Centrafrique: Hypothèque sur les élections Municipales?

14 Juin 2024
analyse

La République centrafricaine (RCA) s'achemine lentement et peut être, pas sûrement, vers ses élections locales et municipales prévues en fin octobre 2024.

Toutefois, il ressort de la conférence de presse tenue par l'Autorité Nationale des Elections (ANE), le 27 mai 2024 à son siège à Bangui qu'il en sera ainsi. Dans la foulée  l'ANE a également annoncé par la voix de son président, le démarrage de la révision du fichier électoral au début du mois de juillet, donc dans un peu moins de 3 semaines.

Tout semble donc bien parti pour l'organisation de ces élections qui, il faut le dire, n'ont pas eu lieu en RCA depuis 1988, soit « une pause » de plus de trente ans (30ans). En lieu et place les exécutifs locaux avaient été nommés, par les différents pouvoirs qui se sont succédés, à un turn over qui donne le vertige. Pour cette fois il s'agit d'aller vers des élections pour élire démocratiquement les conseils municipaux et locaux.

Même si la date a été retenue, il reste aussi très probable que sa tenue soit hypothéquée par un vieux contentieux né de la révision Constitutionnelle issue du référendum du 30 juillet 2023. En effet, cette nouvelle constitution adoptée par référendum a supprimé le plafond fixé à 2 pour les mandats successifs du président de la République, et pour une durée de 5 ans. Ensuite, faut-il le rappeler le mandat du Président Faustin Archange Touadéra prenant fin en 2025, l'actuelle Constitution non seulement ne fixe de limite au mandat, mais il en augmente la durée à 7 ans, et crée le poste de vice -président que le Président lui-même va nommer.

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C'est au fond, la raison qui a fait que l'opposition, s'est mise vent debout contre ce qu'elle appelle une tentative de confiscation du pouvoir de façon indéterminée.  Pour Martin Ziguélé le président du Mouvement pour la Libération du peuple Centrafricain (MPLC), qui menace de boycotter les prochaines élections, il y a trois points d'achoppements sur lesquels, lui et les autres opposants au texte constitutionnel sont intransigeants.

C'est d'abord, comme on l'a indiqué plus haut, un retour à l'ordre constitutionnel antérieur. Autrement dit, le maintien du mandat du président de la République à 5 ans renouvelable une seule fois. Martin Ziguélé va plus loin, en pointant du doigt la mise en place d'un Conseil constitutionnel dont les membres, le moins qu'on puisse dire, n'offrent pas tous des garanties d'impartialité vis-à-vis du Président Touadéra. Ce Conseil, dans l'actuelle Constitution de juillet 2023, remplace la Cour constitutionnelle, dont la Présidente Mme Danièle Darlan, qui avait eu le courage d'opposer des arguments juridiques à la recevabilité de la candidature de Faustin Archange Touadéra à un éventuel 3ème mandat, a été proprement limogée.

Pis, le Président de la République a la haute main sur la nomination des 11 membres du conseil, alors que pour la défunte Cour Constitutionnelle (qui en comptait 9) cette prérogative ne lui revenait que  pour  la nomination du Président de ladite cour.

Enfin, aux yeux de l'opposition, l'autorité nationale chargée des élections (ANE), malgré la défiance manifestée à son égard pour sa « partialité supposée », et les problèmes budgétaires auxquels elle fait face, pour assurer sa mission, s'accroche néanmoins à son calendrier. En revanche, pour la plupart des observateurs, procéder à la révision des listes électorales, convoquer les électeurs, organiser le dépôt des dossiers des candidats, respecter la période contentieuse, convoquer les électeurs, dans un délai de 4mois est manifestement hors de portée de l'ANE. Ils n'excluent pas de ce point de vue un report jusqu'à la fin de l'Année, ce qui n'arrange pas du tout le camp du Président Touadéra, pour qui le temps presse d'ici la fin de son mandat en 2025.

Il ya donc une grosse hypothèque qui pèse sur les élections municipales centrafricaines, d'autant plus que la nouvelle Constitution risque de faire ressurgir les vieux démons du sectarisme. En effet sur la question de l'éligibilité, elle exige pour tout candidat « d'être né de deux parents centrafricains ». Cette disposition méconnait totalement l'histoire récente et douloureuse du pays, notamment les massacres perpétrés par les anti-balaka, contre les musulmans (avec leur lot de réfugiés et de déplacés) pour des liens présumés avec les rebelles de la Séléka, tout simplement parce qu'ils étaient considérés comme des étrangers.

On le voit bien, la RCA (ce vieux conflit oublié) qui est l'un des pays les plus pauvres du monde avec un indice de développement humain-IDH- de 0,343, qui la classe au 179e rang sur 187 pays évalués, n'est pas au bout de son processus de retour à la démocratie 7 ans après l'élection de Faustin Touadéra, et malgré les évolutions constatées. Elle se passerait bien d'une nouvelle crise politique majeure.

La tension politique actuelle risque hélas de replonger le pays dans une période d'instabilité, avec le retour des réfugiés et déplacés, dont on ne peut à priori mesurer l'ampleur. Le fil du dialogue doit être rapidement renoué avant d'aller aux élections. La MINUSCA devrait s'impliquer davantage dans la recherche de solutions qui préservent les droits citoyens, mais aussi une compétition libre transparente et sincère.

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