Au Ghana, pendant un mois se déroule un festival, dont Radio France internationale (RFI) est partenaire, en l'honneur du premier photoreporter du pays, James Barnor. Au programme, des ateliers, des concerts et des expositions de ses photos : une quinzaine au total, retraçant plus de 60 ans de carrière, du Ghana au Royaume-Uni. Aujourd'hui internationalement reconnu pour avoir immortalisé les moments clés de l'indépendance de son pays, il s'est aussi fait connaître pour une chose : raconter le quotidien des femmes ghanéennes et de sa diaspora. Reportage.
En poussant la porte de l'Institute Museum of Ghana, un cliché saisit instantanément : une femme, coupe au carré des années 1960 et robe turquoise, posant devant le premier studio photo couleur d'Accra, des bidons d'eau multicolores à ses pieds et dans ses mains. Le cliché d'une femme, mais, surtout, d'un regard.
« Son regard oui, qui dit "Me cherche pas !" ». Sally Eba Polley est celle en charge de cette exposition Bold, partie intégrante du James Barnor Festival.
« Cette exposition permet aux hommes d'avoir un aperçu de l'état d'esprit des femmes »
Années 1950, 1960, à Accra ou Londres, en noir et blanc ou en couleur : sur la quinzaine de photos sélectionnées, un même thème revient. Celui de l'émancipation des femmes ghanéennes. « On voit ici la position importe qui était occupée par les femmes de la sphère ghanéenne, décrit Sally Eba Polley. Dans chaque image, on retrouve une idée de pouvoir, cette idée qui dit : "Je suis là pour occuper l'espace". Cela, je pense que le travail de James Barnor l'illustre parfaitement ».
Modèles, femmes d'affaires, soldates, icônes : toutes sont passées devant l'oeil du photographe ghanéen. Un regard toujours d'actualité, soixante ans plus tard. « Il y a toutes ces fausses idées, cette propagande sur les relations entre les hommes et les femmes, insiste Sally Eba Polley. Cette exposition permet aux hommes d'avoir un aperçu de ce que peut être l'état d'esprit des femmes, de se plonger dans des archives qui parlent de ce que nous sommes aujourd'hui ».
L'exposition James Barnor, du 31 mai au 8 juin 2024 à Accra au Ghana, présente le parcours du photographe ghanéen qui fête ses 95 ans, avec près de 40 000 images du Ghana, des années 1950 aux années 1970.
James Barnor Festival: une exposition également consacrée à des oeuvres de jeunes photographes ghanéens Si le travail de James Barnor a par ailleurs autant traversé les époques, c'est aussi parce que le photographe porte en son coeur l'art de la transmission. Une transmission à l'oeuvre au sein même du festival : 16 jeunes photographes ghanéens, venant de tout le pays, ont rassemblé leurs clichés inspirés du travail de leur mentor dans une seule et même exposition.
James Barnor revient sur l'origine de ce projet : « Ma manager, à Paris, trouvait que les photographes ghanéens n'étaient pas connectés avec mon travail. J'ai par exemple une fondation qui offre des prix chaque année. Mais lors de la première édition, je n'ai pas souvenir que des photographes ghanéens aient candidaté. Ma manager voulait donc que tout le monde participe, et ça, c'est une idée formidable. Et je pense qu'on est en train de réussir ! »
Le photographe poursuit : « Une fois que l'on a rassemblé plusieurs personnes ensembles, seize photographes qui travaillent chacun à leur manière avec leur propre expérience et qui produisent quelque chose, c'est un point de départ ! C'est pour cela que j'appelle cet événement un festival, et non pas l'anniversaire de James Barnor [il a fêté ses 95 ans le 6 juin 2024, NDLR], ou l'exposition de James Barnor, ce qui aurait eu peu d'impact au final : une exposition, on y va, on y sort, et puis c'est tout. Ce festival, c'est un événement qui va nous faire avancer, et c'est pour cela que ça me plaît beaucoup. »