Assemblées annuelles 2024 de la Banque africaine de développement - Atténuer le risque de change dans le financement énergétique doit passer par un nouveau mécanisme financier (experts)

6 Juin 2024
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African Development Bank (Abidjan)
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Repenser la manière dont les projets d'énergie propre sont financés en Afrique : cette problématique était au coeur des débats qui ont animé une session organisée jeudi 30 mai 2024 par le Groupe de la Banque africaine de développement dans le cadre de ses Assemblées annuelles 2024 à Nairobi.

Le panel, modéré par Wale Shonibare, directeur des solutions financières, de la politique et de la régulation de l'énergie à la Banque, était composé de Maureen Hinda-Mbuende, ministre déléguée des Finances de Namibie, Amadou Hott, envoyé spécial du président du Groupe de la Banque pour l'Alliance pour l'infrastructure verte en Afrique (AGIA), Demba Diallo, directeur exécutif et responsable du développement de projets chez Africa50, et Auguste Claude-Nguetsopde, associé et responsable du conseil au secteur bancaire de KPMG en Afrique du Sud.

« La transition énergétique demeure une priorité pour le développement de l'Afrique, mais elle pâtit d'un déficit de financement (...) Le problème vient notamment de la volatilité des taux de change qui reste une préoccupation pour les investisseurs », a alerté, à l'ouverture de la session, Kevin Kariuki, vice-président du Groupe de la Banque chargé de l'Électricité, de l'énergie, du climat et de la croissance verte.

« Pour garantir la stabilité aux investisseurs, faciliter les emprunts et réduire les risques monétaires, nous avons besoin d'un mécanisme transparent et bien gouverné si nous n'avons pas de monnaie commune », a ajouté M. Kariuki.

Demba Diallo a témoigné en écho aux propos du vice-président Kariuki : « Les investisseurs d'Africa50 ont subi de plein fouet les dévaluations de plusieurs devises africaines, à l'image de celle du naira nigérian. Si on peut réduire ce risque de change, on réduit les coûts et on a un meilleur rendement par projet. »

Wale Shonibare a indiqué qu'il était nécessaire d'investir 200 milliards de dollars par an pour que l'Afrique atteigne ses objectifs en matière d'énergie et de climat d'ici à 2030. Ces investissements étaient inférieurs à 90 milliards de dollars en 2022.

« Les pays africains doivent accroître leur épargne nationale et mettre en commun leurs ressources naturelles afin de pouvoir s'appuyer sur ces ressources pour lever les fonds nécessaires à leurs investissements dans l'infrastructure énergétique. Cela nécessite un changement de paradigme dans le financement des projets en Afrique », a-t-il appelé.

Pour cela, trois facteurs clés sont à prendre en compte : premièrement, l'accès à un financement durable à long terme qui atténue le risque de change et préserve le caractère abordable des tarifs de l'électricité dans un contexte où 600 millions d'Africains n'ont toujours pas accès à l'électricité ; deuxièmement, la mise en commun et l'exploitation de leurs richesses pour flécher les investisseurs internationaux vers des projets qui rapportent de la monnaie locale sans avoir besoin de garanties gouvernementales ; troisièmement, la richesse du continent en minéraux rares, qui sont essentiels pour de nombreuses technologies d'énergie propre et devraient créer de nouveaux marchés d'exportation.

Le continent abrite, à l'échelle mondiale, 60 % de la capacité solaire et 50 % de l'éolien ainsi que 71,4 % du cobalt, 76 % du platine et 58 % du manganèse. Pourtant, l'Afrique n'attire actuellement que 3 % des investissements mondiaux dans l'énergie et 2 % dans les énergies vertes.

Dans ce contexte, les pays africains pourraient éviter d'emprunter à long terme en devises fortes pour des projets d'infrastructure, qui génèrent des revenus en monnaie locale, et mettre ainsi en commun leurs ressources naturelles pour faciliter les emprunts en unités de compte africaines. Ces unités de compte seraient échangeables contre des devises internationales, tout en maintenant la stabilité par rapport aux monnaies locales africaines, selon l'avis partagé des panélistes.

Si la plupart des pays du continent sont tributaires d'une dette en devises fortes qui leur fournit le capital nécessaire à leur développement, cela expose également les promoteurs de projets à un décalage important entre les devises et à des risques de change difficiles à couvrir, qui peuvent avoir de lourdes répercussions sur les coûts énergétiques nationaux. Bien que des couvertures de change existent, elles peuvent être coûteuses et font défaut pour les monnaies de nombreux pays africains, en particulier à long terme, à faible coût et à grande échelle pour soutenir les investissements nécessaires en matière d'énergie propre.

« Il est absolument nécessaire d'engager l'ensemble des parties prenantes pour créer un mécanisme financier permettant aux pays africains d'atténuer le risque de change dans le financement des infrastructures énergétiques », a exhorté Maureen Hinda-Mbuende.

« Si nous voulons sortir l'Afrique de la pauvreté, nous devons non seulement mettre nos ressources en commun mais aussi agir sur la détermination des prix. Beaucoup de nos ressources quittent notre continent sans que nous ne connaissions leur valeur réelle », a souligné la ministre namibienne dont le pays est riche en terres rares.

« Les pays africains n'ont pas conscience des immenses richesses qu'ils possèdent. Emprunter sur la base d'un panier de devises leur serait bénéfique, et s'ils mutualisent leurs ressources, cela portera ses fruits », a estimé Auguste Claude-Nguetsopde.

« Nous savons que nous avons d'immenses richesses en termes de produits de base sur le continent. Commençons par examiner les ressources de chacun de nos pays et étudions comment nous pouvons en tirer parti au mieux », a conclu Amadou Hott.

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