Sauf que d'autres études prédisent, en revanche, un phénomène inverse et les conséquences qui vont avec
« La hausse des températures de surface de la mer et la modification des courants océaniques poussent les sardines et d'autres espèces de petits poissons pélagiques vers le nord le long de la côte de l'Afrique du Nord-Ouest, précisément vers le Maroc, ce qui entraîne une augmentation significative de la population de sardines ».
D'après une nouvelle étude, publiée dans Scientific Reports, le déplacement vers le nord des populations de sardines a des implications significatives pour le Maroc, qui a vu une augmentation de leurs captures ces dernières années. La présence exceptionnelle de sardines jusqu'à Casablanca en 2015 est probablement liée au déplacement vers le nord de leur distribution observé dans cette étude. Décryptage.
Migration
Selon une recherche menée entre 1995 et 2015 par des scientifiques de différentes institutions au Sénégal, en France, en Norvège, au Maroc, en Mauritanie et en Gambie, sur 2.363 échantillons de chaluts et 170.000 km de relevés acoustiques marins, «la partie sud du grand écosystème marin du courant des Canaries (CCLME), qui s'étend du Maroc au Sénégal, a connu une hausse significative des températures au cours des 34 dernières années. Cette tendance au réchauffement s'est accompagnée de changements dans la vitesse du vent et dans l'intensité de la remontée d'eau de fond, en particulier dans les zones où celle-ci était déjà la plus forte».
A ce propos, ladite étude a observé un déplacement significatif de la limite septentrionale de Sardinella aurita, qui s'est déplacée vers le nord à un rythme de 181 kilomètres par décennie depuis 1995. Les chercheurs attribuent ce déplacement aux tendances au réchauffement à long terme de la température de surface de la mer et à la baisse de la productivité marine dans les régions méridionales du CCLME.
Aubaine
Une aubaine pour l'activité maritime nationale, où la pêche de la sardine occupe une place prépondérante avec 64% des captures totales. L'importance économique de cette activité au Maroc ne se limite pas aux captures, mais s'étend également à la transformation, notamment dans les secteurs de la conserve, de la congélation et du frais. Le Maroc demeure le premier exportateur mondial de sardines en conserve, avec 152.137 tonnes exportées, représentant près de 5,9 milliards de dirhams en 2022, selon les données de Morocco Foodex.
La pêche de la sardine joue aussi un rôle crucial dans nos relations avec l'Union européenne. Une récente étude, commandée par la direction générale des politiques internes du Parlement européen à la demande de la commission de la pêche, a mis en évidence la position dominante du Maroc comme principal fournisseur de ce poisson prisé.
Les sardines constituent l'espèce la plus importée du Maroc, représentant 93% des importations de sardines en provenance de pays hors UE. En plus des sardines, le Maroc exporte également d'autres espèces significatives telles que le calmar, les anchois et le thon, diversifiant ainsi son offre et renforçant sa position sur le marché.
Le secteur de la pêche est un employeur clé pour les communautés côtières et rurales, mais il est de plus en plus menacé par des facteurs non climatiques, tels que les pratiques de pêche illégales et non réglementées.
Prudence
Toutefois, certaines recherches appellent à la prudence puisqu'elles prévoient des mutations importantes dues aux effets du changement climatique.
Ainsi, F. Nininahazwe et I. Sebari soutiennent dans leur article datant de 2020, «Utilisation des systèmes d'informations géographiques pour l'analyse spatio-temporelle des effets des changements climatiques sur la disponibilité des ressources halieutiques au Maroc», que « les variables environnementales (température et salinité) vont subir une augmentation au cours des trois prochaines décennies selon les deux scénarios utilisés.
La température et la salinité connaîtront une augmentation sur la majorité des zones, à l'exception de l'Atlantique Nord qui connaîtra une diminution de la salinité. Par conséquent, la probabilité d'occurrence et la distribution des espèces de sardines et des merlus connaîtront une réduction, tandis que celle du thon rouge restera stable ».
Et de préciser : « Les résultats obtenus dans cette étude montrent que les espèces à faible valence écologique, à savoir les sardines et les merlus communs, seront plus affectées par la variation climatique. Le niveau d'abondance de ces espèces pourra chuter suite à la dégradation de l'habitat.
Par contre, les espèces qui résisteront à la pression du changement climatique sont celles qui pourront s'adapter facilement et celles qui possèdent une large amplitude de conditions environnementales. Les thons rouges sont parmi les espèces dont la répartition et l'abondance ne seront pas très affectées par le dérèglement climatique selon les différents scénarios d'émission de gaz à effet de serre ».
Le chercheur Mohamed Aoubouazza explique, pour sa part, dans son article «Profil du risque de changement climatique au Maroc», que «des températures plus élevées entraînent la migration d'espèces de poissons, notamment le plancton, et ouvrent la voie aux espèces envahissantes qui font concurrence à celles sur lesquelles repose l'industrie. Les habitats des poissons sont impactés par la montée des niveaux de la mer et la prolifération des algues toxiques causées par les eaux méditerranéennes plus chaudes ».
Conflits
Autre souci et non des moindres : cette migration des sardines risque de susciter des différends diplomatiques entre le Maroc et ses voisins. En effet, l'étude publiée dans Scientific Reports a révélé que l'abondance des sardines aurait augmenté dans les régions subtropicales et diminué dans les régions tropicales.
«Les déplacements spatiaux de la biomasse observés pour les sardines et d'autres espèces de petits pélagiques exploitées ajoutent une nouvelle menace à ces stocks de poissons récemment surexploités, ce qui rend la gestion durable plus difficile », ont déclaré les chercheurs chargés de cette étude.
Et de mettre en évidence les impacts potentiels de ces changements sur la sécurité alimentaire dans les pays d'Afrique de l'Ouest qui partagent les mêmes stocks de poissons : «Ces changements devraient catalyser des considérations de politique régionale commune pour la sécurité et la souveraineté alimentaires dans tous les pays d'Afrique de l'Ouest qui partagent les mêmes stocks ».
Les chercheurs soulignent, à ce propos, la nécessité d'une sensibilisation accrue, d'un suivi fréquent et régulier et d'efforts de recherche ciblés sur les petits poissons pélagiques en Afrique de l'Ouest. « Ces efforts sont nécessaires pour comprendre les réponses de cet écosystème marin très dynamique, assurer la durabilité des ressources halieutiques vitales et protéger le bien-être des communautés côtières face au changement climatique ».
Les conclusions de l'étude et les avertissements concernant la protection de cet écosystème marin vital interviennent à un moment crucial, car le Maroc et le reste de l'Afrique du Nord-Ouest subissent les effets sans précédent du réchauffement climatique, notamment la sécheresse, la désertification, l'élévation du niveau de la mer, entre autres.