Ile Maurice: Le parcours d'un combattant de la vie

Il y a douze ans, son nom était sur les lèvres de bon nombre de Mauriciens, malheureusement pas pour les bonnes raisons. Ce lieutenant était malgré lui tenu responsable du décès de deux «privates», Louis Sylvestre Nanon et Nitish Kumar Binda, lors d'une session d'entraînement à Bassin Caraille, à Sept Cascades, en septembre 2012. Douze ans après, la cour l'a acquitté.

Atmanand Sookur, plus connu comme Lieutenant Raj, est sorti grandi de cette affaire. Le jugement tombé vendredi est un soulagement pour Raj Sookur. Le magistrat a noté qu'il y a eu plusieurs contradictions dans la version de certains témoignages contre le lieutenant en cour et après les avoir étudiés, il a conclu qu'il n'y a eu aucun acte de négligence, manque de diligence ou d'imprudence de sa part et que ce n'était qu'un malheureux accident.

Ce célibataire de 42 ans, habitant Camp-Thorel, passionné par la nature, a intégré la force policière après avoir fait ses études au collège d'État sir Leckraz Teelock et au collège St Andrews. Après le collège, il intègre la Special Mobile Force. Il parvient à se distinguer de ses pairs par ses prouesses en athlétisme et participe à plusieurs courses. Peu de temps après, il postule pour le Groupement d'intervention de la police mauricienne (GIPM).

Tout l'attirait chez cette unité : la prestance, le statut qui leur était réservé. En 2002, il rejoint l'équipe et là, il débute son stage de commando, puis de lifesaving, parachutisme et natation. Il reçoit ensuite une bourse pour le Gentlemen's Cadet Course à l'Indian Military Academy. Il s'agissait d'un commissionning course et tous ceux l'ayant complété accèderont à un rang supérieur. Raj Sookur terminera son stage avec brio. À son retour à Maurice, il est nommé lieutenant. Nul besoin de le dire, les parents de Raj, Anand et Devika, sont aux anges après cet accomplissement.

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Son travail, qu'il aimait déjà, devient alors sa passion. Il accumule les stages, dont le Ghatak Commando en Inde, considéré comme le stage le plus difficile au monde et Raj Sookur parvient encore une fois à le terminer avec brio. Il fait des d'autres stages en Inde où il s'entraîne pour le Hostage and Rescue et l'anti-hijacking. Il se rend aussi à l'île de la Réunion pour des entraînements au Commando niveau supérieur ainsi que plusieurs autres stages d'expertise. À Maurice, il participe à plusieurs opérations de sauvetage, dans plusieurs conditions difficiles.

En 2012, le GIPM sélectionne sept jeunes parmi 34 pour intégrer l'unité d'élite. Les jeunes entreprennent plusieurs tests avant d'être choisis, dont 200 mètres natation, saut de 3 mètres de hauteur mains et pieds liés et nager ainsi sur 25 mètres, plongée, natation en haute mer, parcours blessé, bâtiment, tyrolienne, gas test (chambre à gaz lacrymogène), combat à mains nues et tir avec plusieurs armes, entre autres. Une fois choisis, les sept jeunes intègrent l'équipe le 11 septembre pour un entraînement de six semaines. Raj Sookur était le cadre officer désigné par le commandant Servansing pour les entraînements.

Le samedi 29 septembre 2012, le jour fatidique, un peu plus de deux semaines après le début des entraînements, les recrues se rendent à Sept Cascades pour poursuivre leur entraînement. «C'est un malheureux accident. Il y a un parcours qui s'appelle le parcours des blessés et on doit faire une simulation pour évacuer des blessés, où les éléments du GIPM sont souvent appelés à faire des opérations de sauvetage. Nous avons fait les cascades où je leur ai montré les techniques, comment franchir les obstacles avec les moyens que nous avions. Les Sept Cascades n'était pas un endroit nouveau pour les recrues, ce n'était pas la première fois que nous nous y rendions », raconte le lieutenant.

Arrivés à la quatrième cascade, à Bassin Caraille, les deux jeunes se retrouvent en difficulté. «Cette double noyade est un malheureux accident qui s'est passé tellement vite au même moment. Ceux qui étaient présents ainsi que moi avions fait tout pour sauver les deux privates. Mais malheureusement... Ces images sont toujours vives dans ma tête et reviennent à chaque fois et me donnent des frissons. C'est difficile à accepter ce qui s'est produit, pour moi et pour ceux qui étaient présents», confie le quadragénaire.

Le lendemain de l'accident, alors qu'il est toujours en état de choc, le lieutenant Sookur est arrêté sous une charge criminelle. «Les gens ont commencé à me juger sans connaître la vérité. Je me suis retrouvé seul à porter toute cette responsabilité.» Il sera ensuite libéré contre une caution et fera plusieurs va-et-vient en cour.

«Cette malheureuse affaire a pris douze ans de ma vie et m'a affecté sur différents plans. Ma priorité est restée la même pendant tout ce temps : celle de clear my name. Et la justice a tranché.» Pendant les douze ans où il faisait l'objet d'une enquête, Raj Sookur a raté des promotions. Après avoir été suspendu en 2012, il réintègre la force policière sous condition en 2019 à la Special Support Unit (SSU).

Et comme pour Raj Sookur le professionnalisme est son maître mot, il parvient encore une fois à gravir les échelons petit à petit. Il est aujourd'hui à la tête du Special Response Group, une unité d'élite de la SSU. Il n'y a pas un jour où Raj Sookur ne pense pas à ses deux collègues morts en plein entraînement. «I did have a close connection with them», confie le quadragénaire avant d'ajouter : «Les éléments du GIPM sont des soldats de l'ombre, qui font face à des situations difficiles. Je salue leur courage, leur dévouement et leur détermination car ils mettent leur vie à risque à chaque opération.» Il se dit aussi de tout coeur avec les familles des victimes.

Sans ses parents qui ont le plus souffert pendant ces douze années, Raj Sookur ne serait rien. Il tient à les remercier pour leur soutien inconditionnel et ainsi que son homme de loi, Me Sanjeev Teeluckdharry, qui a été là depuis le premier jour de son arrestation, Me Jagoo et le mentor, Me Eddy Balancy. Aujourd'hui, Raj Sookur peut enfin regarder l'avenir avec espoir et détermination, ayant surmonté une épreuve des plus ardues.

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