Congo-Kinshasa: «Les enfants sont devenus la cible des belligérants», alerte le prix Nobel de la paix Denis Mukwege

Vendredi 7 juin s'est achevé à Angers, dans l'ouest de la France, le Congrès de la chaire internationale Mukwege, du nom du gynécologue congolais Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018. Pendant trois jours, des chercheurs, médecins et acteurs de terrain ont partagé leurs recherches sur les violences sexuelles commises contre les enfants dans les zones de conflit. Un constat alarmant ressort : les violations graves à l'encontre des enfants en contexte de guerre, qui incluent les violences sexuelles, augmentent.

« Dans la grande majorité des conflits modernes, les enfants sont devenus la cible des belligérants », a déclaré le docteur Denis Mukwege au cours de ce congrès. En effet, selon l'Unicef, le nombre de violations graves contre des enfants dans les zones de conflit n'a cessé d'augmenter chaque année entre 2005 et 2022.

Enlèvement, enrôlement dans des groupes armés ou encore violences sexuelles, plus de 300 000 cas de violations ont été officiellement recensés sur cette période. Mais le bilan est largement sous-évalué. La plupart des victimes préférant taire les sévices subis par peur de représailles ou de la stigmatisation. D'après les dernières données disponibles, trois quarts des victimes de ces violations sont des garçons, le plus souvent recrutés dans des groupes armés. Les victimes de violences sexuelles sont, elles, à 98% des filles.

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Dans un récent rapport, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a dénoncé l'utilisation en toute impunité de ces violences sexuelles comme tactique de guerre, de terrorisme et de torture par des groupes armés à la fois étatiques et non étatiques en citant notamment le cas de la Centrafrique, du Soudan et de la République démocratique du Congo.

Dans les zones en conflit, de nombreux enfants issus de viols sont aussi rejetés par leurs communautés et sont victimes d'abus. Pierrot Chambu, professeur en droit international à l'Université officielle de Bukavu, est intervenu sur la question de la protection juridique de ces enfants en République Démocratique du Congo. Il décrit la stigmatisation dont ils font l'objet : « Comme leurs mères, ils sont rejetés, traités d'enfants serpents, d'enfants rebelles. Certains de ces enfants se retrouvent affiliés à des groupes armés. Ils deviennent ainsi des enfants victimes, mais aussi des enfants bourreaux. »

Je suis en train de répondre à des questions qui doivent être prise en compte par le droit, mais qui nécessite une approche interdisciplinaire, c'est-à-dire voir comment des psychologues peuvent accompagner la réinsertion sociale de ces enfants

Guilhem Fabry Au cours du congrès à Angers, la magistrate camerounaise Claude Winnie Pefolé a soulevé la délicate question du jugement des mineurs auteurs de violences sexuelles dans les zones en conflit au Cameroun. Dans les régions du sud-ouest et du nord-ouest anglophones du Cameroun, miné par le conflit entre l'armée et des groupes séparatistes, ou dans l'extrême nord du pays en proie aux violences de Boko Haram, des cas de mineurs auteurs de violences sexuelles ont été enregistrés dans les tribunaux ces dernières années, selon la magistrate Claude Winnie Pefolé. « Le contexte de crise à ceci de particulier qu'il exacerbe la violence. Ça veut dire qu'à cause de la crise, à cause de l'instabilité socio-politique, les mineurs sont beaucoup plus prompts à se verser dans les comportements belligérants, parmi lesquels les offenses sexuelles qui sont dirigées contre les populations civiles. »

Claude Winnie Pefolé plaide pour des études poussées du comportement des victimes au Cameroun afin de prévenir les passages à l'acte criminel et ainsi enrayer le cycle des violences.

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