Sédhiou — A quelques jours de la célébration de la fête musulmane dite l'Aïd-el Kébir communément appelée Tabaski au Sénégal, la présence des rabatteurs et autres intermédiaires dans les points de vente de moutons à Sédhiou est vue d'un mauvais oeil par les clients, qui les accusent de contribuer à renchérir les prix.
Ils leur reprochent d'influencer la fixation des prix au détriment des potentiels acheteurs, en cachant certaines informations sur la santé, l'âge et la provenance du bétail, par exemple.
Des représentations que ne partagent pas les éleveurs et les vendeurs, qui, loin d'être gênés par la posture des rabatteurs et autres intermédiaires, estiment que ces derniers faciliteraient même les transactions avec les clients.
Ils jouent un rôle de courtier en facilitant l'établissement de relations entre vendeurs et acheteurs de bétail. Leur connaissance du marché, la maîtrise des langues du milieu et du circuit de commercialisation, leur permettent de trouver des opportunités pour les éleveurs et les acheteurs tout en gagnant leur vie.
Un avis qui est loin d'être partagé par certains clients, pour lesquels les rabatteurs encombrent le marché, rendant ainsi difficiles les transactions.
Khaly Diémé, la quarantaine bien sonnée, est venu au point de vente de moutons situé non loin de la mairie de Sédhiou, pour tâter le marché. Il fustige la présence des rabatteurs et autres intermédiaires dans les points de vente.
Obstacle à la prise de bonnes décisions
Ils peuvent influencer la fixation des prix mais aussi masquer certaines informations sur les animaux, comme par exemple leur état de santé, leur âge ou leur origine. Ce faisant, ils empêchent les acheteurs de prendre les bonnes décisions suivant l'état de l'animal, indique-t-il.
Très souvent, c'est leur immixtion dans les marchandages qui est à l'origine du niveau jugé élevé du prix des moutons, accuse-t-il. Ce qui fait que c'est un casse-tête pour les consommateurs de prévoir un budget pour l'achat des moutons.
Venu à la recherche d'un mouton, Aliou Dandio déclare que les rabatteurs et autres intermédiaires peuvent contribuer à l'encombrement des marchés à bétail, engendrant des problèmes de mobilité sur ces sites très fréquentés à l'approche de la fête de Tabaski.
Au-delà de leur influence supposée sur les prix, Diandio déplore leurs mauvais comportements envers les clients, qu'ils forcent à acheter des moutons à force de "harcèlements".
"En plus, selon certains clients rencontrés sur le marché, ils [les rabatteurs] sont à l'origine de la concurrence en favorisant les plus grands vendeurs de moutons. Cela peut créer un climat de tension avec les petits éleveurs", dit-il.
Ndèye Awa Diédhiou déplore la présence des intermédiaires dans les lieux de vente des moutons. Elle ne manque pas d'inviter les autorités à prendre des mesures pour mettre fin à cette pratique.
Pour atténuer les problèmes liés à leur forte présence, elle souligne la nécessité de mettre en place une réglementation et des mécanismes de contrôle efficaces dans les marchés à bétail de la région de Sédhiou.
"Cela permettra de garantir la transparence, de protéger les intérêts des parties prenantes et de maintenir un environnement commercial équitable pour tous", suggère Mme Diédhiou.
Les éleveurs trouvent quant à eux très normale la présence des intermédiaires dans les différents points de vente du bétail. Pour eux, ils facilitent les échanges entre vendeurs et acheteurs.
"La barrière linguistique peut parfois poser problème dans les échanges commerciaux. Il est important que les intermédiaires nous viennent en appoint pour faciliter la communication entre les parties prenantes", explique Khamadi Baldé, un éleveur trouvé sur les lieux.
Dans le domaine du commerce, dit-il, la maîtrise des langues locales peut être un atout majeur pour les intermédiaires.
Un avis que partage l'éleveur Yaya Sow. De son point de vue, les intermédiaires jouent un rôle essentiel dans la commercialisation des moutons pendant la fête de Tabaski.
Ils agissent comme des facilitateurs entre les vendeurs et les acheteurs, contribuant ainsi à la fluidité des transactions, fait-il observer.
"Les intermédiaires sont souvent bien informés sur les tendances du marché, les prix, la demande et l'offre. C'est ainsi qu'ils se chargent de la coordination du transport du bétail entre les marchés", explique-t-il.
Facilitateurs de transactions
Rabatteurs et autres intermédiaires réfutent cependant les accusations selon lesquelles ils influencent la fixation des prix des moutons. Ils se considèrent juste comme des facilitateurs des transactions entre éleveurs et vendeurs.
Loin d'encombrer le marché, ils disent plutôt contribuer à sa fluidité, à travers la mise en relation entre vendeurs et acheteurs.
"Sans notre présence, de nombreux moutons ne seraient jamais vendus aux clients en raison de la langue utilisée lors des échanges commerciaux", explique par exemple Abdoulaye Diallo, un jeune qui s'active dans le métier de rabatteur.
"Ce sont ces intermédiaires dont ils fustigent la posture qui permettent le rapprochement entre l'offre et la demande. Ils facilitent les échanges et contribuent à la réalisation des transactions", a fait valoir M. Ba.
Un avis que partage son collège Ansoumana Mané. Trouvé au point de vente situé derrière le tribunal de Grande instance de Sédhiou, ce dernier estimé que "rabatteurs et intermédiaires aident les éleveurs à mieux comprendre le marché et la concurrence".
C'est dire donc que leur présence, certes fustigée par certains, facilite la communication entre les vendeurs et les clients. Ce qui est important dans un contexte où les deux parties ne parlent pas la même langue.