assignés"Dodzi Kossi, directeur de la Recherche scientifique et technique

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Près de 300 chercheurs des deux universités publiques (situées dans les villes de Lomé et Kara) et près de 60 entrepreneurs et innovateurs ont été formés sur les notions de propriété intellectuelle, de transfert de technologie et de valorisation économique des innovations dans le cadre du projet For-VaRRITO.

Le projet VaRRIWA a aussi fait émerger deux incubateurs. Le premier, installé dans la capitale Lomé et dirigé par l'Institut togolais de recherche agronomique, et dénommé Unité de valorisation des innovations agricoles et agroalimentaires (UVI2A), accompagne déjà 30 innovations agricoles et agroalimentaires.

Il s'agit de 17 innovations dans l'amélioration des procédés de transformation agro-alimentaire des produits locaux, deux méthodes innovantes de production de biopesticides, trois techniques innovantes de compostage et de transformation de produits locaux et huit procédés technologiques de conception des machines agricoles.

« Ces 30 innovateurs ont bénéficié d'une formation en création d'entreprise et gestion, en gestion de la propriété intellectuelle et valorisation économique des résultats de recherche et innovation », précise Voemesse Kokou, coordonnateur de l'UVI2A.

Le second incubateur, connu sous le nom de Centre d'accompagnement à la valorisation des résultats de la recherche-innovation dans le domaine des sciences et technologies (CAVRIS), a permis à 30 porteurs d'innovations dans le secteur de la mécanique de bénéficier d'un ensemble de formations et d'accompagnement technique.

Parmi les projets incubés figurent celui du prototypage d'un lit médical permettant de déplacer facilement les malades dans un centre de santé et celui d'une machine de fabrication de savon.

« Nous avons sélectionné 30 porteurs de recherches et d'innovations en vue de leur valorisation. Le Centre a mis à leur disposition, en plus du cadre, des équipements et une assistance technique adaptés pour la maturation de leurs innovations. Aujourd'hui, nous avons 15 prototypes déjà finalisés et prêts à être mis à l'échelle en cas de financement », confie Dabitora Koumantiga, coordonnateur du CAVRIS.

Absence de coordination

En dépit de ces avancées, la valorisation des résultats de la recherche reste confrontée à de nombreux défis, soutient Dodzi Kossi, directeur de la Recherche scientifique et technique (DRST).

« Le Système national de la recherche et innovation est composé d'éléments disjoints, fonctionnant souvent de manière indépendante, sans coordination et sans objectifs communs assignés », argumente-t-il.

Selon Adjonou Kossi, enseignant-chercheur à l'université de Lomé, l'absence d'un cadre permanent de concertation regroupant les différentes structures de recherche et les utilisateurs des résultats de recherche (administration, opérateurs économiques, société civile, etc.) figurent parmi les principaux chainons manquants du système national de la recherche ; au même titre que l'absence d'une agence nationale de valorisation des résultats de recherche.

Le faible financement de la recherche et innovation, qui est d'environ 0,22 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, et loin de 1 % du PIB recommandé par l'Union africaine, constitue également un défi majeur à relever pour la valorisation des résultats de la R&I.

D'après ce chercheur, le Togo ambitionne de faire non seulement de la R&I un moteur qui contribue efficacement à relever les défis qui se posent, mais également un moyen qui permet de renforcer le rayonnement des chercheurs togolais et leur participation à l'économie mondiale.

« Cependant, les ressources nationales limitées couplées aux faibles capacités de mobilisation intra et extra territoriales des institutions de recherche restent des obstacles persistants pour une meilleure valorisation des résultats de la R&I », constate-t-il.

Eloh Kodjo, enseignant-chercheur et chef de la division "recherche" à la Direction de l'information, des relations extérieures et de la coopération (DIRECOOP) de l'université de Kara, pense pour sa part qu'il manque une certaine visibilité dans les stratégies de diffusion, une veille technologique, des agences de vulgarisation et des acteurs suffisamment formés pour faire connaitre et exploiter les résultats des travaux menés.

Culture entrepreneuriale

Conséquence, dit-il, les résultats des recherches ne contribuent que faiblement au processus de développement économique du pays.

Cette situation est aussi liée à l'absence de la culture entrepreneuriale chez les chercheurs et les innovateurs, au non-accès au financement adéquat des entreprises agricoles et surtout à la méconnaissance des stratégies de valorisation des résultats scientifiques, ajoute Koku Voemesse de l'Institut togolais de recherche agronomique (ITRA).

« Cette méconnaissance fait que chez les chercheurs, les résultats scientifiques sont publiés sous forme d'articles seulement pour l'évolution de la carrière du chercheur, laissant en marge les problèmes de la société », déplore-t-il.

Pour relever ces défis, Dodzi Kossi estime qu'il est important de mettre en place une agence nationale de valorisation des résultats de la recherche pour faciliter le transfert de technologies vers le secteur industriel. Il préconise aussi l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de valorisation des résultats de la recherche et de l'innovation.

Face à la faiblesse des financements, Voemesse Kokou, coordonnateur de l'UVI2A, propose une solution qui serait la mise en place d'associations d'investisseurs (publics ou privés), « qui pourraient partager les risques et les financements. Les partenariats entre incubateurs et sociétés de capital-risque régionales semblent également constituer une bonne alternative », suggère-t-il.

Dabitora Koumantiga, coordonnateur du CAVRIS, plaide pour une mobilisation des moyens pour consolider les résultats du projet VaRRIWA.

« Pour cette première cohorte d'incubés, nous avons des résultats rassurants et nous avons acquis de l'expérience. Il faudrait avoir du financement de l'État pour continuer à accueillir d'autres jeunes et faire du centre un pool de valorisation des recherches, mais surtout d'employabilité, avec l'accompagnement des jeunes et de leurs idées, jusqu'à la création de véritables entreprises. Il faut que d'importantes ressources soient allouées à la R&I », soutient-il.

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