Madagascar: Que faut-il lire dans la loi de finances rectificative votée de manière expéditive?

Ce lundi 10 juin 2024, les quelques députés malgaches présents à l'Assemblée nationale ont voté en 30 minutes, à l'unanimité et sans amendement, le projet de loi de finances rectificative. Un texte pourtant hautement explosif et intrigant par ses coupes budgétaires tous azimuts et qui avait été présenté par le gouvernement aux députés vendredi 7 juin seulement.

À Madagascar, sur les 151 députés que compte l'Assemblée, ils étaient 64 à être présents ce lundi pour le vote. Le fort taux d'absentéisme a été expliqué en partie par un conflit d'agenda : au moment du vote, les députés candidats à leur réélection étaient nombreux à ficeler in extremis leur dossier de requête à déposer avant 15 heures le même jour, auprès de la Haute Cour constitutionnelle.

Dans l'assistance, des pro-régime, mais aussi quelques opposants. Tous pourtant ont voté à l'unanimité le texte, de manière expéditive et sans débat, alors qu'ils avaient 30 jours pour pouvoir l'étudier, de quoi décevoir une fois encore la société civile, qui s'attendait comme chaque année à plus d'analyse de la part des élus.

Pour Hony Radert, spécialiste des projets de loi de finances au sein du Collectif des Citoyens et des organisations citoyennes, le texte est entouré de zones d'ombres.

« Dans l'absolu, c'est une bonne chose de réduire les dépenses. Mais aujourd'hui, à Madagascar, on a besoin d'investissements dans les secteurs prioritaires. Le gouvernement a dit qu'il allait prioriser le capital humain et c'est une bonne chose. Mais ce qui nous chiffonne, c'est de voir que l'État ne va pas recruter au niveau de l'enseignement ou pour la santé, mais a décidé de maintenir les recrutements au niveau des forces de l'ordre. Quand on nous dit que l'on n'aura pas de recrutement alors que l'on sait que l'on manque cruellement d'effectifs au niveau des médecins, au niveau des enseignants. Pour nous, cela signifie que ce sera encore un manque à gagner au niveau du développement des enfants et donc au niveau du développement du pays. »

La baisse considérable des investissements externes

Autre source d'inquiétude : la baisse considérable des investissements externes, autrement dit les subventions, les dons ou les emprunts auprès des PTF, les partenaires techniques et financiers. « Pourquoi est-ce qu'il y a eu ces fortes diminutions ? Est-ce que l'on a aujourd'hui un manque de confiance de la part des bailleurs envers l'État ? On ne sait pas. On doit poser des questions. Mais ce sera à l'État et aux PTF de nous répondre pour que l'on sache aussi où va le pays », ajoute Hony Radert.

La société civile se questionne également sur l'augmentation sans précédent du budget attribué au secteur de l'énergie, « dédié a priori à la Jirama », rappelle Hony Radert. Jusqu'à quand les citoyens malgaches vont-ils devoir subventionner la société publique, aux dettes abyssales ? « Aujourd'hui, on n'a pas de plan de relance clair ni transparent sur la durée ou les montants à engager. Nous devons réclamer cette transparence aux autorités par rapport à cela », souligne l'experte en loi finances publiques.

RFI a tenté de contacter une dizaine de députés présents lors du scrutin. Aucun n'a souhaité répondre. Le texte doit passer au vote aujourd'hui au Sénat.

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