Mauritanie: Le pays, nouveau point de départ pour l'Europe

La route migratoire pour rejoindre les îles Canaries passe de plus en plus par la Mauritanie, que l'UE tente de soutenir dans sa lutte contre la migration clandestine.

Les arrivées sur l'archipel espagnol des Canaries sont en très forte augmentation depuis le début de l'année et les départs se font souvent depuis la côte mauritanienne.

L'Union européenne tente, en vain, de contrer cette tendance en soutenant les autorités de Nouakchott dans leur lutte contre les départs clandestins.

Lala a grandi au Sénégal, avant de vivre en Mauritanie. Elle est déterminée à rejoindre l'Europe un jour.

Elle avait fini par réunir suffisamment d'argent pour monter à bord d'une pirogue, ces bateaux de pêche traditionnels utilisés par les passeurs pour effectuer la traversée de l'océan Atlantique.

Lala a embarqué à Nouakchott, la capitale mauritanienne, à destination des îles Canaries, un archipel espagnol situé au large du Maroc.

Elle se souvient d'être montée à bord avec "toutes sortes de nationalités. Des Maliens, des Camerounais, des Nigérians, des Mauritaniens, des Sénégalais". Selon elle, la police mauritanienne a elle-même accompagné le groupe vers la plage.

Des bateaux surchargés

"Tout le monde n'a pas pu monter à bord parce que nous étions très nombreux, plus d'une centaine de personnes. Seules 80 personnes ont eu la chance de monter", raconte-t-elle. Selon Lala, la pirogue n'était pas prévue pour plus de 20 personnes.

"J'ai vu des gens qui devenaient presque fous. Les gens se battaient, mais les capitaines ont de grands couteaux, ils vous menacent et vous disent de vous taire ou ils vous laissent sur la plage. Ils ne plaisantent pas".

Après quatre jours en mer, à la dérive et sans carburant, le groupe s'échoue sur une plage au nord de la Mauritanie, à plus d'un millier de kilomètres de sa destination finale. Il est intercepté par la police.

Lala, en tant que Mauritanienne, est relâchée. Les passagers étrangers seront expulsés du pays. "Depuis mon retour, je n'ai pas réussi à dormir. Quand je dors, j'ai l'impression d'être encore dans le bateau qui tangue sur la mer", explique Lala à la DW.

Malgré cette expérience douloureuse, elle envisage de retenter sa chance.

L'accord entre l'UE et la Mauritanie

Pour freiner les arrivées, l'Union européenne (UE) mise depuis des années sur des accords de coopération avec les pays de départ.

Mais Bruxelles peine désormais à trouver un terrain d'entente avec la Tunisie ou le Niger, qui permettaient par le passé de réduire les départs vers l'Europe.

En avril, l'UE a accordé une aide de 210 millions d'euros à la Mauritanie, dont près de 60 millions doivent servir à la lutte contre l'immigration clandestine vers l'Europe.

Rien qu'entre janvier et mars de cette année, près de 12.400 migrants ont débarqué sur l'archipel espagnol. Ils étaient environ 2.200 au cours de la même période l'an dernier.

Plus de 80% des bateaux seraient partis ou ont transité par la Mauritanie.

De nombreux migrants, originaires pour la plupart des pays du Sahel et du golfe de Guinée, choisissent Nouadhibou, sur la côte nord-ouest de la Mauritanie, pour embarquer.

La ville est devenue un carrefour migratoire et une ville de transit. Sur les 140.000 habitants, quelque 30.000 sont des migrants.

Nouadhibou, ville de transit

Ali, un pêcheur de Nouadhibou, a vu comment l'espoir de rejoindre l'Europe a poussé quelque 50 personnes à s'entasser en pleine nuit sur un bateau de pêche, conçu pour accueillir un équipage de six personnes.

Sur son téléphone, il montre des photos de migrants morts, échoués sur une plage.

"Regardez, quelqu'un m'a envoyé cette photo d'une personne morte. Ce sont des cadavres. Regardez, il y a un petit bébé ici", raconte-t-il.

Ainsi, c'est dans le port de Nouadhibou que les trafiquants d'êtres humains viennent acheter leurs pirogues.

Faciliter les démarches d'immigration légale

Pour le chercheur Tumenta Kennedy, expert en migrations, l'Europe doit supprimer les obstacles à l'immigration légale, notamment pour ouvrir ses portes à la jeunesse africaine.

"Se rendre en Allemagne, en France ou en Belgique pour étudier est un cauchemar", constate Tumenta Kennedy. "Non pas parce qu'on se fait refuser, mais parce qu'obtenir un rendez-vous pour passer par les moyens légaux, obtenir un rendez-vous dans les ambassades pour un entretien, est un cauchemar".

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