Congo-Brazzaville: Entre des riverains de Pointe-Noire et une entreprise de recyclage «la bataille devient rude»

Le cas de Metssa Congo, à Vindoulou, dans la banlieue de Pointe-Noire figure parmi les exemples choisis par Amnesty International dans son rapport « Dans l'ombre des industries en République du Congo », sorti le 4 juin. L'ONG appelle les autorités de Brazzaville à mieux garantir le respect des droits humains par les entreprises industrielles. L'usine de recyclage de métaux non-ferreux et de plastique poursuit ses activités. La suspension provisoire demandé en avril par le juge des référés a été retoquée fin mai par la Cour suprême, au grand dam des riverains qui craignent pour leur santé.

« La bataille devient rude », confesse Cyrille Traoré Ndembi, représentant du collectif de riverains de Metssa Congo Sarlu à Vindoulou. Il espérait l'application du principe de précaution et donc de l'ordonnance de suspension des activités de l'entreprise, le temps que la procédure sur le fond aboutisse devant le tribunal administratif. « La décision qui est prise, est une décision qui privilégie les intérêts industriels au détriment de la santé publique, déplore Cyrille Traoré Ndembi. Nous resterons exposés, parce que si nous allons vers une autre procédure, combien de temps cela va encore durer ? Cinq ans ? Dix ans ? Nous serons peut-être déjà morts ».

Selon Cyrille Traoré Ndembi, depuis que des prises de sang ont montré des taux de plombémie - marqueur de l'intoxication par le plomb - inquiétants chez plusieurs habitants vivant à proximité du site d'où s'échappent des fumées noires, « nous sommes nombreux à avoir perdu le sommeil ».

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« Des concentrations de plomb nettement supérieures aux niveaux considérés comme sûrs »

Metssa Congo a commencé ses activités à Vindoulou en 2013. Après plusieurs années de mobilisation, en mars 2023, les riverains se sont organisés pour que des échantillons de sang soient prélevés sur une vingtaine d'habitants vivant près de l'usine, dont de très jeunes enfants. Les prélèvements sont analysés dans un laboratoire français, avec le soutien de Amnesty et selon Samira Daoud, directrice du bureau régional pour l'Afrique de l'ouest et l'Afrique centrale de l'ONG, « tous les échantillons ont révélé des concentrations de plomb nettement supérieures aux niveaux considérés comme sûrs par l'OMS ».

Cependant, le conseil de l'entreprise Metssa Congo Sarlu, l'avocat André Bikindou, estime qu'il n'y a pas de preuves de la responsabilité de l'entreprise. « Jusqu'à ce jour, nous ne sommes pas en mesure de pouvoir établir un lien de cause à effet entre l'activité de ma cliente, la société Metssa Congo, et les prétendus dommages que prétendent subir les riverains », affirme celui qui est également le bâtonnier de Pointe-Noire.

Samira Daoud de Amnesty International répond qu'« il n'y a pas d'autres entreprises de recyclage de plomb dans les environs et que l'étude menée par le collectif est parfaitement crédible sur le plan scientifique ».

« Les riverains sont disponibles pour toute contre-expertise médicale », affirme Cyrille Traoré Ndembi, pour qui le plus problématique est, qu'en attendant l'avancement de la procédure judiciaire, les activités de Metssa Congo Sarlu continuent.

La seule voie est « une scientifisation des faits dans le cadre d'une enquête ordonnée par la justice », lance maître André Bikindou : « Ils [les riverains, NDLR] ont obtenu dans un premier temps la suspension des activités de ma cliente, Metssa Congo Sarlu. La Cour suprême, qui est la plus haute juridiction de notre pays, a annihilé l'effet de cette décision. Alors attendons les suites judiciaires. »

Le juge des référés auprès du tribunal administratif de Pointe-Noire avait ordonné en avril la suspension provisoire des activités de l'entreprise. Mais le 22 mai, la Cour suprême a retoqué la décision.

Selon Samira Daoud, vu le faisceau d'indices inquiétants sur l'impact sanitaire et environnemental de l'entreprise Metssa, la suspension temporaire ordonnée par le juge des référés aurait dû être appliquée : « Si on demande la suspension temporaire en attendant que le tribunal se prononce sur le fond, ça veut bien dire qu'on estime qu'il y a un risque potentiel tel qu'il faut d'abord interrompre, même temporairement, et qu'ensuite se prononcer sur le fond, pour décider s'il faut durablement, fermer Metssa Congo ou reprendre les activités. »

Le collectif de riverains a adressé un courrier au chef du gouvernement

Amnesty a sorti le 4 juin un rapport « Dans l'ombre des industries en République du Congo » sur l'impact de plusieurs entreprises sur les habitants des villages installés autour dans les départements de Pointe-Noire et du Kouilou. On peut y lire que Metssa Congo n'a pas mené d'étude d'impact environnemental avant son installation en 2013, ce qui constitue une violation de la législation congolaise. L'entreprise affirme avoir obtenu une licence pour le site en 2018 et un certificat de conformité environnementale l'année dernière, soit 10 ans après le début de ses activités.

🔴Les autorités du #Congo et trois entreprises industrielles manquent à leurs obligations concernant le droit à un environnement sain et d'autres droits humains.Cliquez ici pour lire notre rapport 👇https://t.co/AAhD19HrMw @ASoudanNonault @EnvDDBC_GouvCg @GouvernementCG pic.twitter.com/1DU74Suv6w-- Amnesty West & Central Africa (@AmnestyWARO) June 4, 2024

« Aujourd'hui, ce que nous attendons des autorités, c'est qu'elles prennent ce dossier au sérieux. Nous avons des raisons de penser que les autorités, même si elles ne nous ont pas répondu, sont réceptives. Elles sembleraient être en train de chercher une solution », estime Samira Daoud

Samira Daoud poursuit : « Ce qui est certain, c'est qu'il faut absolument enquêter sur l'impact réel des activités de Metssa Congo, sur sa conformité avec la législation. Et s'il s'avère que les activités de l'usine portent atteinte à la santé et à l'environnement de la communauté, que des mesures immédiates soient prises pour déplacer cette usine hors de Vindoulou ou si c'est une zone industrielle, que le nécessaire soit fait pour les habitants concernés. »

En attendant la suite de la procédure devant le tribunal administratif, après avoir écrit à plusieurs ministres, le collectif de riverains de Vindoulou a adressé un courrier au chef du gouvernement congolais.

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