Madagascar Oil - « Il faut un développeur expérimenté pour exploiter Tsimiroro », affirme Scott Reid

interview

Scott Reid, ancien administrateur général de Madagascar Oil, donne sa version des faits sur ses différends avec l'actionnaire principale de cette société qui devait exploiter l'huile lourde de Tsimiroro. Il est notamment convaincu du fait qu'il faut vraiment un développeur expérimenté pour exploiter Tsimiroro. Interview.

Vous contestez la résiliation de votre contrat. N'est-ce pas le droit strict des actionnaires ?

À proprement parler, j'ai été nommé par les actionnaires pour un mandat de 6 ans. Au bout de 3 ans, j'ai été écarté sans le savoir, lors d'une assemblée générale convoquée secrètement et dont l'administrateur général que j'étais, n'était même pas au courant. Je conteste la légalité de cette assemblée générale qui m'a évincé parce que les dispositions de la loi sur les sociétés et les statuts de Madagascar Oil ont été entièrement violées.

Les administrateurs présents n'étaient pas dûment mandatés, les convocations n'ont pas été établies comme elles auraient dû l'être, elle était organisée en dehors du siège de la société comme l'exigent pourtant les statuts. D'ailleurs, le ressortissant canadien nommé administrateur général à cette occasion est arrivé sur le territoire avec un visa de touriste alors que la loi malgache est claire : pour occuper un tel poste, il faut être résident ou détenir un permis de travail.

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En définitive, il s'agissait d'une AG en catimini, prenant des décisions en toute illégalité. Ce n'est pas une coïncidence si le conseiller juridique de Benchmark Group et du liquidateur provisoire aux Bermudes, qui a aidé à organiser cette assemblée générale, s'est rétracté et refuse dorénavant de travailler pour l'entreprise. C'est un signal clair que quelque chose n'allait pas.

Qu'en est-il de cette plainte concernant le vol de vos effets personnels ?

Pourquoi garder mes effets personnels tout en sachant qu'ils comportent des outils propres à mon rôle de consul d'Australie ? N'est-ce pas étrange ? L'actionnaire Benchmark est si louche qu'il a pris le contrôle des bureaux de la société pendant la nuit avec l'aide de quelques employés et d'une société de sécurité privée. Si tout est correct, pourquoi tant de dissimulations, de secrets et d'intrigues ?

Quelle est votre version des faits concernant le détournement de fonds qui vous est reproché ?

J'ai déposé une plainte et plusieurs recours, il fallait en faire de même, n'est-ce pas ? Quiconque connaît Al Njoo, le PDG de Benchmark, n'est pas du tout surpris. Le secret de l'instruction ne me permet pas d'en parler plus. Je me contenterais de souligner clairement que j'ai géré Madagascar Oil correctement et en bon père de famille comme le dit l'expression consacrée.

Le combat que vous menez ne s'apparente-t-il pas à un sabotage de la restructuration de l'entreprise ?

Loin de là. En fait, au cours des 3 dernières années, correspondant à mon mandat, la société a franchi bien plus d'étapes qu'au cours des 8 précédentes années. Le pétrole lourd de Tsimiroro est d'une importance nationale, c'est aussi un projet présidentiel et comme l'actionnaire actuel n'était pas financièrement viable et ni crédible auprès des banques, j'ai entrepris la recherche d'investisseurs sérieux dans le but de mettre sur la table des offres réalistes.

Ces investisseurs souhaitent réellement développer le projet pétrolier de Tsimiroro et disposent de l'expérience technique, des ressources financières et de la crédibilité bancaire nécessaires. Cependant, ils sont réticents à travailler avec un acteur perçu comme un spéculateur dont le seul objectif serait de vendre le permis accordé par l'Etat au plus offrant. Tsimiroro n'a pas connu un seul investissement significatif depuis plus de 8 ans, alors que tous les permis nécessaires à la mise en production sont déjà entre les mains de Madagascar Oil.

