Après trois jours d'affrontements intercommunautaires qui ont occasionné plusieurs pertes en vie humaine, la vie a repris son cours normal dans cette localité.
Tout paraissait paisible, le 25 mai, à Gbon. Cette localité de 32 189 âmes située dans la région de la Bagoué est redevenue calme.
Il y a une dizaine de jours pourtant, ses ruelles et la voie internationale reliant Boundiali, son chef-lieu de région, à Bamako, ont été le théâtre de violents affrontements entre des chefs du bois sacré sénoufo et l'une des cinq grandes familles malinké vivant dans la cité. Ces heurts semblent loin derrière. Les petits commerces en bordure des routes ont rouvert.
Les enfants et les femmes dont le rire avait été étouffé par la peur jouent et discutent librement, redonnant vie au village avec leurs éclats joyeux. Les grins (lieu de rencontre amicale autour du thé, Ndlr), autrefois témoins de vives tensions, accueillent à nouveau des conversations chaleureuses. Les anciens et les sages échangent des paroles de sagesse et de compréhension.
La localité de Gbon renoue avec la paix et la cohésion. Tous, autorités administratives, coutumières, guides religieux, cadres et élus, femmes, jeunes et enfants déplorent les incidents malheureux qui ont secoué la ville, du 15 au 17 mai dernier, causant la mort de trois personnes et faisant une dizaine de blessés par balle.
« Que ce que nous avons vécu ici à Gbon ne se reproduise nulle part ailleurs en Côte d'Ivoire. Nous regrettons amèrement ce qui s'est passé et ne souhaitons que la paix. Que ce qui s'est passé reste dans le passé. La justice fera son travail... », exprime, des trémolos dans la voix, Mamadou Sanogo, responsable des jeunes du quartier malinké victime des affrontements. « Nous voulons retrouver notre vie d'avant. Que chacun enterre la hache de guerre », poursuit-il à l'endroit de ses frères du quartier.
Tout comme lui, les chefs coutumiers et les autorités administratives de la localité n'ont qu'un seul mot sur les lèvres : pardon. « Nous n'avons jamais vécu une telle situation à Gbon. Nous regrettons ce fait. Nous présentons des excuses à toute la Côte d'Ivoire. Pardon à la nation ivoirienne », supplie, pour sa part, le chef du village, Yanowa Koné.
« Nous continuons la sensibilisation à la paix et à la cohésion à l'endroit du quartier victime et des chefs des bois sacrés. Je demande à tous de laisser derrière ce qui s'est passé », dit Daouda Koné, le chef de canton.
Feu aux poudres
Selon le chef de canton, le chef du village et le sous-préfet Koffi Koffi Modeste, ce qui a mis le feu aux poudres, c'est une bagarre entre des jeunes qui a dégénéré en un affrontement communautaire.
En effet, le 15 mai, aux environs de 17h30, un jeune malinké a tenté de forcer le passage entre les masques des jeunes sénoufoqui se dirigeaient vers leur bois sacré. Ce dernier, à moto, a été blessé à la main gauche et son frère, venu à son secours, a reçu un coup de gourdin à la nuque. Ils ont été transférés au Centre hospitalier régional de Korhogo, mais celui qui a reçu un coup de gourdin à la tête est décédé.
Alertés, de nombreux jeunes de son quartier, armés de gourdins et de machettes, ont décidé d'en découdre avec les jeunes sénoufo. En colère, ils ont incendié trois sites de bois sacré (lieu où se fait l'initiation au Poro) des Sénoufo. S'ensuivirent des affrontements qui ont occasionné deux autres morts et une dizaine de blessés par balle. Les trois personnes décédées ont été enterrées le 22 mai.
Quant aux blessés, ils ont regagné leurs différentes familles après avoir reçu des soins au Centre hospitalier régional de Korhogo. Sauf l'un d'entre eux qui, dans un état très critique, a été évacué au Centre hospitalier universitaire de Bouaké.
Selon le sous-préfet, il est toujours dans le coma. Concernant les personnes responsables de ces troubles, elles ont été interpellées par la gendarmerie et devront répondre de leurs actes devant la justice.