Au Mali, au lendemain de la libération du syndicaliste Hamadoun Bah, sous pression des syndicats et de la présidence, on apprend l'« enlèvement » dans sa cellule du colonel-major Kassoum Goïta. Détenu depuis près de trois ans, cet ancien directeur de la sécurité d'État est soupçonné, avec cinq co-accusés, de tentative de coup d'État. Dans un communiqué diffusé le 10 juin 2024, ses avocats s'inquiètent de son transfèrement vers un lieu inconnu, en dehors de tout cadre judiciaire.
Cela fait plus de dix jours qu'ils n'ont eu aucun contact avec le colonel Kassoum Goïta, aucune information sur ce qu'il est devenu. Ses avocats révèlent que l'ancien directeur de la sécurité d'État, jusqu'ici détenu au Camp 1 de la gendarmerie de Bamako, « a fait l'objet d'enlèvement de sa cellule de détention par des éléments étrangers au système judiciaire ». Dans la nuit du jeudi au vendredi 31 mai, ce « déplacement nocturne et non-officiel » a eu lieu « à l'insu du procureur général » qui n'a pu fournir aucune explication.
Innocence
Le colonel Kassoum Goïta avait déjà été enlevé à l'automne 2021 par les services maliens de renseignement, en même temps que l'ancien secrétaire général de la présidence, Kalilou Doumbia - il avait occupé ce poste sous la présidence de Bah N'Daw, dans la première période de la transition malienne - et que quatre autres personnalités. Soupçonnés de tentative de coup d'État, tous clament leur innocence.
Plainte sans suite
Avant que leur cas soit transmis à la justice, les six hommes avaient passé deux mois dans les geôles secrètes de la sécurité d'État où ils avaient subi des tortures particulièrement atroces, documentées par l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch. Leurs avocats avaient osé porter plainte en décembre 2021 pour « associations de malfaiteurs », « torture » et « vol » contre l'actuel directeur de la sécurité d'État, le colonel Modibo Koné, l'un des cinq militaires auteurs du coup d'État d'août 2020. Cette plainte n'a jamais connu aucune suite.
Deux des six co-accusés, dont l'ex-secrétaire général de la présidence, Kalilou Doumbia, avaient bénéficié d'un non-lieu partiel il y a deux ans, mais la Cour suprême s'était opposée à leur remise en liberté.
Aujourd'hui, les six prévenus réclament une date pour leur jugement. Leurs avocats rappellent aux autorités judiciaires « leur devoir de garantir l'intégrité des détenus », demandent « aux plus hautes autorités politiques » d'assurer « le respect de la séparation des pouvoirs », et appellent « à un sursaut de la magistrature pour imposer le respect de son indépendance ».