La pire crise mondiale du déplacement interne continue de s'aggraver, avec des risques de famine et de maladies qui viennent s'ajouter aux ravages du conflit, a prévenu vendredi l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), relevant que le nombre de personnes déplacées internes pourrait dépasser les 10 millions dans ce pays d'Afrique du Nord-Est.
La matrice de suivi des déplacements de l'OIM, qui publie des statistiques hebdomadaires, a enregistré cette semaine 9,9 millions de déplacés internes dans les 18 Etats du Soudan. Avant le début du récent conflit en avril 2023, ce pays d'Afrique du Nord-Est enregistrait 2,8 millions de déplacés.
En plus d'un an, 7,1 millions de déplacés sont venus grossir les sites de déplacés internes. Plus de la moitié des personnes déplacées sont des femmes et plus d'un quart sont des enfants de moins de cinq ans.
12 millions de personnes contraintes de fuir leur foyer dont 2 millions de réfugiés
« Imaginez une ville de la taille de Londres déplacée. C'est ce à quoi cela ressemble, mais cela se produit avec la menace constante de tirs croisés, avec la famine, la maladie et la violence ethnique et sexiste brutale », a déclaré dans un communiqué, Amy Pope, Directrice générale de l'OIM.
Au total, quelque 12 millions de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer au Soudan, et plus de 2 millions ont traversé les frontières pour se rendre dans les pays voisins, principalement au Tchad, au Soudan du Sud et en Égypte.
Après des années de crise prolongée, une guerre civile de grande ampleur a éclaté à la mi-avril 2023 lorsque de violents combats entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (RSF) ont éclaté dans la capitale Khartoum et se sont rapidement étendus à l'ensemble de l'immense pays, qui compte près de 50 millions d'habitants.
La brutalité et l'intensité de la guerre sont implacables, et des rapports font état de graves violations des droits de l'homme, notamment de violences ethniques, de viols et de viols collectifs utilisés comme outils de guerre. Près de 70 % des personnes contraintes de se déplacer au Soudan tentent aujourd'hui de survivre dans des endroits menacés par la famine.
Les routes cruciales d'Al Fasher sont bloquées
« L'accès à l'aide humanitaire est irrégulier, voire inexistant. La prochaine saison des pluies compliquera la situation et pourrait entraîner des catastrophes liées au climat et la propagation de maladies », a averti l'OIM.
Ces mouvements de populations interviennent dans un climat de détérioration de la situation humanitaire. La semaine dernière, le Comité permanent interorganisations (CPI), l'instance de coordination humanitaire la plus élevée du système des Nations Unies, a lancé un avertissement sévère au sujet de la situation au Soudan, qui a atteint un « niveau catastrophique ».
À Al Fasher, la capitale du Darfour Nord, l'intensification du conflit a laissé plus de 800.000 civils pris au piège. Les infrastructures essentielles, y compris les soins de santé, se sont effondrées. Les prix de la nourriture, de l'eau et du carburant ont grimpé en flèche, rendant ces produits de base inabordables.
« Les routes cruciales d'Al Fasher sont bloquées, empêchant les civils d'atteindre des zones plus sûres, tout en limitant la quantité de nourriture et d'autres aides humanitaires arrivant dans la ville » a ajouté Othman Belbeisi, Directeur régional de l'OIM pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, relevant l'urgence d'un « arrêt immédiat des combats et la garantie d'un accès humanitaire sans entrave ».
Une multiplication par trois du nombre de migrants effectuant des voyages périlleux
En écho à ces inquiétudes, le Chef de mission de l'OIM dans ce pays s'est préoccupé de la situation à Al Fasher, qui est entrée « dans un nouveau chapitre alarmant », avec l'éclatement de combats dans la capitale du Darfour Nord. « Les prix de la nourriture, de l'eau et du carburant sont montés en flèche, rendant ces produits de base inabordables », a dit lors d'un point de presse à Genève, Mohamed Refaat, Chef de mission de l'OIM au Soudan.
Par ailleurs, l'OIM a rappelé que le Soudan a toujours été un pays d'origine, de transit et de destination majeur pour les migrants, au centre de multiples routes migratoires dans la région. En 2023, l'OIM a enregistré une multiplication par trois du nombre de Soudanais effectuant des voyages périlleux hors de leur pays.
« Ils empruntent les dangereux couloirs de migration irrégulière vers la Libye, la Tunisie et l'Europe. A l'heure où nous parlons, des rapports non confirmés font état d'environ 2.000 familles bloquées dans des conditions difficiles, y compris des migrants entre les frontières de l'Egypte, de la Libye et du Soudan », a ajouté M. Refaat.
L'effondrement du système de santé
Pour sa part, l'Agence sanitaire mondiale de l'ONU a souligné que le système de santé au Soudan s'effondre. Dans les zones difficiles d'accès, moins de 30 % des établissements de santé fonctionnaient encore.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 65 % de la population soudanaise n'a pas accès aux soins de santé. Seuls 25 % des fournitures médicales nécessaires sont disponibles dans le pays.
Au moins deux tiers des États connaissent des épidémies simultanées. « Plus de 11.000 cas de choléra ont été signalés, ainsi que des épidémies de paludisme et de dengue », a déclaré à Genève, Christian Lindmeier, porte-parole de l'OMS.
En outre, l'OMS est particulièrement préoccupée par les personnes qui n'ont pas accès aux soins médicaux nécessaires pour leurs maladies chroniques, telles que le diabète, l'hypertension, les maladies cardiaques et l'insuffisance rénale. Par ailleurs, l'OMS a soutenu les campagnes de vaccination contre la rougeole, le choléra et la poliomyélite, tout en apportant son soutien à la lutte contre la malnutrition.