Les vrais investisseurs et banquiers s'en rendent vite compte, et personne ne financera un projet dans ces conditions, surtout avec une dette de plusieurs dizaines de millions de dollars, et donc Tsimiroro est resté indéfiniment inexploité. Vous conviendrez avec moi qu'il est peut-être temps de passer à autre chose.

Pourtant, l'actionnaire Benchmark Group semble avoir un projet clair.

Si, après plus de 10 ans, l'actionnaire n'a rien fait pour bouger les choses. Si les plans soumis à l'OMNIS et à l'Etat ne sont pas concrétisés, par quel miracle peut-on s'attendre à un sursaut aujourd'hui ? Il faut un développeur vraiment expérimenté pour exploiter Tsimiroro. Il s'agit d'une opération de grande envergure qui exige un solide savoir-faire technique, une réelle capacité de gestion et la crédibilité indispensable auprès des banques. Avoir été actionnaire minoritaire à 2 ou 3 % dans un projet de pétrole lourd ici ou là il y a plus de 20 ans, sans avoir été impliqué dans la gestion opérationnelle, n'est pas suffisant pour développer le projet pétrole de Tsimiroro.

D'ailleurs, en 2022, l'Etat malgache a formellement invité, à plusieurs reprises M. Al Njoo, PDG de Benchmark Group, à venir expliquer ses réelles intentions quant au développement de Tsimiroro. À chaque fois, l'intéressé a trouvé des prétextes fallacieux pour ne pas venir à Madagascar, parfois même pour des maladies imaginaires. N'est-ce pas quelque part louche ?

Que se passe-t-il réellement avec la société mère de Madagascar Oil à l'île Maurice?

Il s'avère que le créancier de la holding qui est la propriétaire ultime de Madagascar Oil basée aux Bermudes, à l'origine de la restructuration financière que l'on prétend achevée, n'a toujours pas pu récupérer sa créance qui s'élève aujourd'hui à 61 millions de dollars avec les pénalités de retard. Bien que la procédure engagée aux Bermudes soit clôturée, Benchmark dissimule à ses interlocuteurs que cette société Madagascar Oil Ltd, enregistrée à Maurice et détenant plus de 99% de Madagascar Oil SA, est garante de la dette en question. Le créancier a donc introduit à Maurice, dès mi-mars, une requête pour liquidation de cette société et sa vente à un repreneur afin d'être remboursé. Cette demande est actuellement examinée par la Cour suprême de Maurice et une décision est attendue dans un avenir proche.

Vous dites donc que la restructuration financière de Madagascar Oil est loin d'être achevée ?

Hélas non ! En tout cas, tant que le créancier n'a pas été remboursé ou n'est pas parvenu à un accord clair, l'épée de Damoclès reste suspendue au-dessus de la tête de l'actionnaire et de la société. Il est évident qu'aucun plan de développement, quel qu'il soit, ne peut être mis en oeuvre dans de telles conditions.

Quelle est votre réelle motivation dans ce dossier ?

Ayant vécu et travaillé à Madagascar depuis plus de 15 ans, j'ai observé avec enthousiasme le développement potentiel de projets de ressources naturelles, y compris le projet d'huile lourde de Tsimiroro. Les potentialités sont réelles ! L'une des raisons qui m'a motivé à rejoindre Madagascar Oil était de ne pas laisser cette grosse potentialité économique gaspillée par la défaillance d'un acteur en termes d'investissement et son opportunisme spéculatif. Grâce à l'expérience que j'ai acquise dans de nombreuses régions du monde, je pense pouvoir mettre cette expérience à profit et mener l'exploitation de Tsimiroro à bien. Je crois vraiment que Madagascar a un avenir brillant si nous pouvons faire passer certains projets du statut de potentialité à celui de réalité.

N'est-ce pas un peu candide, voire naïf ?

Est-il naïf de souhaiter contribuer à un avenir meilleur pour le pays, fusse-t-il son pays d'adoption ? Nous ne devrions pas nous contenter de parler indéfiniment des grandes potentialités de Madagascar, le moment est venu de concrétiser ces projets dans l'intérêt du pays. Tsimiroro peut-être l'un d'eux.

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