Les images d'un occident triomphant face à l'envahisseur/colonisateur nazi reviennent toujours chaque 6 juin, jour du débarquement de Normandie en 1944. Pas pour les oubliés, ou relégués au rang de décor, comme les plus de 80 0000 tirailleurs malgaches des deux Grandes guerres.
Le paradoxe des tirailleurs africains de la Deuxième Guerre, ou la « force noire » selon le lieutenant-colonel raciste Charles Mangin, une fois de retour sur ses terres. Ils se confrontaient souvent à cette autorité d'occupation colonialiste française, motivés par la perte des milliers de ses compatriotes sacrifiés pour sauver la France, Paris et De Gaulle de l'occupation nazie. Logique patriotique, si bon nombre d'anciens combattants malgaches se sont retrouvés dans les rangs des résistants ayant choisi la voie des armes pour chasser l'envahisseur français de Madagascar.
Cet engagement a abouti au 29 mars 1947 et des mois de « pogrom » qui s'ensuivirent sur tout le territoire. Les premiers « recrutements forcés » d'hommes des colonies pour freiner l'Allemagne ont débuté en « 14-18 ». Une mécanique impitoyable alimentée en idéologie par des hommes tels Adolphe Messimy déclarant dans le journal Matin en 1910. « L'Afrique nous a coûté des monceaux d'or, des milliers de soldats et des flots de sang. L'or, nous ne songeons pas à le réclamer, mais les hommes et le sang, elle doit nous les rendre avec usure ». Saluée par une grande partie de l'establishment métropolitain foncièrement raciste et paniquée. La dette de sang que l'Afrique doit payer, pour avoir défendu ses terres face à l'envahisseur « cocorico », coûte 10 000 hommes pour Madagascar lors de la Première Guerre.
Ce chiffre augmente à 40 000 soldats au fur et à mesure que les Français ont conscience sur le terrain de cette potentielle « chair à canon » des Africains. Et ce, pour une île rouge d'à peine 4 millions d'habitants. Se distingue alors la fameuse 12ème bataillon de tirailleurs malgaches par un affrontement aux portes de Paris, les historiens parlent de « bataille décisive » et la baptisent « seconde bataille de la Marne ». Dans les rangs malgaches se trouvaient le valeureux caporal Botomazava de Mananjary, tués durant un assaut, Mahazomora d'Antananarivo, Joseph Rakoto d'Andranomaitso en terre du groupe humain Betsileo...
D'après les archives de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (Aefe), leurs dépouilles et celles d'autres tirailleurs de la Grande Île se trouvent au nécropole nationale des Champs dans l'Aisne, un genre d'Arlington à la française. Peu cités dans le programme scolaire malgache, ces héros malgaches sont tout autant soumis à la hiérarchie des valeurs historiques occidentales.
La Seconde Guerre éclate (1939-1945), les 14 675 tirailleurs malgaches sont jetés dans les tranchées. Aux côtés de 63 299 sénégalais, la « force noire » perd les deux tiers de ses effectifs dès le début des hostilités. Chez certains pays africains, les jeunes s'extirpant de l'engagement étaient exécutés pour servir d'exemple, la France applique les leçons de recrutement de la Première Guerre. Dans sa contribution « Les tirailleurs malgaches et sénégalais dans la résistance » pour « Hommes et Migrations » (2008), Maurice Rives annonce alors les premiers africains entrés dans la résistance.
À cause de la « débâcle », les Malgaches et les Sénégalais ont dû fuir et rejoindre des camps. « 5 000 d'entre eux rejoindront le maquis avant la Libération et combattront dans 38 départements » avec la Résistance. Ce qui confirme la présence réelle des « indigènes », parce que l'administration française les considéraient toujours comme tels, dans l'armée régulière et l'armée souterraine. « Ces tirailleurs militairement instruits, aguerris et disciplinés constituent un important vivier de combattants pour les Forces françaises de l'intérieur qui se créent », éclaire l'auteur.
En d'autres termes, des chairs à canon bien formés puisque les forces de l'intérieur étaient composées de citoyens formés à la va-vite. Parmi ces « chairs à canon », l'héroïsme de Justin Resokafany, emprisonné par les allemands, se rapprocherait des espions/soldats chasseurs de SS du film « Inglorious Bastards » (2009) de Quentin Tarentino. Beaucoup de ces tirailleurs malgaches, ceux qui ont pu rentrer sain et sauf à Madagascar ont été confrontés à l'occupation française et à ses restrictions. La même situation qu'ils ont combattu pour la France.
Les Malgaches subissent l'accaparement des terres et des quartiers commerciaux, privilège blanc exacerbé, humiliation en tout genre... Tsaralalana et ses magasins de tissus à Antananarivo ont été spoliés de force par les colons puis passés à la communauté indienne, habile opportuniste, à la veille de l'indépendance. La condamnation à mort devant la gare Soarano d'un propriétaire d'une boutique du quartier, révolté après avoir été aspergé d'urine par une française soi-disant cliente a été le déclencheur d'un des hold-up colonial riposté par une colère collective.