Tunisie: Comment accidents et incivilités sur les routes provoquent une phobie chez certains conducteurs

En Tunisie, le nombre de décès sur la route en 2023 a augmenté de 14% par rapport à 2022. En cause : vitesse, manque d'attention, incivilités. Résultat : un climat anxiogène qui provoque chez de nombreux conducteurs une forme de phobie. Explications.

En Tunisie, les routes sont meurtrières. Selon les statistiques de l'Observatoire national de la sécurité routière, 5 688 accidents ont été enregistrés en 2023 et le nombre de décès sur la route est de 1 213 personnes, une hausse de 14% par rapport à 2022.

En cause : la vitesse et le manque d'attention. Les incivilités sont également nombreuses et ce climat anxiogène sur les routes provoque chez de nombreux conducteurs une phobie peu connue, l'amaxophobie, la peur de la conduite.

À 42 ans, Hela, qui travaille dans le secteur culturel, avoue par exemple ne plus pouvoir conduire depuis plusieurs années : « Ma mère l'avait, cette phobie. Alors, est-ce que c'est héréditaire ? Je ne sais pas. Probablement... Elle avait comme moi le permis, mais elle n'a jamais conduit. »

Hela a aussi peur en tant que conductrice que passagère : « Je regarde tout le temps mon mari : comment il freine, ses pieds sur les pédales, et tout ça. Et je regarde autour de moi en fait. Je sais que je n'ai pas de bons réflexes. Et ça, ça me fait peur et par rapport à moi et par rapport aux autres. J'ai peur de mal gérer une situation de stress. Effectivement, c'est assez handicapant, ça change complètement mes programmes. »

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Elle dépend souvent de son mari pour ses déplacements et fait face aussi à l'incompréhension de son entourage : « C'est entre la non-compréhension et un peu de moquerie. Ce n'est pas une phobie que les gens peuvent comprendre parce que je n'ai pas subi de traumatisme. »

Hanem Ben Miled, dentiste de 70 ans, porte, lui, une gouttière de bruxisme pendant la conduite pour éviter de trop serrer les dents, à cause des incivilités et du stress sur la route : « Bien-sûr, il y a une amplification de la violence : c'est-à-dire que je me barricade avant de faire une remarque à quelqu'un. La dernière fois, j'ai traité quelqu'un de criminel. C'était criminel la façon dont il est sorti et j'ai failli lui rentrer dedans. Il est descendu avec un bâton... Donc, bon... »

Dans un pays où la voiture est souvent privilégiée face à des transports en commun saturés et parfois vétustes, les infractions routières sont fréquentes. Elles ont rapporté à l'État près de 90 millions de dinars, environ 26 millions d'euros, en deux ans.

Tunisie: «Il y a de plus en plus de personnes qui consultent pour cette phobie de la conduite» Dans un pays où la voiture est souvent privilégiée face à des transports en commun saturés et parfois vétustes, les infractions routières sont fréquentes.

Elles ont rapporté à l'État près de 90 millions de dinars, environ 26 millions d'euros, en deux ans. Certains psychologues ont remarqué une augmentation des cas de peur sur la route, chez des personnes qui n'ont pas forcément d'antécédents d'accidents. Anissa Bouasker, psychiatre et psychothérapeute explique les raisons derrière ce phénomène, au micro de notre correspondante, Lilia Blaise.

« La tension, elle est là, elle est palpable, c'est général, débute-t-elle. Après le Covid, il y a eu beaucoup de personnes qui sont en difficulté. Ça se reflète sur leur comportement général : les personnes se déchaînent n'importe où, sur la route, parce que c'est un contexte stressant. Pour parler de l'amaxophobie, qui est la phobie de la conduite, il y a de plus en plus de personnes qui consultent pour cette phobie qui a l'air d'être une phobie simple de l'extérieur mais qui peut cacher une certaine vulnérabilité ou une certaine sensibilité on va dire aux stresseurs (sic) environnementaux. Mais, en général, ce sont des personnes qui sont anxieuses et qui vont développer cette phobie de la conduite suite à des événements traumatiques ».

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