Mali: Le mouvement social lancé suite à l'incarcération d'un leader syndical s'amplifie

Au Mali, le mouvement social s'amplifie : la colère des syndicats ne faiblit pas depuis l'incarcération, le 5 juin, d'Hamadoun Bah, Secrétaire général du Syndicat des banques et assurances (Synabef) et numéro 2 de l'UNTM, première centrale syndicale du pays. Après trois journées de grève très suivies la semaine dernière, le Synabef a reconduit son mouvement, cette fois de façon illimitée, « jusqu'à la libération » d'Hamadoun Bah. Le journaliste malien Yeri Bocoum a par ailleurs été interpellé le 8 juin après avoir couvert une manifestation de l'opposition.

Les banques, assurances, établissements financiers mais aussi les stations essence du Mali sont encore largement paralysés ce 10 juin. Pas de pénurie de carburant cependant, certaines stations restant ouvertes, selon les témoignages recueillis par RFI. Mais cette grève pénalise fortement les usagers et l'économie du pays.

Plusieurs syndicats des secteurs du transport, des collectivités territoriales, des postes et télécommunications, de la métallurgie ou encore de la construction, des mines et de l'énergie, apportent désormais leur soutien à ce mouvement social. Sans rejoindre la grève, pour le moment, ils font part de leur mobilisation contre ce qu'ils considèrent comme une attaque contre la liberté syndicale.

Hamadoun Bah a été placé sous mandat de dépôt mercredi pour « faux et usage de faux » dans une affaire de rivalité syndicale interne. Mais le syndicaliste qui avait attaqué Hamadoun Bah en justice a finalement retiré sa plainte. Pour faciliter sa libération, par souci d'apaisement ? L'intéressé n'a pas souhaité commenter ce « dossier judiciarisé » mais il confirme à RFI que le retrait a bien été réceptionné par la justice malienne, dès jeudi dernier.

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Quatre jours plus tard, Hamadoun Bah n'a pas été libéré pour autant : de source judiciaire, ce retrait de plainte ne met pas fin à l'action du ministère public (le Parquet) et le dossier judiciaire n'est donc pas clos.

Dans les rangs des syndicats, on estime que les raisons de l'arrestation d'Hamadoun Bah sont à chercher ailleurs : dans ses activités militantes, d'abord, et dans des déclarations récentes sur la corruption de la justice malienne notamment. Les autorités de transition n'ont fait aucune déclaration depuis le début de cette affaire qui fait les gros titres de la presse nationale depuis cinq jours.

Un journaliste interpellé

Par ailleurs, un journaliste malien a été interpelé ce week-end après avoir couvert une manifestation de l'opposition. Yeri Bocoum est le promoteur de la Web TV YBC. D'après son entourage, il a été violemment embarqué par plusieurs hommes en civil samedi vers 13 h, devant son domicile et à bord de son propre véhicule. Depuis, ses proches n'ont plus réussi à le contacter et font part à RFI de leur immense inquiétude. Yeri Bocoum avait couvert la manifestation d'opposition organisée par la Synergie d'action pour le Mali vendredi dernier à Bamako. Il avait ensuite publié des messages sur les réseaux sociaux dans lesquels il se disait suivi par « des individus mal intentionnés ».

Une source sécuritaire malienne confirme à RFI sa détention par la sécurité d'État. Cette source explique que le journaliste avait été « avisé » qu'il ne devait pas couvrir la manifestation (pour rappel, les activités politiques des partis et associations du Mali sont interdites depuis tout juste deux mois). Le cas du journaliste détenu n'a pas été transmis à la justice à ce stade. La manifestation de vendredi dernier s'était déroulée sans heurts et sans qu'aucun manifestant ne soit arrêté. Elle n'avait rassemblé que quelques dizaines de personnes : un échec aux yeux des soutiens des autorités de transition, un succès pour les organisateurs qui rappellent que cette manifestation était une première et qui saluent le « courage » des manifestants ayant bravé le risque de répression.

La Synergie d'action pour le Mali fait aujourd'hui part de sa « profonde consternation » après l'« enlèvement » du journaliste Yeri Bocoum et estime dans un communiqué que « la sécurité des citoyens et la liberté d'expression sont des principes fondamentaux qui ne sauraient être bafoués ».

Mouvement social au Mali: «C'est le début et ça va continuer», assure le magistrat Cheick Mohamed Cherif Koné Le magistrat Cheick Mohamed Cherif Koné, actuellement en exil, est coordinateur de la Plateforme d'opposition Appel du 20 février et Premier ministre de l'auto-proclamé gouvernement de transition en exil. « Ce mouvement est tout à fait légitime, et il s'adresse au pouvoir en place, assure-t-il au micro de David Baché.

Si aujourd'hui il y a des soulèvements, c'est qu'il y a un abus. La grève des banquiers, ce n'est pas parce que le monsieur qui fait l'objet de la mesure de privation de liberté [le leader syndical Hamadoun Bah, NDLR] est au-dessus des lois, mais parce qu'il y a des principes qui sont foulés aux pieds. On ne voit plus le principe de la présomption d'innocence, c'est plutôt la présomption de culpabilité que nous voyons ! Et la liberté est la règle en matière pénale, mais aujourd'hui c'est la détention systématique que nous voyons ! Le régime ne veut pas que les gens parlent. Donc, ce mouvement, c'est le début et ça va continuer. Le peuple est aujourd'hui décidé en à en découdre avec cette dictature ». Interrogé sur le fait d'appeler à la suite et à l'amplification de ce mouvement de protestation pour les personnes qui sont au Mali tout en étant exilé, Cheick Mohamed Cherif Koné répond : « Nous ne voulons pas exposer ceux qui sont à l'intérieur, et c'est ce qui explique justement la mise en place d'un gouvernement de transition en exil. C'est pour continuer cette résistance. Nous sommes complémentaires et nous communiquons beaucoup. »

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