Ile Maurice: D'autres cadeaux à venir avant les élections...

«Nanye pann bese apart gaz», se lamente d'emblée Annuella, une employée issue de la classe moyenne. Cette déception est l'arbre qui cache la forêt.

À l'issue du discours budgétaire, des milliers de Mauriciens se sont sentis délaissés, surtout ceux qui s'attendaient à une baisse du prix de l'essence, à un contrôle des prix des denrées alimentaires ou à une réduction du taux directeur. Pas un mot non plus sur le réalignement salarial promis depuis mars. Cependant, selon des sources bien informées, ce n'est qu'une question de temps avant que ces demandes ne se concrétisent...

Le réalignement salarial était l'une des grandes attentes de la population. Surtout que depuis son introduction en 2018, le salaire minimum a augmenté à quatre reprises, fait remarquer Radhakrishna Sadien, président de la State Employees Federation (SEF).

«En 2021, le rapport du Pay Research Bureau (PRB) a rétabli les distorsions causées par l'introduction du salaire minimum. Mais par la suite, il y a eu d'autres augmentations sans révision des barèmes», avance le syndicaliste. Avec les différentes augmentations du salaire minimum, les compensations et allocations, le revenu minimum garanti est passé à Rs 18 500 en janvier dernier et il a atteint Rs 20 000 après le Budget de vendredi.

«C'est une bonne chose. Mais est-ce qu'on sait réellement l'impact que cela a eu sur les entreprises ? Il y a eu des licenciements et une exploitation qui ont suivi. Ce qu'il faudrait, c'est avoir une étude dessus.» Toujours est-il qu'après l'exercice budgétaire, c'était l'une des préoccupations principales de la population.

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«Where is the much anticipated salary readjustment ?»* se demand Visham sur lexpress.mu, alors que Denis résume la situation en affirmant qu'il n'y a pas de grandes différences entre les employés comptant plusieurs années de service et les nouveaux percevant le revenu minimum. Adila déplore, elle, que «ziska ler ena fonksioner ki so lapay ankor lor Rs 23 000 a 25 000 me saler minimum pe ogmante». Nivesha met le doigt sur le problème de l'âge.

«We have a serious aging population here also, where only the 26-50 age groups are facing the consequences, with the increasing high rates ! Ki mo fer la mwa ? Asiz trankil ?» Et dans la foulée, elle réitère que ceux qui sont déjà dans le monde du travail avec de l'expérience sont laissés pour compte.

Rapport attendu depuis mars

Comme le précise Radhakrishna Sadien, les salaires dans la Fonction publique sont toujours basés sur le rapport du PRB de 2022. Il y a des grades dont le salaire est moins que le salaire minimum désormais, et avec les allocations, la somme du revenu minimum est atteinte. «Sauf que si une personne part à la retraite, il part sur la base de son salaire, pas des allocations», fait-il ressortir.

De plus, cette situation crée une frustration dans le public et le privé, car il y a des personnes avec des décennies de ser vice qui touchent quelques milliers de roupies de plus que le revenu minimum. «Et il y a des postes qui affichent le salaire minimum alors que le travail mérite plus», fait-il ressortir. Le président de la SEF avance que ce réajustement est déjà prévu par la National Wage Consultative Council Act, qui prévoit que le PRB doit faire les réajustements salariaux à travers des décisions administratives.

«Le rapport est déjà prêt. Lorsque j'avais sollicité le bureau du Premier ministre sur cette affaire en octobre dernier, on m'avait répondu que l'affaire avait été référée au ministère du Travail et à celui de la Fonction publique. Maintenant, je ne comprends pas pourquoi on vient dire que cela prendra du temps», avance-t-il. De plus, le rapport avait été annoncé en mars dernier.

Narendranath Gopee, président de la Federation of Civil Service and Other Unions, a une explication à ce retard. «Gouvernman pe zwe ek travayer. Mo pa krwar ena pou pofinn rapor», lâche-t-il. Comme Radhakrishna Sadien, il avance que le rapport est déjà prêt. «Mais les mesures budgétaires s'effaceront dans quelques temps. Le gouvernement a gardé cela comme un appât électoral qu'il lâchera par la suite», dit-il. Il rappelle qu'il a déjà proposé des solutions simples dans le passé. La première étant de répercuter la distorsion de Rs 3 425 sur toute la grille salariale temporairement et de faire les réajustements dans le prochain rapport du PRB. La deuxième solution, selon lui, est de revoir toute la grille des salaires sous Rs 15 000.

Reeaz Chuttoo, porte-parole de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé, tient les mêmes propos. Selon lui, il n'est pas normal que le salaire d'un employé avec 30 ans de service soit presque similaire à celui d'une nouvelle recrue. «Cependant, ce n'est pas dans le Budget que le réalignement doit se faire, et il ne faut pas oublier qu'après le discours budgétaire, le Premier ministre et le ministre du Travail ont confirmé que cela arrivera très bientôt», fait-il ressortir, ajoutant même qu'il serait «suicidaire» pour le gouvernement d'aller aux élections avant de réaligner les salaires.

Rapport attendu depuis marcoût de la vie inchangé

Au-delà du réalignement, plusieurs autres préoccupations ont été mises de côté. Entre autres : le paiement d'un 14e mois, la baisse du prix de l'essence et un contrôle des prix sur les denrées alimentaires et les médicaments. Hisham avance que rien n'a été fait pour freiner la dévaluation de la roupie, ce qui entraînera des augmentations, alors que Jean, après le discours, s'est demandé où est le combat contre la vie chère.

Vinod estime, comme beaucoup d'autres, que les prix des carburants et des denrées alimentaires doivent baisser. «Pena okenn bes lor medsin, manze, lesans. (...) Gaz-la servi enn fwa par mwa sa, pa enn bel zafer sa Rs 50-la», lâche pour sa part Fardeen. Haniff Peerun, président de la Mauritius Labour Congress, résume la situation dans son analyse.

**«Il y a certes des mesures positives, mais la classe moyenne s'attendait à une baisse sur les carburants, sur lesquels, je dois le rappeler, il y a énormément de taxes.» Il avance qu'il n'y a rien eu concernant l'inflation non plus, ce qui fait que les salaires se déprécient malgré les augmentations.

«Et il n'y a rien eu pour développer les loisirs. Ce manque existe depuis toujours et est l'un des facteurs à la source des fléaux comme la drogue», dit-il. Dans la foulée, il rappelle que Maurice est un pays laïc, et que ce n'est pas à l'État de subventionner les pèlerinages religieux et les associations socioculturelles. «Ce mélange de politique, de social et de religion est très mauvais pour le pays.»

Mais il semble que le gouvernement a encore quelques tours dans son chapeau. Dans sa séance de questions réponses face à la presse, hier matin, Renganaden Padayachy a encore une fois affirmé que les consultations en marge du réalignement salarial sont en cours. Le rapport pour le secteur public, a-t-il ajouté, sera présenté «bientôt» et les négociations débuteront avec le privé. Il nous revient aussi que la question d'un 14e mois pourrait également devenir une réalité, tout comme une baisse des prix des carburants. «Pa kapav donn tou kado enn sel kout, bizin fer labous dou tikou-tikou ziska eleksion...» conclut un observateur politique averti.

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