Sa boutique fait à peine 20 m² mais les produits qui y sont référencés dépassent largement le millier sinon plus. La devanture ne se différencie pas des autres échoppes, une grille qui le couvre des chapardeurs, c'est sa seule assurance qui le garantit des pertes d'exploitation sinon sa gestion est parfaite à faire pâlir les sortants des grandes écoles de commerce.
La première remarque qui vient à l'esprit d'un nouveau venu est de voir que peu d'articles ont d'étiquettes de prix, en effet, à part celui du riz qui fait l'objet de contrôles fréquents des agents de l'Etat, sinon, pour les autres marchandises, notre épicier les connaît par coeur et puis, à quoi bon se dit-il puisque la valse des prix est telle qu'il serait obligé de les changer tous les jours.
Donc, pour chaque article en plus du prix, il sait qui le fournit et combien est son prix de revient et par conséquent la marge qu'il perçoit. Pour ce faire il n'a ni fiche de stock encore moins d'ordinateur et il en est ainsi pour tout ce qu'il vend. Il est rare qu'il les oublie ou qu'il se trompe idem pour sa femme qui travaille avec lui.
Ses clients lui font confiance car ils savent qu'il agit dans les règles de l'art. Côté clients justement, il n'a pas suivi des cours de marketing, mais il connaît ses besoins, pour un client fumeur, par exemple, il n'a qu'à tendre la monnaie et dire « sigara » pour qu'il lui donne sa marque préférée, l'autre jour, un monsieur ne se souvenait pas de la marque de la bouteille d'huile que sa femme lui a demandé d'acheter et voilà que notre épicier lui donne la dite huile en disant « c'est ce que votre dame prend habituellement ». Les épiciers de quartier ne peuvent échapper aux demandes de crédit et sa boutique n'y déroge pas.
Les carnets de bon s'amoncèlent dans un coin prévu à cet effet mais curieusement il a peu d'insolvables puis il y a ceux qui habituellement « oublient » leur porte-monnaie mais règlent leurs achats au plus tard le lendemain et bien les relations de confiance qu'il a tissées avec eux sont si fiables qu'il les dispense de carnet de bon. Les habitués des grandes surfaces voient certainement ces employés (les marchandiseurs) qui à travers les rayons pianotent des machines pour vérifier la situation des articles des étagères ou changent les étiquettes de prix, notre épicier n'en a pas besoin, il a tout dans sa tête.
Puis il y a ces étudiants en gestion qui font des voyages soi-disant d'études qui ne sont en fait que des vacances à la mer, ils devraient plutôt apprendre auprès de leurs voisins épiciers comment faire et s'enrichir dans le métier. La preuve derrière leur échoppe de 20m², ils ont bâti souvent un immeuble de 3 étages ou comme beaucoup ils ont déjà érigé de grandes maisons à Manalalondo ou Imerin'Imady « bourgades » d'où ils viennent pour la plupart. Enseignants revoyez vos syllabus